Les réseaux pédocriminels n’existent pas | Round 47 | Réseau Outreau

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Le Réseau d’Outreau est une affaire de pédocriminalité qui s’est déroulée à Outreau près de Boulogne
Cette affaire fait l’objet d’un véritable emballement médiatique. Aveux, rétractations, instruction menée à charge, failles dans les expertises, témoignages d’enfants piétinés… 

Le podcast complet de cet article est téléchargeable ci-dessous (clic-droit puis “enregistrer la cible du lien sous”) ou à retrouver sur notre chaine Youtube.

Podcast – Réseau Outreau (60′)

Ce dossier reste dans les mémoires.

Il a entrainé de graves dérives notamment dans le traitement de la parole de l’enfant.

Le premier procès s’est déroulé à Saint Omer du 4 mai au 2 juillet 2004 et le deuxième procès a eu lieu en appel, à Paris, en novembre 2005.
  • 13 condamnés sont acquittés après parfois plusieurs années de détention préventive (« les acquittés d’Outreau »)
  • 4 personnes ont été condamnées
  • 12 enfants ont été déclarés victimes.

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L’affaire

Les enfants de Thierry Delay et de son épouse Myriam Badaoui, vivant dans la Tour du Renard à Outreau, sont placés dans des familles d’accueil à partir du 25 février 2000, à la demande expresse de l’épouse, qui dénonce des violences de son mari.

En décembre, ces enfants parlent à leurs assistantes familiales de choses que leur auraient fait subir certaines personnes.

Les assistantes familiales croient les enfants et préviennent l’aide sociale à l’enfance.

La direction de l’enfance du Pas-de-Calais, à Boulogne-sur-Mer, fait un “signalement”, en janvier 2001, au procureur de la République de la ville, Gérald Lesigne.

Le parquet déclenche alors l’action publique.

L’instruction débute en 2001.

Elle se clôt en mai 2003 par une ordonnance de mise en accusation.

Elle est confiée au juge d’instruction Fabrice Burgaud, qui occupe son premier poste depuis à peine une année.

Sur dénonciations de plusieurs enfants, confirmées par leurs parents, un grand nombre de personnes sont mises en garde à vue puis en examen.

Dix-huit d’entre elles — dont les parents des principaux enfants accusateurs — sont écrouées en détention provisoire par décision du juge des libertés et de la détention.

Les enfants Delay ont révélé la présence d’autres enfants, lors de viols en réunion.

Les autres enfants – identifiés avec les déclarations de quatre adultes mis en examen – ont été placés en famille d’accueil, puis interrogés par les policiers, le magistrat instructeur et examinés par deux experts psychologues qui ont validé leurs paroles.

Voir le rapport de l’Inspection Générale des services judiciaire

 

Le 4 mai 2004, s’ouvre, au palais de justice de Saint-Omer (Pas-de-Calais) le procès dit « procès d’Outreau », du nom de cette ville de la banlieue boulonnaise où se seraient déroulés les faits.

L’affaire défraye la chronique à plusieurs reprises au cours de l’instruction ; certains évoquent une « affaire Dutroux à la française ».

Une foule impressionnante de journalistes et de curieux se précipite chaque jour des neuf semaines d’audience, pour assister au jugement de ces 17 personnes qualifiées de « monstres ».

Le procès a eu lieu dans la petite salle des assises du tribunal de Saint-Omer dont l’exiguïté a entraîné une disposition inadaptée, les présumées victimes étant placées dans le box des accusés, alors que les 17 accusés occupaient la salle d’audience en compagnie de leurs avocats et d’une centaine de journalistes.

Une seconde salle a été utilisée avec une liaison vidéo vers la salle d’audience pour permettre à des journalistes et quelques personnes du public d’assister au procès.

Par la suite, un petit chapiteau à l’extérieur a remplacé cette seconde salle qui n’était plus disponible.

Procès de Saint- Omer du 2 juillet 2004

4 condamnations sans appel suite à des aveux pour viols, agressions sexuelles, proxénétisme et corruption de mineurs :

– Myriam Badaoui est la mère de Chérif Delay (14 ans au moment du procès).

Elle a innocenté 13 coaccusés avant de revenir sur ses déclarations.

Elle a été condamnée à 15 ans et a été libérée en septembre 2011.

– Thierry Delay, est le beau-père de Chérif Delay. Il a été condamné à 20 ans.

– David Delplanque est un des « voisins ». Il a été condamné à 6 ans.

– Aurélie Grenon est la femme de David Delplanque.

Elle a été condamnée à  4 ans (elle ne fera que 6 mois de prison)

6 condamnations avec appel :

– Sandrine Lavier et Franck Lavier : 3 ans avec sursis et 6 ans de réclusion pour corruption de mineurs.

– Dominique Wiel, (30 mois de détention) prêtre : 7 ans de réclusion pour viols d’enfants

– Thierry Dausque (38 mois de détention), travaille dans le bâtiment : 4 ans de réclusion dont un avec sursis pour agressions sur mineurs

– Daniel Legrand fils (deux ans et demi de détention) : condamné à 3 ans de détention pour viols sur mineurs

– Alain Marécaux (23 mois de détention) : huissier : 18 mois de prison avec sursis pour agressions sexuelles sur son fils

7 acquittements :

– Christian Godard (83 jours de détention, décédé en 2009) et Roselyne Godard dite « la boulangère »

– Karine Duchochois devenue journaliste après avoir été vendeuse entre autres métiers

– David Brunet (deux ans de détention) : mari de Karine Duchochois.

– Pierre Martel chauffeur de taxi

– Daniel Legrand père (30 mois de détention, décédé en 2012) ouvrier métallurgiste

– Odile Marécaux (7 mois de détention) épouse d’Alain Marécaux, infirmière scolaire

 

Procès de Paris en appel du 1er décembre 2005

Acquittements de tous les condamnés du procès de Saint- Omer.

Après le procès, Pascal Clément le ministre de la justice, annonce une enquête sur les services judiciaires, policiers et sociaux et la possibilité de sanctions administratives. Il présentera ses excuses aux acquittés.

François Mourmand était aussi accusé et déjà connu des services de police avant Outreau.

Thierry Delay l’avait innocenté.

Il est décédé (surdose médicamenteuse pour laquelle un non-lieu a été prononcé en 2011) en prison en 2002, sans avoir été jugé.

La cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg a condamné la France a verser 20.000 euros à la sœur et au père de François Mourmand en  novembre 2011.

Ils n’ont pas fait appel.

Les victimes

Douze enfants ont été reconnus victimes alors qu’ils étaient mineurs à l’époque de faits : Chérif (alias Kévin) Delay (23 ans) est l’aîné, Dimitri (20 ans), Jonathan (19 ans) et Dylan (mineur) sont ses frères.

Beaucoup d’autres enfants sont auditionnés…

Les viols ont  commencé à Noël 1996 quand Chérif avait 6 ans.

Chérif qui est capable de parler aujourd’hui, a été placé dès l’âge de deux ans en famille d’accueil et passait  les weekends dans sa famille.

Il a été toujours rejeté par Thierry Delay, son beau-père.

L’enfant raconte qu’il était violé en réunion dans un réseau de pédophiles où l’argent circulait abondamment et dont faisaient partie ses parents, ses voisins, etc.. .

En 2012, Chérif s’accuse d’avoir tué en 1998 une enfant sous la menace des adultes.

Il accuse aussi le couple Lavier, qui a pourtant été innocenté par le procès.

Le 08/12/2011, il est jugé pour avoir proféré des menaces de mort, sur Facebook, à l’égard de Franck Lavier.

Il écope de la prison avec sursis.

Chérif culpabilise beaucoup de n’avoir pas pu protéger ses petits frères à qui il aurait épargné ces maltraitances.

Il est devenu SDF à 18 ans et a connu la prison.

Par l’intermédiaire d’un policier il a pu bénéficier d’un projet éducatif (alternative à la prison) au Sénégal qui l’a aidé à tourner la page.

Il défend farouchement le juge Fabrice Burgaud, la Police et les expert psychiatres et psychologues qui, à ses yeux ont très bien fait leur travail.

Dans son livre Chérif rapporte que le juge contrôlait constamment s’il conservait la même version des faits.

Il avance également que le juge Burgaud a été, lui aussi, à sa manière une victime d’Outreau et de l’administration.

 

Outreau: le procès en appel, une honte pour l’État de droit

Aujourd’hui, on va revenir sur l’acquittement quasi général intervenu à l’issue du procès en appel de l’affaire d’Outreau.

Un acquittement tout à fait hors norme, du jamais vu et heureusement: ledit acquittement a été annoncé avant même que les jurés ne commencent à délibérer.

Le citoyen pourrait se demander à quoi sert le cirque du jury populaire dans les procès d’assises, mais pour sarkoléon et sa clique cela n’a posé aucun problème bien que diverses irrégularités aient été démontrées.

Remettons les choses dans le contexte: à l’époque, sarkoléon voulait la peau des juges d’instruction (et on comprend aujourd’hui pourquoi, avec toutes les casseroles qu’il se trimballe il pourrait ouvrir un dépôt de gros en quincaillerie).

Oui, sarkoléon était La loi: il a déclaré Yvan Colonna coupable de l’assassinat du préfet Erignac dès son arrestation, par exemple.

Le premier procès d’Outreau, à Saint-Omer, a vu la condamnation de 10 personnes, dont le couple Delay et le couple D., des voisins de palier qui finalement, n’ont pas fréquenté les Delay très longtemps, et 16 enfants reconnus comme victimes.

7 accusés ont été acquittés.

Six autres accusés ont été acquittés ensuite, lors du procès en appel en 2005.

Et de toute manière ces futurs acquittés ont été libérés très rapidement après le procès.

Par exemple, le curé qui avait pris sept ans a été libéré le 21 juillet 2004 alors que le jugement est tombé le 3 juillet.

Le lendemain 22 juillet 2004 c’est Franck Lavier qui est libéré alors qu’il avait pris six ans de prison.

Suite au premier procès, les premiers acquittés ont réclamé des indemnisations.

Leurs avocats, les fans des médias Dupont Moretti, Berton & Co, ont commencé à faire du bruit immédiatement avec cette histoire d’indemnisation des clients, ce qui a totalement pollué le débat sur l’affaire Outreau durant tout le temps avant le procès en appel, fin 2005.

 

Les indemnités

Les 7 acquittés [1] ont ainsi posé fièrement dans la presse, réclamant “réparation”, et cela avec force et vigueur.

Notre cher ministre de la Justice, si actif pendant l’affaire Alègre à Toulouse, Dominique Perben, a même reçu lesdits 7 acquittés qui, nous disait RFI en septembre 2004, voulaient “faire reconnaître l’injustice dont ils ont été victimes” et, au passage, taper sur le juge d’instruction.

En plus, Perben leur a promis des avances, soit 100.000€ qu’ils ont touchés en décembre 2004.

Les premiers 7 acquittés se sont donc fait entendre, comparant leur situation à celle de Patrick Dils, blanchi par la justice pour deux meurtres, après 15 ans de détention, et qui avait touché 1 million d’euros.

Ces acquittés en ont fait au maximum 3.

Et les avocats voulaient absolument que la question soit réglée avant le début du procès en appel.

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Pendant des mois, on a donc parlé de chiffres.

Le ministère faisait des propositions, puis les avocats s’épanchaient dans les médias en disant que ce n’était vraiment pas assez quelle honte.

Remarquez, on comprend le ministère, même s’il voulait marquer le coup et victimiser les acquittés au maximum: les avocats de 6 des 7 acquittés avaient réclamé un million d’euros par tête.

Même Karine Duchochois, qui n’a pas fait un seul jour de prison, demandait 650.000€.

On notera aussi qu’en principe, c’est une commission d’indemnisation liée à la Justice qui doit décider de ces indemnités.

En outre, il y a eu une clause de confidentialité auxdites indemnités.

Selon un magistrat qui a demandé des éclaircissements au ministère de la justice afin de mieux évaluer les sommes,

“Pour pouvoir effectuer des compensations valables, nous avons demandé aux services de la chancellerie ses critères dans l’affaire Outreau, mais le secret nous a été opposé”.

Cela signifie que les indemnités des acquittés d’Outreau ont été débattues hors de tout cadre légal.

Sinon, pourquoi cacher la recette miracle?

Qu’y avait-il dans ces indemnités?

“Les montants fixés par la Chancellerie comprennent “l’indemnisation du préjudice moral et de la faute lourde de l’État, l’indemnisation de la détention provisoire et celle du préjudice matériel”, expliquait le Nouvel Obs.

Le montant exact perçu par chacun des acquittés est secret, mais “le montant moyen de l’indemnisation est de l’ordre de 57 euros par jour (oscillant en fait entre 37 et 107 €.

Une exception notable est celle des acquittés d’Outreau, qui se sont vus proposer une indemnisation de 4000€ par jour, qu’ils ont refusée.

Après versement d’une provision de 250.000 €, une négociation a eu lieu, avec une clause de confidentialité qui leur interdit de révéler les montants perçus.

Source : Le Guide de la défense pénale, 5e éd., Éd. Dalloz, oct. 2007″.

 

On sait que Pierre Martel, chauffeur de taxi accusé par différents enfants, a touché 600.000€ pour 30 mois en prison (soit 20.000€ par mois de prison !!!), indemnité négociée chez le ministre de la Justice soi-même.

Karine Duchochois, qui n’a pas fait de prison, aurait finalement touché 150.000€.

Et d’après une question posée au Sénat en 2010, certains ont touché jusqu’à 1 million d’euros, c’est-à-dire la somme qui avait été réclamée [2].

Et je précise que le plus indigne dans cette histoire d’indemnités n’est pas le tapage médiatique qui a entouré les débats à leur sujet, mais la disproportion totale avec les indemnités versées aux 12 enfants reconnus victimes en appel, soit 10.000 misérables euros pour des années de souffrances physiques et psychiques intenses et répétées.

 

Brouhaha médiatique

En plus de l’histoire des indemnités, les condamnés déjà libérés clamaient leur innocence dans les médias, criant eux aussi à l’injustice et réclamant leurs indemnités, et cela alors que le procès en appel arrivait seulement.

Les “experts” type Paul Bensussan, fans de la négation de la parole de l’enfant, se sont mis à jacasser sur les conséquences d’Outreau avant le procès en appel, et on a évoqué partout diverses réformes, comme ne plus parler de la “crédibilité” des enfants, afin “d’éviter l’amalgame entre “crédibilité” et “vérité judiciaire”“, ou l’exigence d’impartialité des experts.

Car oui, la thèse officielle était déjà, hélas, que les enfants d’Outreau étaient de sales menteurs, et les acquittés ou futurs acquittés (d’ailleurs à ce stade de l’affaire cela revenait déjà au même) de pauvres victimes.

En mai 2005, une drôle de clique se met en branle, rebondisssant sur l’affaire d’Outreau:

” A l’initiative du député UMP Georges Fenech et de l’avocat Eric Dupont Moretti, des personnalités d’horizons très divers tels que les magistrats Eric de Montgolfier et Laurent Davenus [3], les avocats Thierry Levy et Jean-Louis Pelletier [4], se sont réunis mercredi soir et ont décidé d’adresser une lettre commune au président de la République en vue d’engager ‘une vraie réforme de la justice’ qui, selon eux, passe par une séparation entre le siège et le parquet “.

 

Georges Fenech, le meneur du mouvement anti “sectes” mais pas toutes, qui traine aussi quelques casseroles [5], vient d’annoncer qu’il sera l’un des avocats de Daniel Legrand, qui passera en procès pour les faits présumés qu’il aurait commis alors qu’il était majeur (il n’a jusqu’à présent été jugé que pour les faits dont on l’accusait alors qu’il était majeur).

Fin 2006, il avait créé un “observatoire d’Outreau” avec deux acquittés, après avoir aussi participé à la commission d’étouffement d’enquête parlementaire de l’affaire Outreau.

Le but de cet observatoire, nous disait-il, était de

“promouvoir une réforme profonde de la justice et d’alerter les autorités ainsi que l’opinion publique sur les nécessaires changements attendus par le pays”.

Quant à Thierry Levy, c’est cet avocat qui a défendu avec tant de ferveur la pédophilie et les pédophiles, sur une chaine publique, il n’y a pas si longtemps que cela.

“Le sexe avec les enfants est un sujet qu’on ne peut plus aborder aujourd’hui.

Plus personne n’ose parler de la sexualité des enfants”, dit-il, regrettant probablement les années 80, les Cohn bendit et les Pollac, avant de s’énerver parce que la “morale”, n’est-ce pas, “vient interdire tous les comportements un peu différents”.

Il regrette que la pédophilie soit devenue “un sujet totalement interdit”.

 

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Deux mois avant le procès en appel, Florence Aubenas, tout juste libérée de sa prise en otage en Irak, publie un livre sur l’affaire Outreau, à partir de pièces du dossier données par les avocats de la défense, et des propos tenus par les acquittés et les avocats de la défense.

Un livre à charge contre les enfants, alors qu’avant d’être retenue en otage, elle avait déjà suivi l’affaire et tenait le discours inverse.

 

Un étrange procès

Au milieu de ce délire médiatique devenu quasiment sociétal, on en arrive au procès en appel, qui s’ouvre en novembre 2005 après un report.

Il se déroule à paris, comme le demandaient les avocats de la défense.

Me Berton, avocat de Franck Lavier, a déclaré en apprenant la nouvelle que “ le procès se rapproche de la chancellerie“, avec laquelle il avait justement voulu négocier directement les indemnités.

Et cela ressemble bien à un message, signalant que l’affaire était sous contrôle.

Sont donc rejugés les six condamnés ayant fait appel, à savoir Alain Marécaux (condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis), le curé Wiel (7 ans de prison), Legrand fils (3 ans de prison dont un avec sursis),  Lavier (6 ans de prison) et sa compagne Sandrine Legrand (3 ans avec sursis) et Thierry Dausque (4 ans de prison dont un avec sursis) [6].

 

Dans les médias, et jusqu’au JT de France 2, on nous présente, à l’ouverture du procès, tous les condamnés qui feront partie du deuxième charter d’acquittés comme étant des innocents.

Dans l’opinion publique, on ne comprend plus: pourquoi des acquittés sont envoyés en procès en appel?

D’autant qu’ils se présentent tous libres malgré la gravité des faits qu’on leur reprochait.

Évidemment, les 7 déjà acquittés étaient présents pour soutenir leurs copains.

Dans les médias, par contre, on n’a toujours pas entendu une seule fois le parquet, chargé en principe de l’accusation, ni une seule fois les avocats de la défense.

Quant aux experts, ils étaient tenus au secret, et les enfants étaient mineurs et placés, ils ne pouvaient donc pas s’exprimer.

Le procès commence le 7 novembre 2005, jour où la cour reçoit une lettre de Thierry Delay disant que les six sont innocents.

Durant les débats, on a à peine posé des questions aux accusés au sujet de  faits.

Par exemple, Daniel Legrand fils déclare:

“Je ne connais pas ces enfants. J’ai jamais fréquenté Outreau”,

sans qu’on ne le confronte à ses contradictions ni aux déclarations contraires de nombreux témoins, du moins d’après ce qui en est ressorti dans les médias.

Les assistantes maternelles, chez qui les enfants victimes avaient été placées et qui avaient patiemment recueilli leurs paroles, ont été vivement attaquées, les avocats de la défense disant qu’elles avaient quasiment monté toute l’affaire à cause de leurs délires.

On nous dit que l’audition de Chérif n’a “rien apporté”…

Normal: il a toujours répété exactement la même chose, depuis ses premières audition à la police de Boulogne en 2001.

Le 16 novembre, les trois enfants qui accusaient le curé Wiel se retractent d’un coup, certainement apeurés de voir ce qu’il est arrivé à leurs copains quand ils ont été passés à la question par les ténors avocats de la défense, et traités de menteurs.

Suite à cela, Berton l’avocat de Lavier déclare que le procès est réglé.

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Tous les médias nous parlent alors d’un “coup de théâtre”.

Mais quelques jours plus tard, il s’est passé une autre chose incroyable, que les médias ont oublié de dénoncer.

Alors qu’une des filles Lavier maintenait ses propos au sujet du meurtre d’une petite fille (voir les détails parus dans le magazine “l’envers des affaires” en fin d’article), propos qu’elle avait déjà tenus dans une lettre qu’elle avait adressée au juge Burgaud, on apprend que l’avocat de son père, Franck Berton, détient plusieurs lettres similaires écrites par sa sœur, et qui ne se trouvent pas dans le dossier d’instruction.

 

” Me Franck Berton, avocat de la défense, a produit à l’audience la semaine dernière une de ces pièces litigieuses, une lettre rédigée par la fille de l’accusée Sandrine Lavier.

Me Berton a déclaré à Reuters avoir en fait retrouvé cinq lettres de ce type, écrites par cette fillette et par une autre enfant, entre janvier et mars 2002″, nous dit Le Nouvel Obs du 21 novembre 2005.

“Ces documents figuraient dans les dossiers des juges qui ont géré le placement de ces enfants.

Dans ces lettres, une des fillettes déclarait avoir été témoin d’un meurtre d’enfant, évoqué dans le dossier par d’autres enfants mais qui s’était déjà avéré imaginaire.

[Je précise que l’affaire du meurtre a été classée et jamais jugée, on ne peut donc pas affirmer qu’elle était fausse et sortie tout droit de l’imaginaire des quatre enfants qui en parlent]

Les deux fillettes mettaient par ailleurs en cause de manière fantaisiste de nombreuses personnes de leur entourage pour des viols.

[Là aussi, comment affirmer que ces propos sont fantaisistes puisqu’il n’y a jamais eu d’enquête]

“Ces lettres mettaient en lumière l’aspect délirant des déclarations des enfants.

Elles montraient aussi un phénomène de ‘contamination’ entre les enfants d’Outreau, les uns répétant les affabulations des autres “, estime Me Franck Berton.

 

Envoyées au procureur par des assistantes maternelles, ces pièces n’ont pas été versées au dossier [7] du juge Burgaud.

Franck Berton émet l’hypothèse d’un “tri volontaire” du juge, qui aurait éliminé des éléments défavorables à sa thèse.

Le parquet général de Paris n’a pas d’explication mais penche pour l’hypothèse d’un problème d’”aiguillage”.

Le lendemain 17 novembre, ce sont les experts qui sont mis au pilori, alors qu’ils ont tous dit la même chose.

Un collège d’experts a confirmé les expertises des premiers experts, attaqués de manière aberrante par les avocats de la défense, mais on s’en moque.

Le 18, Badaoui se rétracte au sujet de ses accusations.

Elle disculpe les six accusés, et tout le monde la croit, cette fois.

Alors que pour le coup rien n’est étayé ni logique, mais comme par hasard tous les médias la croient.

Marécaux dit que Dimitri lui a avoué avoir menti, ce qui serait très étonnant car aujourd’hui encore, il dit qu’il a toujours dit la vérité.

Il fait d’ailleurs partie des enfants reconnus victimes.

La semaine suivante est consacrée à l’audition des accusés… qui racontent leurs malheurs!

Martel passe pour un martyr, on peut même lire dans la presse que

“la fille des époux L., rejugés, a maintenu la semaine dernière cette accusation farfelue”, comme quoi il les avait emmenés et violés en Belgique.

Tiens, parce que les enfants ne sont pas tous rétractés, contrairement à la version officielle?

Le 25, Villepin, 1er ministre, demande au ministre de la Justice de ” faire des propositions de façon à ce que de tels drames ne puissent pas se reproduire”.

Ceci, alors que les accusés ne sont pas encore acquittés, mais passons.

 

Un acquittement surréaliste

Le dernier jour du procès, le 30 novembre, l’avocat général Yves Jannier, qui n’a pas fait preuve de beaucoup d’acharnement à défendre son dossier, requiert l’acquittement général et dit que les enfants ont déliré.

L’affaire a tellement été bouclée que ni les avocats des victimes, ni les avocats de la défense n’ont eu à plaider.

Mieux: Yves Bot, le procureur général de la cour d’appel qui avait assisté aux “débats” le dernier jour, exprime ses regrets aux accusés au cours d’une conférence de presse.

Il a aussi “complété” le réquisitoire d’Yves Jannier, demandant lui aussi l’acquittement.

Et cela AVANT que le verdict ne soit rendu (les jurés venaient de se retirer), ce qui a évidemment pesé dans la balance au mépris du droit des victimes à avoir un procès équitable:

“nous devons faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

La démarche dans cette enceinte, c’est une démarche de réparation”

et il vient lui-même demander leur acquittement dans la salle d’audience, ce qui ne se fait jamais [8].

 

La présidente de la cour d’assises de Paris a vivement critiqué hier le procureur général de la cour d’appel de Paris, Yves Bot, pour avoir tenu une conférence de presse dans la salle d’audience avant le verdict.

Entendue par la commission d’enquête parlementaire, Odile Mondineu-Hederer a raconté avoir été “abasourdie” par la présence d’Yves Bot et de la presse dans le prétoire, le 30 novembre 2005, quelques minutes après la fin du réquisitoire.

Après avoir réclamé l’acquittement des six derniers accusés et exprimé ses “regrets” pour cette “véritable catastrophe”, le procureur général avait accordé des interviews aux médias audiovisuels, mettant en scène une institution judiciaire qui cherche à montrer qu’elle a tiré les leçons de cette “catastrophe”.

Et ce avant même le verdict attendu le lendemain”, lisait-on dans 20 minutes du 11 avril 2006 (article aujourd’hui indisponible sauf en cache).

C’est seulement le lendemain 1er décembre que le verdict est rendu, et qu’on apprend que les six sont acquittés, mais ce n’est un scoop pour personne.

Le même jour, Pascal Clément, nouveau ministre de la Justice, annonce le lancement d’une triple enquête des inspections générales des services judiciaires, policiers et sociaux sur le “désastre” de l’affaire Outreau.

Il promet des réparations aux nouveaux acquittés.

“Ces acquittements, conformes aux réquisitions, sont la suite logique de l’effondrement des charges de l’accusation pendant le procès en appel”, explique savamment Le Monde.

Sauf que la réalité est bien différente, sinon pourquoi 12 enfants auraient-ils été reconnus en tant que victime de viols et de proxénétisme?

Dans un silence assourdissant, aucun média ne parle des 12 victimes.

Le 6 décembre, les acquittés sont reçus à Matignon par Villepin, Chirac s’est “excusé”, et le 7 la commission d’enquête parlementaire est lancée.

Lorsque les services d’inspection se sont mis en branle, qu’est-il ressorti de cette affaire d’Outreau?

Eh bien, bizarrement, les déclarations des nombreux magistrats impliqués dans le dossier n’étaient pas franchement en faveur des accusés.

Il s’agit là d’un courrier officiel rédigé le 19 mai 2004, à l’attention du ministre de la Justice, par un service spécialisé, la direction des affaires criminelles et des grâces.

On pourrait diffuser plusieurs documents de ce type, qui montrent que l’instruction a été menée honnêtement.

On attaque le juge Burgaud, mais il sert de bouc émissaire parce que derrière, ce que l’on cherche à cacher, c’est tout un système de corruption et de réseaux pédophiles inter connectés.

 

———————–

On comprend pourquoi le public ne comprend rien à cette affaire: d’un côté, 13 acquittés et 4 coupables, de l’autre 12 victimes.

Pas besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre que le compte n’y est pas, d’autant que, on l’a vu, plusieurs affaires connexes ont été saucissonnées du dossier.

Le procès en première instance ne ressemblait déjà à rien, avec des victimes placées dans le box des accusés, face au public composé de journalistes et des accusés.

Le procès en appel était encore pire, avec un acquittement général annoncé avant le verdict.

Une chose est sûre cependant: un tel cirque ne se reproduira pas au procès de Daniel Legrand à Rennes.

Enfin j’ajouterais que la manière dont les choses se sont passées est révélatrice d’un dysfonctionnement grave de notre institution judiciaire, soi-disant garante de l’État de droit (mais l’État de quel droit, faut il se demander): bien que rendue au nom du peuple français, la “””justice””” n’appartient qu’à ceux qui la font.

[1] Ces acquittés étaient Roselyne Godard, Karine Duchochois, Odile Marecaux, Daniel Legrand père, Pierre Martel, Thierry Dausque, David Brunet.

[2] Le sénateur René Vestri avait rappelé dans sa question que

“dans l’affaire d’Outreau, les personnes détenues à tort ont été indemnisées pour cette erreur judiciaire de sommes allant de 650 000 euros à 1 million d’euros.

En effet, le montant total de l’indemnisation a été tenu secret afin d’éviter que la jurisprudence ne crée une inflation des indemnisations de détention.

Cette indemnisation portait sur trois champs, à savoir la faute lourde de l’État, le préjudice matériel et la détention préventive”.

Mais, Georges Tron le ministre de la fonction publique n’a pas voulu répondre sur le montant versé.

[3] Laurent Davenas a été nommé comme avocat général à la cour de cassation par Chirac, après avoir empêché pendant longtemps que des poursuites n’avancent contre Xavière Tibéri.

[4] Pelletier était l’avocat du curé Dominique Wiel.

[5] Notamment une mise en examen pour avoir diffusé des injures publiques dans le journal de son association de magistrats en 2001, ou une peine d’inéligibilité qui a vu l’annulation de son élection dans le camp UMP en 2008, pour une magouille avec ses comptes de campagne.

Un truc pas grave, nous a-t-on dit.

En 2012 il est condamné pour diffamation publique dans un rapport de la Miviludes, qui “lutte” contre les “sectes”.

Par contre en 2011 il a été relaxé pour les sous que son association de magistrats a touchés du marchand d’armes Pierre Falcone, impliqué jusqu’au cou dans l’Angolagate (ventes d’armes illégalement à la dictature en Angola).

[6] Deux couples condamnés n’ont pas fait appel.

Il s’agit des Delay, et du couple de voisins qui, comme Myriam Delay (Badaoui), ont avoué l’ensemble des faits.

Aujourd’hui, il ne reste plus que Thierry Delay en prison.

[7] Comment se fait-il que ces pièces envoyées au procureur, chargé de transmettre les pièces au juge, ne se sont-elles pas trouvées dans le dossier.

Il y a eu aussi quelques pièces qui ont disparu du bureau du juge Burgaud, à qui on ne peut pas reproché d’avoir cherché à épargner les accusés.

Et pourquoi aurait-il éliminé des pièces qui dénonçaient les accusés?

[8] A la commission d’enquête parlementaire, Bot a dit que cette conférence de presse avait été improvisée, sous la pression des médias.

Mais selon Durant Soufflant, c’est le parquet général qui l’avait organisée, dans la salle des Assises.

La responsable presse du parquet avait dit aux journalistes de rester dans la salle d’audience.

La responsable dit que cela a été fait suite à la demande des journalistes.

Pourtant, les enfants n’ont pas pu porter plainte contre Yves Bot pour ce manquement colossal, lui qui a toujours été un grand ami de sarkoléon: les enfants étaient mineurs à l’époque, et mal défendus.

Quand les plus âgés sont devenus majeurs, il y avait prescription.

 

 

Quelques affaires connexes à l’affaire Outreau

Si l’affaire Outreau a fini par sortir, c’est parce que, comme une cocotte minute sur le feu, le couvercle devait sauter dans ce quartier où plusieurs réseaux pédophiles s’entrecroisaient.

Il n’a jamais été possible d’établir l’existence de ces réseaux devant la justice, même si tous les protagonistes qui ont parlé, coupables et victimes, ont aussi parlé de réseau.

On va aborder aujourd’hui quelques-uns des “dossiers connexes”, tombés dans l’oubli, et pourtant reliés de près à l’affaire Outreau qu’on connait.

On connait plus ou moins bien le procès Outreau : sept condamnations en première instance, quatre en appel.

17 enfants reconnus victimes en première instance, 12 en appel.

Mais, l’affaire a été saucissonnée, comme on dit, et plusieurs volets de l’affaire Outreau ont été disjoints.

Il est vrai que si tous ces dossiers connexes avaient été jugés dans le cadre de l’affaire Outreau que nous connaissons tous, l’instruction aurait été interminable [1].

En voici quelques-unes dont nous pouvons parler.

Le 26 juin 2001, deux couples sont arrêtés dans le cadre d’un dossier parallèle à l’affaire Delay/Badaoui, pour des faits de pédophilie.

A ce moment, un avocat explique dans la presse qu’il y avait 6 ou 7 dossiers similaires dans ce quartier de la Tour du Renard, à Outreau.

Cependant, on n’a jamais réentendu parler de ces couples arrêtés.

Le journaliste Frédéric Lavachery, auteur d’un livre sur l’affaire Dutroux, qui a éclaté en 1995 en Belgique, explique que, dès 1999 les renseignements généraux français se sont intéressés au mouvement de citoyens belges contre les réseaux pédophiles, les Comités Blancs, qui ont fait si peur au pouvoir belge.

 

Il écrit :

“En 1999, la profileuse belge Carine Hustebaut avec laquelle je travaillais sur plusieurs dossiers, notamment les cd-rom dits de Zandvoort, m’a demandé si j’étais d’accord de rencontrer une cellule des Renseignements Généraux français qui souhaitaient comprendre ce qui se passait en Belgique.

J’ai accepté et nous nous sommes vus à Lille.

Nous étions quatre, deux agents des RG, Carine Hutsebaut et moi.

Les RG m’ont expliqué que leur cellule avait été mise sur pied pour enquêter sur l’action des Belges face aux réseaux de pédocriminalité dans le but de débusquer d’éventuels réseaux de même nature en France.

Pour ma part, je leur ai fait part des raisons de la mobilisation sans précédent de la population belge en solidarité avec les familles victimes de Dutroux et consorts.

Nous nous sommes vus une deuxième fois à Lille.

Je leur ai dit que l’objectif de leur cellule n’était nullement de démanteler de tels réseaux mais d’éviter qu’en France une affaire de type Dutroux ne vienne déstabiliser le régime.

Penauds, ils m’ont dit que j’avais raison.

Cette mise au point faite, j’ai accepté de les éclairer sur la mobilisation populaire belge, celle-ci étant de toute manière pénétrée par les services de la Sûreté de l’État belge et notre action n’ayant rien de clandestin.

Ils m’ont demandé s’ils pouvaient assister à l’une des réunions de notre association, le ” collectif des victimes passées en résistance “, lequel était composé d’une quinzaine de personnes victimes de diverses formes de criminalité institutionnelle, dont une diplomate de haut rang et deux gendarmes.

Ayant reçu l’accord des membres du collectif, j’ai donc invité les deux agents des RG à l’une de nos réunions, à proximité de Bruxelles.

Ils sont arrivés avec une dame qu’ils ont présenté comme leur chef et ils ont assisté à nos travaux, qui n’avaient rien de confidentiel.

Je n’ai plus entendu parler de cette cellule par la suite.

En 2001, la presse a commencé à rendre compte de l’affaire d’Outreau et, très rapidement, il est apparu qu’elle prenait l’exact contre-pied de l’attitude adoptée par la presse belge entre 1996 et 1998.”

Voir aussi le documentaire de Serge GARDE, “Outreau, l’autre vérité”.

Le procès Danger/Vandevelde

Le 12 novembre 2001, alors que l’affaire Outreau fait la Une des médias depuis près d’un an, trois couples sont arrêtés.

Il s’agit de trois frères, les Danger, mariés à trois sœurs Vandevelde, avec quelques échanges d’un couple à l’autre, et 16 enfants au total (ils ont été placés le même jour).

Ils vivaient dans un immeuble en face de chez les Delay.

Ce sont les deux aînés de la famille, placés depuis 1999, qui ont parlé à leurs assistantes maternelles.

Un autre couple a également été arrêté dans le cadre de l’affaire Delay/Badaoui, mais on n’en a pas entendu parler davantage.

 

Les trois couples Danger/Vandevelde ont été arrêtés pour des actes pédophiles répétés sur leurs enfants, ainsi que la grand-mère maternelle, chez qui se seraient déroulé une partie des faits.

C’est le procureur Lesigne qui suit l’affaire, comme pour Outreau.

Il n’a  donc été question que d’une “affaire d’inceste familial“.

Dans le dossier Outreau, on apprend que certains de leurs enfants sont cités comme victimes par les témoins du dossier Delay/Badaoui.

L’un des acquittés est cité par une victime comme agresseur d’un des enfants Danger.

Une autre victime cite plusieurs enfants Danger comme victimes des Delay.

Badaoui, quant à elle, a déclaré qu’une des femmes Vandevelde faisait partie du réseau.

Mais quand certains enfants sont entendus par la police et les psychologues dans le cadre de l’affaire Outreau de base, ils nient avoir subi quoi que ce soit, et se montrent même totalement bloqués au départ.

L’un d’eux finit par dénoncer un acquittés, mais jamais ses parents.

Il se rétractera lors du procès en appel, permettant d’acquitter ce suspect, qui avait été condamné en première instance.

 

La presse dépeint les trois couples, défendus par les ténors de l’affaire Outreau tels que Moretti, Berton et Delarue fils, comme des débiles qu’on attaque injustement, à cause du délire de l’affaire Outreau.

En mai 2002, alors que les trois couples sont toujours en préventive, une codétenue d’une des sœurs Vandevelde, ulcérée, est entendue par la police.

Elle explique que cette femme est “très intelligente” mais “joue les naïves” (comme tous les accusés dans cette affaire, d’ailleurs).

La codétenue déclare qu’elle a dit avoir commis des attouchements sur les enfants, et même qu’elle faisait partie d’un réseau pédophile.

En gros, on prostituait les enfants contre de l’argent ou des provisions.

Là aussi, il est question de cassettes vidéos, qui auraient “été dégagées avant l’arrivée de la police“.

Finalement, les trois couples sont relâchés discrètement en septembre 2004.

Leur procès est reporté à juillet 2005, juste après le procès en appel de l’affaire Outreau.

C’est seulement en mars 2006 que le procès commence, à Saint-Omer, en plein pendant la commission d’enquête parlementaire sur Outreau.

Au cours des trois semaines d’audience, les adultes nient les accusations de pédophilie.

On apprend qu’en 1997, Christian, l’oncle d’une des victimes, Jessica, a été condamné à 18 mois  fermes pour des attouchements commis en 1996.

Tout le procès repose sur le seul témoignage de Jessica, qui est évidemment attaquée par les avocats de la défense.

Son frère qui accusait un acquitté d’Outreau s’est rétracté, ce qui fragilise encore plus l’accusation.

Et les médias s’en donnent à cœur joie, en ne donnant la parole qu’aux avocats de la défense et en rappelant lourdement “le fiasco de l’affaire Outreau”.

“Devant la juge, [X] a évoqué la violence de [son compagnon] la forçant à avoir des rapports avec ses frères, à regarder des films pornos en présence des enfants, elle a parlé de ses manières suggestives avec eux?

“Depuis, elle dément, affirme Me Hubert Delarue.

Elle a subi beaucoup de pressions, été frappée en prison?

Elle a fini par broder, dans le climat de psychose pédophile de l’époque.”, nous dit l’Express du 23 mars 2006.

 

Leurs enfants ainés se sont plaints en 2001, à l’âge de 15 et 10 ans, de violences sexuelles commises par les adultes, auprès des assistantes maternelles chez qui ils étaient placés.

Là aussi, les scènes étaient parfois filmées.

Interpellés, les parents nient, de même que certains enfants.

Finalement, tous les enfants sont placés en famille d’accueil.

Au moins l’un d’eux ne veut plus retourner chez ses parents.

C’est lui qui, après avoir dit qu’il n’avait rien vu, rien entendu, a dit avoir vu le viol de sa cousine par son père et ses deux oncles.

Pourtant, on a tout fait pour l’intimider :

“J’ai bien posé les risques qu’encouraient ses parents quant aux accusations qu’il tenait.

Il a maintenu”, a déclaré l’avocat général.

Pourtant, un an avant le procès, on a permis aux accusés de revoir leurs enfants.

L’oncle déjà condamné a été cité par les victimes également dans ce dossier, mais il n’est pas renvoyé au tribunal.

Contrairement à ce que dit la presse, ce n’est pas parce qu’il était en prison au moment des faits : il n’a fait que 18 mois de taule au maximum, alors que la période infractionnelle va de 1994 à 2001 !

Là aussi, l’aînée dit qu’elle a été violée par ses oncles, son frère et ses cousins, mais une expertise médicale conclut qu’elle est vierge.

Échaudés par Outreau, des experts nommés pour de nouvelles expertises des enfants concluent que les témoignages de 9 enfants sur 10 ne sont pas consistants.

Les six sont condamnés à 2 ans de prison (couverts par la préventive) et font appel.

En appel, en novembre 2007, cinq sont jugés coupables : deux hommes prennent 6 ans de prison, une femme et un homme ont pris 4 ans et la dernière a pris 2 ans, mais ils ne comparaissaient que pour agressions sexuelles et corruption de mineurs.

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A l’issue du procès en appel, l’avocat général a demandé au maximum 8 ans de prison, car selon lui il s’agissait d’une “banale affaire d’inceste” qui n’a “rien à voir avec la première affaire Outreau“.

Il a aussi demandé aux jurés de ne pas retenir les viols, “au bénéfice du doute“.

“La défense a calculé que l’avocat général avait abandonné dans son réquisitoire 35 viols et 42 agressions sexuelles sur dix victimes”

et avait seulement gardé “des délits de violences, de corruption de mineurs et une agression sexuelle de trois accusés sur une seule victime”.

 

Le 2e procès des Lavier

Le couple Lavier figure parmi les acquittés de l’affaire Outreau.

Franck avait été condamné en première instance.

Au moment où toute la presse française encensait lesdits acquittés à l’occasion des dix ans de l’affaire Outreau, le procès des Laviers pour corruption de mineurs démarre, en février 2012.

Un an plus tôt, le couple avait été placé en garde-à-vue suite à la fugue de deux de leurs enfants de 10 et 11 ans en plein mois de février.

Deux frères de Lavier étaient également arrêtés et poursuivis.

Les deux gamins avaient parcouru plusieurs kilomètres en pleine nuit et en hiver pour regagner le domicile de leur assistante maternelle, où ils avaient été placés durant l’incarcération de leurs parents.

Ils ont dénoncé diverses maltraitances, et une enquête est lancée, qui aboutit à la perquisition chez les Laviers, au cours de laquelle plusieurs vidéos de soirée arrosées montrent des gestes sexuellement explicites en présence de mineurs.

Dans les extraits des vidéos projetés lors de l’audience, on y voit les LAVIER, en compagnie d’amis et de membres de la famille, adopter des positions obscènes auxquels assistent des enfants, parfois pris à partie.

“C’est venu dans l’amusement”, souligne Sandrine LAVIER.

“Et vous trouvez normal d’embrasser votre fille mineure à pleine bouche ?”, tonne la juge.

Des photos des maltraitances ont été diffusées aussi, montrant la fille des LAVIER couverte de bleus.

Évidemment, cela rappelle certains éléments du dossier Outreau : les partouzes avec les mineurs filmées, les propos équivoques de Lavier à sa belle-fille (“A. suce-moi la bite“) ou à sa sœur (“vivement qu’elle a du poil que je l’encule”), l’ambiance salace qui régnait dans cet immeuble…

Finalement, au tribunal, on laisse tomber la corruption de mineurs et on ne retient que les maltraitances.

Déjà extrêmement graves en elles-mêmes, mais largement minimisées :

“Il pourrait s’agir de “punition désagréable”, selon le parquet, bien loin des très graves accusations de maltraitance et encore moins de maltraitance sexuelle, portées lors de l’affaire d’Outreau.

L’enquête de police a écarté les accusations de maltraitance, comme celles de violences sexuelles”.

 

“Quelques jours après l’énoncé du verdict, Bernadette Lavier, mère de Franck, se dit extrêmement “déçue”» de la sanction prononcée par le tribunal de Boulogne-sur-Mer, à l’encontre de son fils et de sa belle-fille Sandrine.

“Ils ont respectivement écopé de huit et de dix mois de prison avec sursis, pour les faits de violences sur leurs enfants, commente la mère de famille.

Je trouve la peine bien légère au regard des preuves et du résultat des examens médicaux.

Depuis l’affaire d’Outreau, Sandrine et Franck sont de toute façon protégés.

Ce ne sont plus des citoyens lambda”, écrivait la quotidien local La Semaine dans le Boulonnais.

En dehors de cela, les enfants vivaient dans des chambres sales et sans jouets, qualifiées de “mouroirs” durant le procès, mais équipées de caméras de vidéo surveillance.

Il parait, selon les Laviers, que c’était pour vérifier depuis le salon si les enfants faisaient bien leurs punitions, puisque eux ne montaient plus jamais voir leurs enfants, au dernier étage.

Accessoirement, à cette époque la grande maison achetée 255.000 € avec l’argent des indemnités n’étaient pas chauffée, car la chaudière était tombée en panne et que le couple n’avait plus d’argent pour la faire réparer.

Certes, les avocats ont du couter cher, mais les Laviers ont perçu 500.000 euros à eux deux.

 

Des photos montrant l’ampleur des maltraitances ont été montrées durant le procès, avec les genoux tuméfiés des enfants suite au supplice du balai (rester des heures avec un balai sous les genoux), les bleus sur les enfants, les expertises médicales étaient à charge, de même que les témoignages de nombreux voisins et copains d’école des enfants, mais en sortant, Lavier trouve quand-même que sa condamnation à 18 mois de sursis, c’est “un peu excessif“.

De fait, on a seulement reconnu qu’ils n’avaient ” pas protégé leurs enfants” (mais contre qui? Eux-mêmes!).

Lui aussi était défendu par Me Franck Berton, l’ex avocat de Marécaux et même des Danger, qui intervient aujourd’hui pour Daniel Legrand.

Mais c’est étrange, rien de tout cela dans le documentaire panégyrique de Karine Duchochois devenue journaliste, sur les acquittés.

Elle y interviewe les Laviers, qui montrent alors deux chambres très coquettes, avec des cadeaux même pas ouverts, et un couple Lavier qui dit ne pas comprendre la réaction de ces enfants ingrats.

Leurs avocats ont encore dénoncé un “harcèlement judiciaire” et fait abusivement référence au procès d’Outreau.

Dans 7 à 8, pareil : on leur laisse largement la parole pour nier en bloc les accusations contre eux, avec l’air innocent et dégagé qu’on leur connait.

 

Ils ont été condamnés à 8 et 10 mois de sursis.

“Ça va, je pensais que ce serait pire”,

a commenté Lavier à la sortie du tribunal le jour de l’énoncé du verdict.

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On apprendra en juin 2022 que finalement la nouvelle affaire du viol de sa fille sera correctionnalisée et que Lavier ne passera pas devant les assises.

https://www.lavoixdunord.fr/1191342/article/2022-06-10/frank-lavier-ne-comparaitra-finalement-pas-devant-la-cour-d-assises

 

L’affaire Rudy L.

Deux autres acquittés, les Legrand père et fils, sont cités par un enfant de la famille comme l’ayant agressé sexuellement.

Expulsée de sa maison, la famille Legrand (les parents et les fils G. et Daniel) a résidé durant 5 mois chez une tante, la belle-sœur de Legrand père.

Les six enfants de cette tante étaient placés depuis mars 2001, comme Rudy, mais revenaient le week-end.

 

Entendu en janvier 2002, Rudy L. explique :

“Les trois cousins m’ont déshabillé, ils ont baissé mon pantalon et mon slip en bas des jambes, et eux ont fait la même chose”,

puis “ils ont mis leur fifi chacun dans mon derrière.

Mes cousins m’ont demandé de me mettre à quatre pattes la tête dans le fauteuil, et chacun leur tour ils ont rentré leur fifi dans mon derrière, je ne voulais pas, mes cousins me tenaient”.

Ce qu’il déclare est confirmé par sa sœur qui a vu Daniel commettre des attouchements sur des enfants.

Les assistantes maternelles ont aussi entendu leur mère dire à ses enfants :

“tu as intérêt à fermer ta gueule et ne plus parler de tes cousins à ta tata” (son assistante maternelle chez qui il a été placé).

Ce qui serait presque amusant si l’affaire n’était aussi terrible, c’est que Legrand père, entendu par la police, déclare ne pas connaitre Rudy L.

D’ailleurs, il a dit ne connaitre aucun des enfants victimes.

Puis quand le juge lui rappelle qu’il s’agit de son neveu, Legrand déclare :

“Ah c’est ça. Disons que le nom me dit quelque chose” et il se rattrape en disant

“je sais que ma belle-sœur a un fils qui s’appelle Rudy mais je ne sais pas s’il avait gardé le nom de sa mère et de son père”.

 

Bizarrement aussi, les deux Legrand ont évité jusqu’au bout de parler au juge et à la police de leur passage chez la mère de Rudy L., durant cinq mois.

S’ils ont parlé de ce séjour, c’est parce que les enquêteurs leur ont clairement posé la question.

Daniel Legrand n’est peut-être pas très malin, mais il sait mentir par omission.

Au moment de ces révélations, Daniel Legrand fils avait avoué à plusieurs reprises avoir violé les enfants, et il avait même avoué un meurtre.

Pourtant il semble bien que cette affaire du possible viol d’un cousin soit tombée aux oubliettes.

Pourtant, Daniel Legrand n’est pas une oie blanche : il a été arrêté pour des chèques volés en Belgique en 1999, et le 30 janvier 2007, il est arrêté par la douane au retour d’Ostende.

Il se balade avec 130 g d’héroïne qu’il avait avalée et cachée dans son slip [2].

“Il s’agirait de son quatrième voyage d’approvisionnement en Belgique depuis octobre 2006.

M. Legrand devait être remis en liberté sous contrôle judiciaire en attendant de comparaître devant le tribunal correctionnel”.

Il a pris un an de prison dont 9 mois avec sursis pour “transport et importation” (pas la vente ni l’achat, donc), ce qui n’est pas cher payé du tout pour ce type de trafic.

 

Le procès Legrand bis (Voir compte-rendus complet des audiences en fin d’article)

Daniel Legrand fils a été acquitté pour les faits qu’on lui reprochait alors qu’il était majeur.

Né en 1981, il devait encore répondre des faits reprochés entre 1997 et 1999.

Or, ce procès n’est jamais venu et il a fallu que l’association Innocence en Danger et une victime rappellent à la justice de fixer enfin une date pour ce procès pour qu’enfin cette partie des faits soit examinée.

Car en octobre 2013, les faits auraient été prescrits si cette procédure n’avait pas été relancée in extremis.

Ce procès est programmé pour mai 2015 à Rennes, et plusieurs avocats d’Outreau I rempilent, comme Mes Dupont Moretti ou Delarue.

Ils seraient une dizaine, prêts à s’attaquer à une seule partie civile, un ado de 20 ans.

Il serait intéressant, par exemple, de vérifier les propos de Daniel Legrand selon lesquels il était payé pour participer aux partouzes [3], auquel cas il était victime de prostitution.

Ou de vérifier si, comme il le dit aussi, il n’a jamais mis les pieds à Outreau.

En tout cas encore une fois, les médias en font des tonnes sur “le fiasco du procès Outreau”, sous-entendant que tout a été dit même s’ils font comme si aucun enfant n’avait été reconnu victime, ce qui est bien réel mais jamais dit.

Et il semble qu’une chose grave se soit produite au sujet de ce procès.

Quand il apprend qu’il comparaîtra finalement pour cette période d’infraction, il explique :

“Ça m’a surpris quand même.

Normalement c’était fini tout cela.

Le procureur de Paris avait dit qu’on ne passerait pas par là !

Je n’ai rien à me reprocher alors j’irai la tête haute.”

Tiens donc : le procureur avait dit que ce procès n’aurait pas lieu, alors que légalement il devait avoir lieu.

 

Le copain de Dupont Moretti, chroniqueur judiciaire au Figaro, à savoir Stéphane Soufflant-Durand [4], nous apprend en juillet 2013 que

“L’avocat Éric Dupond-Moretti accuse, dans un courrier, le procureur général de Douai d’avoir “renié la parole du parquet général””.

Utilisant une bonne vieille rhétorique déjà utilisée dans tous les scandales de pédophilie, il qualifie Innocence en Danger que “militants jusqu’au boutistes de la cause des enfants” qui ont fait rouvrir le procès rien que pour embêter tout le monde.

Car, ce journaliste fait partie de ceux pour qui rappeler l’existence d’enfants reconnus victimes dans cette affaire revient à faire du “révisionnisme”, selon son expression.

Enfin, bref, on comprend donc que le parquet général a fait la promesse à un avocat de la défense de ne pas faire ce procès, ce qui est assez incroyable il faut le dire.

“Dans un courrier cinglant, Me Dupond-Moretti rappelle à Olivier de Baynast que l’un de ses prédécesseurs avait assuré à la défense de Daniel Legrand que “cette affaire ne viendrait jamais devant une juridiction”: il reproche au procureur général de «renier la parole du parquet général”, lit-on ainsi dans ce journal.

L’équipe Wanted Pedo a assisté à l’intégralité des 3 semaines de ce procès “Outreau 3” et en a fait des compte-rendus d’audience édifiant (voir en fin d’article).

Petite confrontation désopilante entre Maxime MONTAUT de Wanted Pedo et Eric DUPOND (de son vrai nom) futur ministre de la “Justice”.

Le meurtre de la petite fille

Une autre affaire qui a été disjointe car le dossier d’instruction d’Outreau était déjà chargé, est cette histoire du meurtre d’une petite fille belge, auquel Legrand fils a dit à plusieurs reprises avoir assisté.

“Il a tué la fillette avec ses mains parce qu’elle hurlait et il a pas supporté, j’étais présent au moment où il l’a fait”,

a déclaré Legrand à l’expert qui faisait l’examen de sa personnalité.

En janvier 2002 il écrit au juge Burgaud et à la chaine France 3 pour raconter dans le détail la scène du meurtre [5].

Entendu par le juge, il confirme ses propos et il réclame une protection policière pour lui et sa famille.

 

Quand ce meurtre est connu par la presse, on assiste à un revirement total.

Jusque-là, la plupart des médias suivaient l’affaire en accordant un minimum de crédibilité aux dires des enfants, mais dès le moment où ce meurtre a été connu, il n’a été question que de décrédibiliser tout ce qu’ils avaient pu dire.

Myriam Badaoui et un de ses fils ont également décrit comment s’est déroulé le meurtre.

Ils ont fait la même description de la fillette et du monsieur qui l’accompagnait, mais aussi du déroulement des faits.

L’enfant a dit que le corps avait été enterré dans les jardins ouvriers et ont désigné un endroit, qui a été fouillé au tractopelle.

Mais cela n’a rien donné, et la presse a dit qu’on gaspillait l’argent public dans une affaire qui n’avait ni queue ni tête, comme ce fut le cas dans l’affaire Dutroux avec les fouilles à Jumet.

 

Un autre des accusés d’Outreau, décédé en prison, était, selon Legrand et Badaoui, présent lors du meurtre.

Étrangement, sa fille a déclaré en 2004 :

“Cette petite fille a été violée puis tuée, c’est mon père qui me l’a dit il y a longtemps, quand il remontait dans le camion, alors que moi, j’y étais restée.

Il m’a dit : “il y a une fille qui est morte ! […] quand il remontait dans le camion, il sortait juste de la tour du renard.”

Des recherches ont été faites du côté belge afin de savoir si une petite fille correspondant à la description avait été portée disparue dans les mois précédents, mais ce fut négatif.

Une des filles d’un couple acquitté mais qui a été reconnue victime en appel, parle aussi, dans un PV versé au dossier, du meurtre d’une petite fille belge de 5 ou 6 ans :

“Je sais que c’est une petite fille belge car ma mère m’a dit qu’une petite fille belge allait être violée ce soir”.

En réalité, cette enfant a écrit plusieurs lettres parlant de ce meurtre, mais l’avocat de son beau-père qui les détenait pourtant n’a pas demandé qu’elles soient versées au dossier:

“Me Franck Berton, avocat de la défense [6], a produit à l’audience la semaine dernière une de ces pièces litigieuses, une lettre rédigée par la fille de l’accusée Sandrine Lavier.

Me Berton a déclaré à Reuters avoir en fait retrouvé cinq lettres de ce type, écrites par cette fillette et par une autre enfant, entre janvier et mars 2002”, nous apprend Le Nouvel Observateur en novembre 2005, lors du procès en appel.

Une démarche qui laisse perplexe pour un avocat qui n’a eu de cesse, comme ses confrères, de traiter les enfants de menteurs.

Ces lettres, en tout cas, ne figurent pas au dossier.

Et on sait que dès le début de l’affaire, des documents ont disparu du bureau du juge d’instruction.

Legrand est revenu sur ses aveux trois ou quatre mois plus tard, expliquant, lui qui est à la limite de la débilité selon un expert, qu’il a tout inventé pour confondre Badaoui et que ses mensonges sautent aux yeux de tous, prouvant ainsi qu’il était innocent.

L’enquête sur ce meurtre se termine par un non-lieu le 11 juin 2003.

——————————

On constate, et ce n’est là qu’une partie des affaires connexes, que le véritable dossier Outreau était encore plus tentaculaire qu’on ne nous le laissait penser.

Si toutes ces affaires sont passées largement aux pertes et profits de la couverture médiatique générale, c’est essentiellement parce qu’elles mettaient à mal la version orthodoxe de l’affaire selon laquelle les futurs acquittés étaient forcément innocents.

[1] Comme les suspects étaient en détention préventive, les juges d’instruction ont du aller le plus rapidement possible.

[2]

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[3]

« J’ai fais ça pour l’argent, et moi j’ai accepté….

C’est Thierry Delay …

Je touchais 300, 400, parfois jusqu’à 600 francs, parfois j’avais du shit avec… »

[4] Il a écrit la biographie de Dupont Moretti, Bête Noire.

Il est intéressant de souligner que moult magistrats de l’affaire Outreau avaient dénoncé une connivence hors norme entre certains journalistes et les avocats de la défense.

[5] D1.092 : Il écrit « je vais vous faire ces révélations car je ne supporte plus de garder cela au fond de moi.

Mais je ne voudrais pas endosser la mort d’une fillette alors que je n’ai été que simple témoin.

En effet fin 1999 je me trouvais chez les XXXXX, quand XXXXX et un vieux monsieur sont arrivés accompagnés d’une petite fille de 5 à 6 ans, et soi disant Belge d’après XXXXX.

Je crois que le vieil homme aussi Belge connaissait l’enfant, car elle lui tenait toujours la main.

Le vieil homme a abusé de la petite mais la petite hurlait et c’est là que XXXXX l’a battue à mort à la tête.

Il avait même filmé mais après ce drame il a débobiné la bande de la cassette et l’a détruite ».

[6] Lors du procès Outreau 1, puis lors du 2e procès des Lavier pour les « maltraitances » .

 

Précisions sur le meurtre de la petite fille

Sous la plume Jacques Délivré (auteur du livre “Outreau Angles morts”) qui a tenu un blog Mediapart nous précisons le volet “meurtres d’enfants” dans cette affaire.

Il est très difficile à lire, mais ce sont bien les dépositions de Daniel Legrand, Myriam Badaoui et de deux de ses fils, qui hélas concordent.

Tous décrivent le même scénario sans avoir pu se consulter.

La réponse qui a été donnée par les autorités est effrayante par sa simplicité: aucune disparition d’enfant correspondant à la description n’a été faite dans le même temps.

Circulez…

Sauf que la réalité est sordide et elle est tenace.

Les conséquences d’Outreau nous exploseront forcément à la figure parce qu’il y a trop de victimes, trop de coupables en liberté, trop de déni de la réalité.

 

ZAYA

Prologue

«Et, pour les punir, les dieux envoyèrent la Peste, qui s’abattit sur les Hommes et empoisonna leur cœur et leur âme.»

Voici une histoire qui s’est passée dans ton pays, et dont on parla beaucoup à l’époque.

Puis, on oublia tout, car nous-mêmes sommes devenus des monstres oublieux, sourds et aveugles.

Si la langue des Hommes a été faite pour les tromper, tout ce qui est dit ici arriva comme cela est raconté, et les paroles sont véridiques.

Es-tu prêt à entendre cette histoire sans frémir?

 

Épisode I

Daniel Legrand, fils :

« Je m’appelle Daniel Legrand. J’ai 20 ans. Je suis en prison depuis le 16 novembre 2001.»

«Aujourd’hui, c’est le 19 décembre 2001: on me sort de la prison et je suis au cabinet du Juge. Je fais des aveux complets, parce que je ne peux plus continuer à garder toutes ces choses pour moi. Je décide de tout dire pour libérer ma conscience.»

«Je voudrais m’excuser envers les victimes et envers la Justice parce que j’ai nié les faits au début.»

« Après avoir nié, je voudrais dire la vérité pour ne pas prendre pour les autres. Je préfère prendre ma part et ne pas prendre celle des autres.»

«Je reconnais m’être rendu plusieurs fois chez Myriam (Badaoui) et Thierry (Delay), à Outreau, dans leur appartement de la Tour du Renard. En tout, j’ai dû y aller dix ou quinze fois. J’allais chercher mon shit, mais on me donnait aussi de l’argent. Parfois, je filmais les viols avec la caméra de Thierry. J’étais payé pour ce qu’on me disait de faire. Je ne dis pas que je n’ai pas pris de plaisir, mais je repartais avec mon argent et j’étais content. C’est arrivé que Thierry me donnait des sommes entre 300 à 500 francs. Ça dépendait. Quand il me demandait de filmer, il me donnait un peu plus.»

«Sur les trombinoscopes que le juge me montre, je reconnais beaucoup de monde: Myriam et Thierry, bien sûr, et deux fils de Myriam. En tout, je reconnais sûr une dizaine d’enfants qui étaient là-bas souvent et qui se faisaient violer. J’identifie de façon certaine quatorze adultes que j’ai vus. Je connais le nom de quelques-uns, mais pas beaucoup. Il y a François Mourmand, qui est violent et me fait peur. Des adultes filmaient; je peux dire lesquels.»

«De retour en prison, je me dis qu’il y a d’autres choses encore plus graves dont je n’ai pas parlé au Juge, et à personne d’autre, sauf à un copain que je me suis fait ici, et en qui j’ai confiance. Je lui raconte tout, les viols et le meurtre. Il me dit que je ne peux pas garder ces choses pour moi: on risque de m’accuser de complicité de meurtre si quelqu’un d’autre parle. Je fais poster deux lettres que j’ai écrites par un type qui doit sortir. Une lettre à France 3, et une autre au Juge. C’est là que je parle pour la première fois du meurtre d’une petite fille, qui a eu lieu chez Myriam et Thierry, fin 1999. Je n’ai rien à cacher. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était en octobre ou en novembre. Je le sais, parce qu’en septembre, j’avais eu des ennuis en Belgique à cause d’un chéquier que j’avais volé. La petite fille était venue là avec un vieux monsieur.»

«Je dis tout cela, parce que je ne peux plus cacher les choses.»

«Le Juge me convoque rapidement, et je sors de prison encore. Il me demande des détails. Je lui donne le plus de précisions possible, car je veux qu’on me croie.»

«Ce jour-là,Thierry revenait de Belgique avec un vieux monsieur d’une soixantaine d’années, qui ne portait ni lunettes, ni moustache. Il était assez grand, 1m80 peut-être, avec des cheveux gris un peu dégarnis. La petite fille qui était avec eux avait 5 ou 6 ans. Elle était brune avec des cheveux frisés, le teint bronzé. Elle était habillée d’un ensemble de pyjama de couleur bleu ciel. Elle avait de petites baskets blanches. Une petite culotte blanche. C’était la première fois que je la voyais. Il y avait encore des copains de Thierry qui étaient là. Ils étaient méchants et violents. Il y avait beaucoup de têtes que j’ai aperçues dans les albums du Juge. Il y avait François Mourmand. J’avais peur de François Mourmand. J’avais peur d’autres personnes qui étaient présentes mais pas toutes. Ça m’effrayait, moi. J’avais peur et je tenais à la vie. J’avais peur de l’agressivité des gens et qu’ils me fassent la peau.»

«Quand elle est arrivée, la petite fille était assez sale. Elle avait de la boue sur ses vêtements. D’après Thierry, elle est belge, comme le vieux monsieur. Thierry et le vieil homme sont arrivés dans une grosse voiture noire, un break, ou quelque chose comme ça. Je pense que la petite connaissait bien le vieux, car elle lui tenait toujours la main. Le vieil homme a déshabillé la petite et l’a pénétrée de son sexe. Thierry filmait. Le vieux était plutôt bien habillé; il avait un pantalon en toile noire avec des chaussures de couleur marron, je crois. Un caleçon. Il avait un pull dont je ne me souviens plus la couleur et une veste qui allait avec son pantalon. Je me souviens plus pour la chemise. Il avait retiré sa veste mais gardé son pull pour pénétrer la petite fille. Elle hurlait. Pendant le viol, Thierry filmait, mais ne supportait pas qu’elle hurle. Il a posé son caméscope par terre, s’est jeté sur la petite et l’a frappée avec ses mains au visage et sur la tête. Elle est devenue toute bleue. Elle saignait de la tête, près de l’oreille et un peu partout, du nez. Il l’a frappée tellement fort qu’elle est morte juste après. Après ce drame, il a débobiné la bande de la cassette et l’a détruit.»

«Le vieux s’est tapé l’embrouille avec Thierry. Ils étaient prêts à se battre, mais le vieux a laissé tomber car il voyait bien qu’il ne faisait pas le poids. Tout le monde pétait les plombs et Thierry s’acharnait sur tout le monde en disant de ne pas le dire et menaçait tout le monde de mort. Il me disait que j’avais intérêt à oublier ce que j’avais vu sans quoi sinon il m’aurait tué, il m’aurait fait la peau. Mais depuis, je ne dors plus avec ma conscience tranquille.»

«Quand c’est arrivé, Myriam a traité Thierry de tous les noms. Elle lui a dit: Qu’est-ce que t’as fait ? T’es pas cinglé ? Elle lui a dit aussi plein de gros mots, comme: gros bâtard, espèce d’enculé ! Thierry insultait pareil, mais commençait à réaliser ce qu’il avait fait. Thierry et Myriam ont enveloppé le corps de la petite fille dans un sac de couchage ou quelque chose comme ça, de plusieurs couleurs. Thierry et le vieux disaient d’attendre qu’il fasse bien nuit. Thierry disait qu’il connaissait un endroit pour apporter le corps.»

«Maintenant que je suis protégé par la Justice, je veux dire la vérité, pour que ça se sache. Je n’ai rien à cacher. Je le fais pour que tout le monde sache ce qu’ils ont fait. Je veux que les autres paient pour ce qu’ils ont fait, car ce n’était pas bien.»

«Bien sûr, je regrette. Je regrette, c’est sûr, je ne peux plus revenir en arrière, c’est fait c’est fait. Je m’excuse auprès des victimes, c’est clair. Des jours, tout ça, c’est pas facile, sinon ça va. A part cette histoire-là, je suis quelqu’un de bien, de super agréable».

 

Épisode II

Myriam Badaoui :

«Je m’appelle Myriam Badaoui. J’ai 33 ans. Je suis en prison depuis février 2001. Je suis mariée à Thierry Delay. J’ai quatre fils : Kévin (Chérif), Dimitri, Jonathan et Dylan.»

«Je suis convoquée par le Juge, qui me lit la lettre qu’il a reçue de Daniel Legrand. Il me demande si cette histoire de meurtre est vraie. Il me demande des détails qui ne sont pas dans la lettre de Daniel.»

«Je lui réponds que c’est la vérité, que je n’ai plus rencontré Daniel Legrand depuis que je suis en prison, mais que je n’en ai pas parlé avant parce que j’avais peur. Daniel Legrand n’aurait pas parlé, je n’aurais pas parlé non plus. Je ne voulais pas parler pour protéger mes enfants. Maintenant j’ai peur de sortir. Je ne veux pas être libérée avant le procès. En prison, c’est mieux que chez moi.»

« Je raconte tout: J’étais attachée et je ne pouvais rien faire. Un monsieur belge et mon mari ont ramené une petite fille à la maison. Le monsieur belge était âgé d’une cinquantaine d’années peut-être. Il avait les cheveux à tirer sur le blanc et il était un peu dégarni sur le devant. Il était plus grand que moi qui mesure 1m58 et il n’était pas gros. Je ne pourrais pas dire si je connaissais la personne belge. Je ne sais pas si je l’ai déjà vue en Belgique. Il y avait un autre Belge car il parlait drôle avec le vieux. La petite fille était brune et avait la peau bronzée. Elle avait les cheveux crépus. Elle était habillée d’un jogging bleu ciel, un haut et un bas. Le bas était simple et le haut portait un petit lapin blanc. Elle portait des chaussures comme des tennis rouges avec des dessins fantaisie dessus, ou des chaussures avec des lacets rouges. Elle n’avait pas de boucles d’oreilles. Elle a été dans la chambre de Dimitri jouer un moment. Après, le monsieur l’a appelée et elle est venue. Elle s’appelait Zaya. Elle parlait avec le vieux une langue que je ne connaissais pas. Il lui a demandé de se déshabiller mais elle ne voulait pas. Elle s’est retournée vers moi et a dit: je veux voir ma maman. Elle pleure et elle a peur. Il l’a déshabillée avec mon mari. Mon mari lui a demandé de se mettre à quatre pattes sur le clic-clac. Elle ne voulait pas, alors mon mari l’a frappée. Il a sodomisé la petite fille. François Mourmand a également pénétré la petit fille par derrière. Il a essuyé son sexe avec un chiffon, parce que la petite fille saignait. Le monsieur a pénétré la petite fille et elle hurlait car elle en pouvait plus. Elle saignant au niveau du sexe et mon mari la frappait. Il y a des choses qu’elle ne voulait pas faire alors mon mari l’a rouée de coups et elle est tombée par terre. Mon mari lui a donné des coups de pieds. Mon mari a fait pipi dans sa bouche. Elle hurlait tellement que mon mari l’a rouée de coups au niveau du corps et de la tête. La petite fille ne bougeait plus. Elle était comme un pantin. Elle commençait à cracher du sang par le nez et par la bouche. Elle était comme morte. François Mourmand commençait à baliser et a dit: je n’y suis pour rien dans ce meurtre.»

« Mon mari m’avait menacé de ne jamais parler de ces faits et que si on en parlait, on pouvait tous y passer mes enfants et moi, qu’il était capable de tout et que ça ne lui faisait pas peur. Ça s’est passé chez nous à Outreau dans le salon. Il y avait du sang partout. Je n’ai pas voulu nettoyer. Je ne sais pas qui l’a fait. Mon mari avait des films de faits sur les viols, mais il a détruit les films. Mon mari était capable de tout. Il était fort violent. Il a pris un drap qui était à fleur avec des petites fleurs violettes dans l’armoire. Il a emmené le corps dans le drap. Il est parti avec François Mourmand et le vieux monsieur environ deux heures. Il est revenu tout seul. Je n’ai jamais revu le drap. C’était en 1999, mais je ne me souviens plus de la date. Je sais que ça s’est passé en soirée. Lorsqu’il est parti, Daniel Legrand fils était tout blanc, il n’était pas bien. Il n’avait même pas le droit de parler.»

« Je n’ai rien à rajouter à ce qui s’est passé. Je ne mens pas. Je ne vois pas pourquoi je me mettrais en prison moi-même. »

« Je voudrais dormir et ne plus me réveiller ».

 

 

Épisode III

Dimitri Delay :

« Je suis Dimitri Delay. J’ai 7 ans. Je suis le fils de Myriam Badaoui et de Thierry Delay. Je suis maintenant en famille d’accueil à Samer, mais à l’époque, j’allais en visite chez mes parents à Outreau. Je sais qu’il y avait une petite fille ce jour-là, mais je n’étais pas là quand ça s’est passé. J’étais enfermé dans ma chambre. C’est plutôt Jonathan qui a vu la petite fille.»

Jonathan Delay : « Je m’appelle Jonathan Delay. J’ai 5 ans. Je suis le troisième fils de Myriam Badaoui. Je suis en famille d’accueil à Outreau chez ma tata. Quand j’allais chez mes parents, les adultes frappaient les enfants parce qu’ils ne voulaient pas faire de manières. J’ai vu la petite fille qui est morte. Il y avait plein de sang. Elle avait du sang sur la figure et aux jambes. Avant, elle marchait un peu, car elle avait 4 ans. Elle était arrivée avec un monsieur. Elle parlait français et une autre langue. Je me souviens plus de son nom. Mon père et le monsieur l’ont battue à mort. Il y avait ma mère et d’autres personnes. Ils l’ont battue parce qu’elle ne voulait pas faire de manières. Après, elle ne respirait plus. Elle était complètement morte.» «Je dis la vérité. Je n’ai jamais menti sur mon histoire.»

Je suis une des filles de François Mourmand: «Je suis une des filles de François Mourmand, et je connais l’affaire, car mon père y était. Nous sommes maintenant en 2004, et je parle à la Police. A l’époque, je n’avais pas encore 10 ans, et je n’étais pas encore placée. J’allais souvent à la Tour du Renard avec mon père. Je me souviens de la petite fille, mais je ne la connaissais pas. Cette petite fille a été violée puis tuée. C’est mon père qui me l’a dit il y a longtemps. Moi, j’étais restée dans le camion, en bas de l’immeuble. En redescendant, mon père m’a dit: Il y a une fille qui est morte.»

 

Prosopopée

On m’appelait Zaya, j’avais 5 ans et je suis morte. C’est un monsieur qui m’avait amenée là, dans cet appartement. Il y avait d’autres gens, et des enfants. Je voulais jouer dans la chambre avec eux, mais des hommes ont voulu me violer. J’ai crié très fort. Je ne voulais pas. Ils m’ont frappée, plusieurs fois. Ils m’ont fait très mal. Je ne bougeais plus et tout le monde s’est mis à crier et à se disputer. Après, il y a eu un silence, et des voix qui chuchotaient. Ils m’ont crue morte et m’ont enroulée dans une couverture. Deux hommes m’ont transportée et ont descendu l’escalier, puis sont passés par la cave. C’était la nuit, il n’y avait personne dehors. La voiture attendait. Ils m’ont mis dans le coffre et l’homme a roulé quelques kilomètres. Il a creusé un trou et m’a placée dedans. C’est là que je suis morte, étouffée dans la terre. Quelques temps plus tard, on m’a déterrée et enroulé dans un filet de pêche. On a repris la route. J’étais à nouveau dans un coffre. On est arrivé au port où l’homme avait son bateau. Il m’a chargée dedans et a attaché deux parpaings en béton au filet de pêche. Au bout d’un moment, l’homme a jeté le filet avec moi dedans. C’est là que je suis maintenant, dans la mer.

Ou peut-être je suis dans un cimetière, cachée avec d’autres morts.

Je ne me souviens plus. C’était il y a longtemps.

Si j’avais vécu, aujourd’hui j’aurais 23 ans.

 

Épilogue

Aucun corps de petite fille ne fut jamais retrouvé. L’affaire se termina par un non-lieu en 2003.

Myriam Badaoui, après ses paroles, avait déclaré quelques temps plus tard:

«En fait, j’ai menti. Je suis une menteuse. J’ai tout inventé. Je ne connais pas Daniel Legrand. Je ne l’ai jamais vu. Il est innocent.»

Après avoir changé de version plusieurs fois, elle dira la même chose à Rennes, lors du procès de Daniel Legrand en 2015:

«Il n’était pas là. Il est innocent».

Daniel Legrand, plus tard aussi, de son côté:

«Je ne suis jamais allé à Outreau. Je ne connais personne là-bas. Je ne connais pas Myriam Badaoui, ni Thierry Delay. Je ne sais rien. Je n’ai rien fait. Les autres sont aussi innocents que moi. J’ai paniqué avec toutes ces accusations sur moi. Il y avait trop de pressions. J’ai tout dit au hasard.»

Le Substitut Général B., présent à l’audience du 2 février 2002, avait déclaré :

«Daniel Legrand a confirmé ce jour-là ses aveux de manière précise et notamment les viols avec une telle vérité qu’il était impossible de ne pas y croire.»

Après avoir nié pendant plusieurs années, Thierry Delay reconnaîtra les viols sur enfants lors du procès de Saint-Omer, en 2004, mais pas ce meurtre.

Quant aux enfants, leur parole n’a jamais varié.

Nous, nous avons tout oublié, et regardé ailleurs, car nous sommes devenus des monstres incrédules et oublieux, sourds et aveugles.

«Et la Peste s’abattit sur les Hommes et se propagea, empoisonnant leur cœur et leur âme.»

 

 

Deux livre sur cette affaire

Retour à Outreau de Jacques Thomet

Outreau, la vérité abusée de Marie-Christine GRYSON-DEJEHANSART

Un article qui analyse les répercussions que cette affaire à eu sur la prise en compte de la parole de l’enfant victime d’abus sexuels dans les tribunaux

 

Un rap sur Outreau qui défonce de Mr Action

https://wanted-pedo.com/videos/video/mr-action-freestyle-canape-v/

 

Les audiences du procès “Outreau 3” de Daniel Legrand à Rennes ont été suivies chaque jour et ont donné lieu à des comptes-rendus rédigés par une équipe de Wanted Pedo. Leur contenu est éloquent sur la mascarade judiciaire et le lobby pédocriminel institutionnel à l’œuvre entre autre dans la justice française et les médias français.

 

Article parus en février 2022 dans le magazine de Karl Zéro, “L’envers des Affaires” n°4

 

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