Donde Vamos | Propagande en matière de protection de l’enfance : l’affaire Outreau

On n’avait pas reparlé de l’affaire d’Outreau depuis longtemps, parce que le procès de Legrand était passé et qu’on n’allait pas remuer le couteau des faits dans la plaie d’une justice inique. Mais comme, depuis le temps, les médias, certains juges et avocats, ne se privent pas de revenir sur cette affaire, il faut aujourd’hui remettre l’église au milieu du village.

 

Figaro

Cette version médiatique de l’affaire Outreau est devenue une catastrophe pour les mineurs victimes d’abus sexuels. Depuis cette affaire, les enfants sont présumés menteurs quand ils disent avoir été victimes d’abus sexuels.

Depuis Outreau, on entend des magistrats en appeler à ce dossier pour demander aux jurés de ne pas trop tenir compte des accusations des enfants.

Alors quoi? La parole de l’accusé a davantage de poids que celle de la -présumée- victime, haute comme trois pommes?

Eh bien oui mesdames et messieurs, c’est ce qu’il se passe dans ce pays. Et l’élection du dernier mégalomane en costard n’arrange rien: la dernière loi du fan-club micron sur la protection des mineurs (appelée aussi “loi pédophile” par certains esprits critiques)  a fait du viol de mineur un simple délit. Et j’en passe.

Bref, quelles stupidités peut-on lire sur l’affaire d’Outreau depuis la fin du procès Legrand, alors que la paix des mœurs voudrait que les vainqueurs arrêtent leur propagande?

Depuis fin 2016 (liste non exhaustive mais représentative), les articles de médias commerciaux ayant mentionné l’affaire d’Outreau:

Le Monde

D’ailleurs on n’a aucune nouvelle de cette histoire. L’adolescente avait été placée. Après la procédure, en 2006, elle avait fui le domicile familial avec son petit frère pour se réfugier chez l’assistante maternelle qui les avait hébergés pendant que ses parents étaient en prison. En 2011 les enfants Lavier accusaient leurs parents de maltraitances, des vidéos relevant de la corruption de mineurs avaient été retrouvées, ils ont pris du sursis. En 2016 elle avait accusé son père de viols et d’attouchements sexuels (même si les médias n’ont généralement parlé que d’attouchements sexuels). Lavier avait donc fait 48 de garde-à-vue et avait été mis en examen, puis laissé libre. C’était donc il y a 2 ans.

 

Duponpon sort un bouquin et en fait donc la promo. Ce coup là, il tape encore sur les experts, qui pourtant sont tous allés dans le même sens lors des deux procès d’Outreau.

On nous retrace l’affaire version Dupont Moretti, Berton & Co, de manière à ce qu’on considère que les victimes de l’affaire, ce sont les acquittés. Rappelons encore une fois que 12 enfants ont été reconnus victimes, et certains de proxénétisme. On parle vite fait de ses aveux répétés (en oubliant par exemple les aveux aux psy), qui concordaient avec ceux de Badaoui et de deux enfants témoins de la scène, et on répète la version qui semble avoir satisfait la justice, à savoir qu’il a « inventé ».

Nous on veut bien, mais ils étaient quand-même vachement circonstanciés et concordants, ces aveux, alors cette explication est un peu tirée par les cheveux.

En 2017, Legrand était sous cachetons et vivait de l’allocation adulte handicapé. Au motif, nous dit-on, qu’il a beaucoup souffert d’avoir été injustement accusé.

13 mars 2018, Valeurs Actuelles : « Dupont Moretti règle ses comptes »

Évidemment, il revient une fois plus sur l’affaire d’Outreau, pour s’offusquer du fait qu’une promotion de l’école de magistrature ait choisi le nom de Fabrice Burgaud pour la promo. Selon duponpon, « C’est comme si des militaires souhaitaient baptiser leur caserne Waterloo. (…) Se propage aujourd’hui dans les couloirs du palais de justice l’idée que certains protagonistes de l’affaire d’Outreau seraient coupables. Que la justice n’aurait pas si mal fonctionné. Que tout ce chaos judiciaire serait à imputer aux avocats. (…) Voilà ce que génère le corporatisme des juges. Mais ce qu’il y a de plus intéressant encore dans ce dossier, c’est que seul le juge Burgaud a été légèrement sanctionné.Tous les autres intervenants ont été promus. Tous ! Sans aucune sanction. »

Alors il faut répondre à cela : même le juge Burgaud a été promu puisqu’il est rapidement devenu juge anti terroriste. Et puis si “personne” n’a été sanctionné, c’est parceque la procédure a été menée dans les règles, et que les charges étaient importantes contre les personnes envoyées en prison. Quant à sa phrase sur la culpabilité des acquittés, là nous ne pouvons pas répondre, c’est la loi. Enfin, ce n’est pas le corporatisme des juges qui rappelle les faits ayant mené à la reconnaissance par la justice de 12 enfants victimes, mais un dossier épais, connu intégralement par de nombreuses personnes, et la parole des victimes.

L’affaire, c’est celle du chef de cœur pédophile, défendu notamment par l’avocate Catherine Lison-Croze, qui donne interview dans le journal. En gros, elle explique que lors du premier procès du type, il s’en était bien tiré parce que « L’ombre de l’affaire Outreau et des dysfonctionnements de la justice hantent alors les salles d’audience. « La parole de l’enfant, sacralisée, a été décrédibilisée avec Outreau. On était à la retombée de cette affaire », se souvient l’avocate. Pas d’obligation de soins, pas de mise à l’épreuve, décidera le tribunal. Or, c’est souvent le cas dans ce type de dossier « quand il est pris au sérieux ». Jamais la parole des enfants n’a été sacralisée, bien au contraire. Mais il est clair que c’est encore pire depuis que l’affaire d’Outreau est utilisée dans les prétoires pour nier la parole des enfants au premier effet de manche. Lison Croze a réussi à le faire acquitter en appel. Et il a recommencé.

Tribunal correctionnel : une gamine de 10 ans accuse un ami de la famille d’attouchements commis des dizaines de fois et d’une pénétration digitale au moins. Le type avoue puis se rétracte, son avocat dit que « on ne peut pas déclarer quelqu’un coupable juste sur la base de ses propres aveux ». D’ailleurs, le type utilise la même défense que Daniel Legrand pour justifier d’avoir avoué : « Le prévenu à «la personnalité fruste et limitée» [comme Legrand paraît-il] prétendra aussi qu’il a subi des pressions et qu’on lui aurait dit d’avouer pour être libéré. ».

C’est le procureur qui revient sur l’affaire Outreau. Le journaliste de La Dépêche écrit : « évidemment on nous ressasse les problèmes d’Outreau (NDRL : dans les années 2000, à la cour d’assises de Saint-Omer, des adultes, accusés par des enfants, avouent des abus sexuels. Ils seront condamnés puis acquittés après rétraction des enfants). Mais dans cette affaire il n’y a pas que la parole de l’enfant victime, il y a aussi celle de sa sœur qui dénonce les faits. Seraient-elles complices d’un complot fomenté par elles deux ?», s’interroge sans y croire le procureur Frédéric Cousin ». Rappelons qu’à Outreau, une trentaine d’enfants ont été auditionnés et ont confirmé les faits devant les policiers. Et que leur parole recoupait celle des adultes qui ont avoué, y compris sur les histoires de meurtres.

Cet article est assez ignoble : « Oui l’histoire est malsaine, oui l’homme a entrepris une relation amoureuse avec une petite fille de 10 ans, oui c’est une relation toxique, oui de nombreux textos l’attestent, oui il y a des «je t’aime» à répétition ». L’avocat de la petite parle d’emprise, tente de recadrer le débat, mais au final le type est quand-même relaxé. Là aussi, on a préféré ne pas prendre en compte la parole de l’enfant, et croire l’adulte dans la version où il nie les faits. En gros, le tribunal a considéré, au nom d’Outreau, qu’on ne pouvait pas la croire. Alors qu’à Outreau deux collèges d’experts ont estimés crédibles les propos des enfants et que 12 d’entre eux ont été reconnus comme victimes et indemnisés à ce titre.

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A cause de toute cette propagande, les gens se croient autorisés à citer l’affaire d’Outreau comme l’exemple même du « fiasco judiciaire », des « fragilités des procédures judiciaires », voir même de l’inutilité des juges d’instruction, que sarkoléon voulait faire sauter, et on comprend mieux pourquoi aujourd’hui. On constate en tout cas que depuis 2016, AUCUN article de média commercial n’évoque l’affaire dite d’Outreau pour rappeler l’existence de ces 12 victimes. Et bien-sûr aucun ne se demande comment on obtient dans cette affaire 12 victimes, dont certaines reconnues victimes de proxénétisme, avec seulement deux couples dépendants des allocations au rang des “coupables”.

Bref, la réécriture de l’histoire est manifeste, et le duponpon est en première ligne pour répandre sa version de l’affaire. Vision qui n’est autre, rappelons-le, que celle d’un avocat de la défense.

Source : dondevamos.canalblog.com

 

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