Orphelinat | François Le Gaffric condamné pour de multiples agressions sexuelles

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Malgré deux alertes, le pédocriminel a continué d’exercer sa profession de directeur de garderie
photo d'une enfant prostrée dans le couloir d'une maison
Il a imposé des massages, des caresses, des fessées et autres attouchements à la limite du viol à neuf enfants. Au plafond de sa chambre, une caméra a été installée pour filmer les agressions. « il y a sûrement des dizaines, peut-être des centaines de victimes de ce prédateur ».

La double vie cachée de François Le Gaffric, directeur de garderie et pédophile. Le Centre Arts et études, à l’Orphelinat, accueillait des centaines d’enfants chaque année.

Au terme de quatorze heures d’audience éprouvantes, le directeur du centre Arts et études de Nouméa a écopé de dix ans de prison.

Plus que pour rendre une condamnation, la justice est passée pour écouter. Celles et ceux qui se sont présentés à elle, mercredi, attendaient ce moment depuis 571 jours. Ce sont des familles brisées, des enfances volées, des amours séparées et des couples déchirés qui ont pu, au terme de 14 heures et 40 minutes d’audience et d’un délibéré historique, s’enlacer, les larmes aux yeux, avec l’idée que ce cauchemar était définitivement derrière eux.

Il était enfin venu le moment pour que les mots des victimes d’agressions sexuelles de François Le Gaffric s’impriment dans la conscience collective « pour que plus jamais, une petite fille soit victime de ses pulsions », confie une mère.

À 57 ans, François Le Gaffric est, en apparence, respectable.

Me Moresco avance :

« Il n’a rien, a priori, d’un pédophile ».

C’est certainement pour cela qu’il a pu continuer à assouvir ses vices, passant sous les radars malgré deux alertes – en 2014 et en 2018 – d’anciens salariés et de parents.

Depuis son arrestation en août 2019 grâce au témoignage d’une enfant de 4 ans et demi, abusée à plusieurs reprises, le directeur d’Arts et études, un centre d’aide aux devoirs et d’ateliers d’arts à l’Orphelinat, n’avait reconnu que deux victimes devant la juge d’instruction. Cette fillette et une autre, âgée de 6 ans, avec qui il s’était filmé pendant les agressions dans la chambre de son appartement, attenant à la garderie.

Avant que la juridiction ne se retire délibérer, François Le Gaffric, jusqu’alors inconnu de la justice, a fini par avouer qu’il y avait bien d’autres victimes.

Neuf, au total.

La fin d’un long mensonge, de dénégations en pertes de mémoire opportunes. Mais combien d’autres petites filles abusées ?

La mère de la fillette qui mit fin à des années d’omerta en est « persuadée », « il y en a davantage ».

Derrière cet homme à l’allure passe-partout, se cache en fait « un prédateur ». Un pédophile assumé. À chaque fois, le scénario est quasi-identique.

François Le Gaffric repère les enfants les plus fragiles. Ceux qui ont des retards d’apprentissages, ceux qui vivent mal la séparation de leurs parents. Sous prétexte de parler de leurs problèmes, de leurs vacances ou de soigner « un bobo », il isole ses proies dans sa chambre et abuse d’elles. Il leur impose des massages, des caresses, des fessées et autres attouchements à la limite du viol.

Au cours de la perquisition, les policiers retrouveront des sex-toys et des magazines pornographiques sur sa table de chevet.

Au plafond, une caméra a été installée pour filmer les agressions.

Depuis le box, il raconte que son attirance pour les enfants remonte à la rupture avec sa femme. Il s’assume aujourd’hui « pédophile », affirmant qu’à l’époque des faits, il « compensait » sa « solitude affective » avec des enfants.

La présidente Lise Prenel précise :

« On a l’impression que vos pulsions pédophiles sont en vous depuis longtemps. On se demande si vous n’avez pas créé cette garderie justement pour vous rapprocher des enfants ».

Son passé d’expatrié à Taïwan et ses voyages en Thaïlande et aux Philippines, destinations de prédilection des délinquants sexuels, jettent encore plus le trouble.

L’homme, chemise blanche aux manches courtes sur le dos, est calme. Lui qui a perdu presque trente kilos depuis son incarcération prend son temps pour répondre. Sa voix est monocorde, sans affect.

Les parents sont déboussolés, amers. Ils disent porter la culpabilité d’avoir laissé, en toute confiance, leurs enfants dans les bras d’un pédocriminel. Du flot de mots déversés par toutes les parties civiles, on pourrait retenir ceux d’une victime.

« Il était bizarre, toujours avec une fille sur ses genoux. Il racontait n’importe quoi à mes parents qui ne me croyaient pas. J’ai fini par penser que ce qui m’arrivait était normal parce que personne réagissait ».

La puissance des témoignages a suffi à convaincre les juges.

Dix ans de prison, la peine maximale pour des agressions sexuelles, ont été retenus à l’encontre de François Le Gaffric, qui n’a eu ni un mot ni un regard pour ses victimes.

Difficile tâche que celle de l’avocat de la défense Me Julien Marty qui n’a pas prononcé une seule phrase pendant le procès, laissant les parties civiles en découdre avec son client sans jamais intervenir.

Il est 21h30 lorsque le conseil prend la parole la première fois.

« On est tous d’accord pour le reconnaître, c’est un pédophile, c’est-à-dire le monstre par excellence dans nos sociétés contemporaines ».

Expliquant qu’il ne plaiderait en aucun cas la relaxe, Me Marty a critiqué « la diabolisation du prévenu » à outrance  « qui n’est qu’un leurre. Ça soulage, ça défoule mais cela ne sert à rien, cela n’explique rien », s’est-il indigné, insistant sur le fait que François Le Gaffric était tout simplement quelqu’un de « différent ».

« Comment un homme, père de deux enfants, peut-il ainsi agir alors qu’il sait que les enfants sont les trésors des parents ? Parce qu’il n’est pas comme nous. Parce qu’il a souffert d’un isolement affectif ».

Il y a peut-être un point sur lequel Me Marty et les victimes s’accordent.  L’avocat a déploré :

 « Il y a eu des alertes en 2014 et en 2018 et il ne s’est rien passé. Il faut davantage verrouiller la sécurité dans ces centres ».

À l’adresse du procureur, le conseil a demandé « pourquoi » les « intervenants qui étaient au courant et qui ont gardé le silence » n’ont pas été poursuivis pour non-dénonciation.

Le parquet, justement, a frappé fort en annonçant presque d’emblée dans ses réquisitions qu’il demandait « sans hésitation » la peine maximale encourue, dix ans de prison, car :

« La question de la réinsertion ne se pose pas aujourd’hui ».

Nicolas Kerfridin a tonné :

« La prison doit être la solution pour nous protéger. Cet homme a rompu le contrat, il a une dette envers la société ».

L’avocat a prévenu :

« Le condamner à dix ans ne permettra pas de traiter le problème à la racine. Sa mère a 84 ans et vit en Métropole. Il n’a plus de frère, plus d’enfant auprès de lui. Il est à l’écart de la société, nous sommes en train de reconstituer le terreau fertile d’un futur passage à l’acte ».

Condamné à dix ans de prison, François Le Gaffric devra se soumettre à une peine de suivi sociojudiciaire de quinze ans et à une interdiction d’exercer à titre définitif une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs. Outre son inscription au Fijais (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles), le prévenu devra dédommager les parties civiles à hauteur de 21,5 millions de francs. François Le Gaffric a désormais dix jours pour interjeter appel.

Elles ne l’ont pas lâché, jusqu’au dernier moment. Les cinq avocates des parties civiles ont, jusqu’à la dernière minute de l’instruction du dossier, voulu déstabiliser François Le Gaffric pour le pousser dans ses retranchements.

Me Céline Joannopoulos assure que le prévenu a été :

« Dépassé par sa croyance dans son intelligence. On ne devient pas pédophile du jour au lendemain à 50 ans ».

À la question de savoir s’il aurait poursuivi ces attouchements « si les faits n’avaient pas été dénoncés », le directeur se pose aussi la question.

« Je ne pense pas que je serai allé jusqu’au viol avec violence. Par contre, je suis sûr que je ne me serai pas arrêté. Quand j’ai été pris, j’ai été soulagé ».

À la barre, les parents parlent d’«emprise» sur leurs enfants et ne comprennent pas comment les agissements d’un tel prédateur n’ont pas été dénoncés plus tôt.

Me Cécile Moresco plaide :

« Il utilise toujours le même scénario comme un serial pédophile. Comme une araignée tisse sa toile, il s’immisce dans la vie des enfants et des parents. C’est cette manipulation qui le fait fantasmer. Il a œuvré de manière diabolique pour s’attaquer à des bébés. Je n’avais jamais vu pareil cas de toute ma carrière ».

Elle prie le tribunal de rendre :

« Une peine de prévention, plus que de sanction ».

Tous s’accordent à dire qu’« il y a sûrement des dizaines, peut-être des centaines de victimes de ce prédateur », relève Me Joannopoulos.

Alors que François Le Gaffric a répété qu’il ne pensait « pas faire de mal » parce que les « enfants revenaient », l’avocate Me Laure Chatain a affirmé, au contraire, qu’il « a toujours été bien conscient de ce qu’il faisait » et que son emprise sur les enfants n’était destinée qu’à une chose « qu’ils gardent le silence ».

Un parent parlera même de son enfant « hypnotisé » par le directeur, sans que cela soit formellement démontré.

La présidente Prenel attaque :

« Lorsque vous proposez à certains enfants de faire la sieste dans votre chambre pour les abuser, vous n’ignorez pas votre attirance pour les jeunes filles ».

François Le Gaffric évoque sa « honte ».

« Je n’ai jamais imaginé les conséquences de mes actes ».

Pour enfoncer le clou, Me Séverine Loste insiste sur «  les conflits créés dans les familles » par le prévenu pour « mieux garder le contrôle ».

Me Moresco conclut :

« C’est un profil psychologique et psychiatrique pour lequel les injonctions de soins ne serviront à rien. Il faut mettre les enfants à l’abri ».

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