Créteil | Le supplice de Juliet, 14 ans, prostituée de force par un réseau

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« 20 euros pour la fellation et 30 euros pour l’acte »
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Lors d’un procès pour proxénétisme en bande organisée, une des victimes, Juliet, 14 ans, a raconté son calvaire, depuis son émigration du Nigeria aux passes dans le Bois de Vincennes, jusqu’à l’avortement forcé qu’elle a subi.

Lors d’un procès pour proxénétisme en bande organisée, une des victimes, Juliet, 14 ans, a raconté son calvaire, depuis son émigration du Nigeria aux passes dans le Bois de Vincennes, jusqu’à l’avortement forcé qu’elle a subi.Un récit particulièrement difficile à entendre. Des Nigérianes brisées ont témoigné jeudi lors d’un procès en appel pour proxénétisme en bande organisée à Créteil. Parmi elles, Juliet, prostituée de 14 ans au bois de Vincennes, a raconté son supplice, du rite effrayant du « juju » à son avortement sauvage.

« Toute cette histoire, ça a commencé au mois de mai, j’étais en vacances chez mes grands-parents » en 2015, commence Juliet, originaire de l’Etat d’Edo, au sud-ouest du Nigeria.

Sa mère lui dit alors :

« J’ai une bonne nouvelle pour toi ».

La jeune femme, 20 ans aujourd’hui, la tête baissée et les bras enroulés autour de son ventre, détaille :

« Elle avait pris connaissance qu’il y avait des gens sérieux qui amenaient des gens en Europe ».

En Europe, elle étudiera, lui promet sa mère. Juliet veut faire médecine. Avant toutefois, il faut réaliser une cérémonie du « juju ». Ce rite, toutes les parties civiles, souvent mineures au moment des faits, s’en rappellent avec effroi.

Le « jujuman », « un sorcier », fait avaler un cœur de poule à Juliet. A une autre adolescente, il « prend du sang menstruel, des ongles, des cheveux ». Tout un cérémonial au cours duquel les adolescentes doivent prêter allégeance au « jujuman », aux « mamas » qui s’occuperont d’elles en France ou à leurs représentantes, à leurs passeurs… sous peine de mauvais sorts contre elles et leurs familles.

Lors de cette cérémonie, la présence d’adultes, parfois de leurs familles, les « impressionne » et les prive de tout esprit critique, souligne à la barre une psychologue ayant examiné six parties civiles.

« Elles pensent que c’est vrai, qu’elles ont désormais un véritable lien avec le jujuman ».

es filles découvrent le coût de leur émigration. Elles devront travailler pour rembourser 35 000 euros, mais elles ne savent pas encore comment. Le périple jusqu’en Europe, en passant par la Libye, se fait sous surveillance de membres du réseau, expliquent-elles.

Certaines disent avoir été battues ou violées en Libye, par des personnes extérieures au réseau. Sur les seize victimes identifiées par les enquêteurs, deux sont mortes noyées lors de la traversée vers l’Italie. Toutes disent avoir découvert seulement en France leur destination finale : le bois de Vincennes.

La jeune Juliet est vierge quand la femme qui l’héberge lui donne des préservatifs et une grille de prix :

« 20 euros pour la fellation et 30 euros pour l’acte ».

Lors de son premier rapport sexuel, son client, se rendant compte de sa virginité, lui octroie « 50 euros ».

Juliet raconte devoir louer un camion quand elle « a froid pour travailler ». Et recevoir de « bonnes corrections » quand elle ne rapporte pas assez. Très vite, elle est enceinte. L’adolescente de 14 ans se voit administrer alcool et médicaments. Puis un « infirmier » nigérian, venu d’Italie, intervient. Juliet devra le payer 700 euros.

D’une voix inaudible, elle raconte :

« Je me souviens de ciseaux, de pinces, quelque chose comme un tuyau ».

Une interprète lui vient en aide, répète ses déclarations.

« Ça me faisait très mal, c’est tout ce dont je peux me rappeler maintenant », souffle celle qui a subi l’intervention allongée sur « des sacs-poubelles » dans un appartement.

« Y’avait du sang partout… Je pensais que c’était le dernier jour de ma vie sur Terre. »

L’« infirmier » avorteur, 25 ans aujourd’hui, comparaît dans le box des accusés.

Le président de la cour demande à Juliet :

« Vous reconnaissez cet homme ? »

Elevant pour la première fois la voix en regardant le box où est assis Emmanuel Aiwansosa, elle s’exclame :

« Je sais que c’est lui ! »

Trois autres accusés sont jugés à ses côtés. Omos Wiseborn, chanteur de reggae, accusé d’être recruteur, transporteur, hébergeur et proxénète, au coeur du réseau. Le couple Blessing Ubi et Dennis Brown, accusés d’être hébergeurs et proxénètes.

En première instance, les quatre avaient été condamnés à des peines de dix à dix-neuf ans de réclusion criminelle. La cour les entendra vendredi.

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