La Réunion | Un avocat condamné à 18 mois de prison dont 9 avec sursis

non

Le prévenu évoque une vengeance orchestrée par son ex-compagne
Une robe noire du chef-lieu spécialisée dans les affaires administratives a été condamnée ce vendredi pour des attouchements incestueux sur la fille de sa compagne âgée entre 8 et 12 ans au moment des faits.

Un avocat inscrit au barreau de Saint-Denis depuis 1977 était convoqué devant le tribunal correctionnel de Champ Fleuri ce vendredi matin alors que son procès a déjà été renvoyé une première fois. Il était soupçonné d’avoir agressé sexuellement pendant plus de quatre ans la fille de sa compagne de l’époque. La fillette avait 8 ans lorsque les faits ont commencé, en 1995.

Cette année-là, le mis en cause venait de se mettre en couple avec la mère de la victime. Les premiers gestes incestueux se seraient produits à la faveur d’un massage. Les attouchements s’étaient répétés régulièrement sur le tapis du salon ou dans la piscine du domicile familial. La fillette était également prise en photo de façon suggestive. Par peur des représailles, elle ne s’était jamais confiée à sa mère.

Âgée de 24 ans en 2011, elle avait franchi le pas et dénoncé les faits. Elle avait également écrit à son agresseur pour lui exprimer sa douleur et aurait obtenu une réponse. Le couple s’était séparé suite à ces révélations.

Le prévenu évoque une vengeance orchestrée par son ex-compagne

Au cours de l’information judiciaire ouverte en 2018, le mis en cause a toujours nié les faits comme lors des confrontations avec son accusatrice. Pour la robe noire, il s’agirait d’une vengeance par jalousie orchestrée par son ancienne compagne. Mais la juge d’instruction en charge de ce dossier n’a pas tiré les mêmes conclusions des investigations qu’elle a menées, et estimé que les déclarations de la plaignante et la description des faits auprès de ses proches pendant de nombreuses années étaient crédibles.

Le prévenu encourait 10 ans de prison pour les faits reprochés.

“Je ne me mêle pas des affaires concernant mes confrères mais dans ce contexte, la qualité professionnelle disparait de mon champ de vision et je ne vois que l’intérêt de la victime. Certaines professions comme celle d’avocat devraient constituer une circonstance aggravante dans des dossiers comme celui-ci”, indique le bâtonnier Georges-André Hoarau qui soutenait, ce vendredi, les intérêts de la partie civile.

Le 8 avril dernier, le prévenu ne s’était pas présenté à la barre du tribunal de Champ-Fleuri, espérant le renvoi de son procès suite au choix tardif d’un nouvel avocat métropolitain pour assurer sa défense. Me Yassine Bouzrou n’ayant pas pu se déplacer, l’audience avait été renvoyée à aujourd’hui.

Une famille recomposée qui vole en éclat

Lors de l’instruction des faits, la présidente de l’audience correctionnelle cite plusieurs témoignages sont ceux d’ex petits amis de la plaignante. Tous deux racontent qu’à l’époque de leur relation avec la jeune fille, celle-ci avait évoqué les attouchements subis par son beau père. Même chose concernant sa demi sœur. Des nombreux échanges épistolaires montrent qu’elle était au courant et très affectée par les faits reprochés à son père.

Présent à l’audience, l’avocat mis en cause est aujourd’hui âgé de 70 ans. Sûr de lui, il conteste toujours tout, très fermement. “Je donne des faits, pas des interprétations. Personne ne m’a jamais rien dit en direct. Ce qu’elles font – son ex épouse et la victime (NDLR) – c’est de la construction mentale” explique-t-il à la barre.

Interrogée à son tour, la partie civile indique n’avoir aucun esprit de vengeance. Elle décrit avec courage et aplomb sa souffrance, une perte de confiance, la peur du regard des autres, et notamment celui des hommes, ainsi que beaucoup de culpabilité. Elle explique avoir libéré sa parole au sein de la famille en 2011 au cours d’un travail entamé avec un psychothérapeute. C’est sa mère qui dénoncera les faits à la justice en 2017 par un courrier qualifié par la défense “de torchon” adressé au procureur de la République.

Le bâtonnier George André-Hoarau indique pour les intérêts de la partie civile :

“Les efforts de Courtney Dauwalter, victorieuse du Grand Raid, ne sont rien à côté du parcours de ma cliente pour en arriver là aujourd’hui”.

La robe noire fustige la toute puissance du prévenu, un brillant pénaliste, un homme politique connu :

” qui a su ne pas aller trop loin pour ne pas laisser de traces”.

“Monsieur a projeté sa perversité sur sa belle-fille”

La procureure de la République souligne la constance et la cohérence des déclarations de la victime. “Il faut une introspection puis une maturité émotionnelle et familiale avant de libérer sa parole”, indique Léa Filippi, citant en exemple le rapport Sauvé. “Monsieur a projeté sur cette enfant sa perversité”, résume la représentante de la société qui ne croit pas à un complot ourdi par la mère de la victime. Elle propose au tribunal de prononcer la peine de 2 ans de prison avec un mandat de dépôt à effet différé.

Une victime instrumentalisée par sa mère

Pour les avocats de la défense, les faits ne sont pas caractérisés. En cause la tardiveté de leur évocation, la dénonciation faite par la mère alors que sa fille avait 30 ans, et la fluctuation des déclarations de celle-ci, notamment sur les dates de commission.

Pour Me Yassine Bouzrou, “il y a une réelle intention de nuire” et une “volonté de détruire mon client” de la part de la mère de la plaignante. La robe noire parisienne évoque avec force une jalousie envers la nouvelle compagne du prévenu et pour le punir de l’avoir quittée. Le reste serait “l’orchestration d’une vengeance” dans un dossier vide de preuves.

“C’est une instrumentalisation de la justice pour régler des comptes”

, tonne le conseil.

L’avocat a été condamné à 18 mois de prison dont 9 avec sursis probatoire, une inéligibilité de 5 ans et une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles. Le juge de l’application des peines pourra décider d’aménager sa peine.

Il n’a pas encore indiqué sa décision d’interjeter appel.

Source(s):