Haïti | La victime ne peut prouver qu’elle est mineure, le pédocriminel est relâché

Il est dit dans l’acte d’accusation et dans l’ordonnance de renvoi que Rickenson Desrosiers a violé une mineure de 14 ans.

Cependant, personne ne peut prouver que la victime, jusqu’à aujourd’hui, est une mineure.

Même le représentant du parquet, dans le rôle du ministère public, qui a la charge de la preuve, n’est pas en mesure d’établir que la victime était vraiment mineure.

Tout a joué en faveur de l’accusé : l’absence de l’acte de naissance faisait défaut à l’audience.

Car on le sait très bien, en droit, le doute profite toujours à l’accusé.

Que s’est-il passé?

Un jour, une fille revenait d’une boutique.

Elle passait tout près d’un salon de coiffure qu’elle avait l’habitude de fréquenter.

L’un des coiffeurs est son amant.

Il s’appelle Rickenson Desrosiers.

Dans l’ordonnance de renvoi, on rapporte qu’une mineure a été saisie, malmenée et violée.

Elle a été conduite dans une maison avant d’être violée.

Sur plainte de Mme Occéus Paul Murat, Rickenson Desrosiers a été arrêté.

Selon ce qui a été lu à l’audience criminelle sans assistance de jury, la victime avait 14 ans.

Ça étonne, mais c’est la vérité : elle a déjà eu des relations sexuelles, a-t-elle révélé dans ses déclarations au tribunal.

De plus, elle a demandé de libérer Rickenson Desrosiers.

Cependant, personne ne savait pourquoi ?

Ce n’est qu’à l’audience, ce lundi 14 août 2017, qu’on a su la vérité : elle était l’amante de l’accusé.

Celui-ci a avoué qu’il avait eu effectivement des relations sexuelles avec elle.

«Je n’ai pas violé, j’ai couché avec mon amante», a déclaré Rickenson.

Il a clairement expliqué au tribunal que cela s’est arrivé une seule fois après six mois de relations sentimentales

On a commencé par avoir des doutes sur le crime de viol commis par l’accusé à partir du moment où la prétendue victime était favorable à sa libération.

À l’audience, ni la victime ni sa mère, deux témoins importants cités, n’ont comparu.

Le représentant du parquet, Me Gabriel Ducarmel, était obligé de passer outre à ces témoins qui feraient lumière sur le dossier.

Il a présenté des pièces à conviction telles qu’un certificat médical daté de 26 mars 2012, délivré par l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti.

Il a été révélé qu’il y avait eu pénétration vaginale, déchirure de l’hymen et de quelques déchirures anciennes.

Il s’évidente donc que la victime n’était pas à son coup d’essai.

Questionné à l’audience, Rickenson a déclaré qu’elle était tellement développée qu’il doutait qu’elle n’était pas majeure.

Cependant, j’ai couché une seule fois avec elle, a confirmé l’accusé.

Il dit n’avoir jamais frappé son amante.

Rickenson n’a pas menti au tribunal criminel.

Ce que la présidente de la cour criminelle, Me Denise Moïse Papillon, a beaucoup apprécié.

Sa collaboration avec le tribunal a été parfaite.

Revenant à la barre, Me Gabriel Ducarmel devait faire remarquer au conseil de la défense que dès qu’il y a absence de consentement, acte de pénétration sexuelle, il y a viol automatiquement.

Dans son réquisitoire, le ministère public a requis la cour criminelle de déclarer constants les faits de viol reprochés à l’accusé, de reconnaître sa culpabilité et de le condamner à 10 ans de travaux forcés, conformément aux prescrits de l’article 278 du code pénal.

Dans son intervention, le conseil de l’accusé, composé de Smith Fleurant, Jean-François Elcide, Espérant Adners et Ernst Boyer, a montré qu’il n’y a pas eu de viol.

C’était plutôt deux personnes qui s’entendaient pour poser un acte sexuel.

Le conseil de la défense a demandé au ministère public de prouver que la victime était mineure.

Une autre question embarrassante à laquelle le représentant ne pouvait pas répondre : pourquoi n’a-t-on pas présenté à l’audience l’original du certificat médical ?

Autant de questions au ministère public qui ne peut établir qu’elle était vraiment mineure.

Sans l’acte de naissance à l’appui, qui est une pièce maîtresse au procès, Me Ducarmel était limité.

En conclusion, le conseil de l’accusé demande au tribunal de faire application de l’article 290 du Code d’instruction criminelle et, en cas de rejet par impossible, se réfère à la sagesse du tribunal par l’application de l’article 382, alinéa 3 du Code pénal.

Après l’examen du dossier, la doyenne du tribunal criminel sans assistance de jury dit et déclare que les faits de viol reprochés à l’accusé sur la mineure sont constants, le déclare coupable desdits faits, le condamne à cinq ans de réclusion suivant les articles 278, 279 du Code pénal, renforcés par les articles 2 et 3 du décret du 6 juillet 2005, 382, 3e alinéa, et 20 du Code pénal (lus à l’audience).

L’accusé bénéficie également de la loi Lespinasse.

Soulignons que Me Evens Jean-François était greffier et Emmanuel Thervine huissier de siège.

Tout compte fait, Rickenson Desrosiers, arrêté le 30 mars 2012, a été jugé cinq ans après.

Le tribunal le condamne à cinq ans de réclusion avec bénéfice de la loi Lespinasse.

D’ici quelques jours, il devra regagner son domicile, retrouver ses parents après avoir vécu cinq années d’enfer, d’humiliation au pénitencier national.

Source : Le nouvelliste

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