Témoignage | Libérons la parole de Nina

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Bonjour,

Tout d’abord je vous remercie pour cette initiative citoyenne qui est d’une nécessité absolue. J’espère que mon témoignage pourra contribuer à faire réfléchir nos concitoyens et être un élément de guérison pour d’autres. 

C’est donc un témoignage de ce que j’ai vécu de manière factuelle mais aussi une petite analyse afin de faire comprendre ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant qui grandit avec ces agressions émotionnelles à tendance sexuelle – ce dont j’ai été victime.

Pour me présenter je me nomme Nina, j’ai 30 ans et je suis mariée à un homme.
Tous les deux souhaitons avoir des enfants. (Comme quoi tout se guérit).

Tout commence quand j’étais âgée de 10 ans à Orléans, où un homme s’avance vers moi en se masturbant alors que j’étais en train de jouer avec mon frère. Cet homme était une connaissance de la famille et nous étions invités chez ses parents, les L****.

Avant qu’il ne m’atteigne, je me précipite vers un endroit proche de mes parents.
Notre homme, braguette remise, s’amuse à me tourner autour en passant discrètement sa main dans mes cheveux.
J’étais comme une boule hérissée avec des sueurs froides.
L’heure du départ arrive telle une délivrance.
Comme nous ne devions jamais revoir cette personne, je me suis tue.

Avec le temps je pense qu’à ce moment je n’ai pas parlé car je ne comprenais pas ce qui s’était passé. Je ne pouvais pas mettre de mot, donc je ne pouvais pas communiquer.
Une année passe, mes parents décident d’inviter les parents de cet homme pour ma profession de foi.

Rien d’inquiétant à l’horizon à part que le père était de la même trempe.

Alors que j’étais montée dans ma chambre pour déposer mes affaires, M. L**** (père) m’attendait en bas des escaliers.

Arrivée à son niveau, il me glisse un billet de 50F en disant que c’est un cadeau pour ma profession de foi. Étonnée, je remercie et je vais le déposer dans ma chambre.

De retour en bas de l’escalier, il était toujours là.
A ce moment il m’enlace en me demandant de l’embrasser.
Par chance, cet homme d’un certain âge est assez mou, je le repousse facilement et je me réfugie auprès de mes parents.

Le soir, quand tous sont partis je me précipite sur le billet de 50F que je déchire en mille morceaux.
Cet acte me procure un certain apaisement et je me réfugie dans mes peluches.

Là encore je me suis tue, de nature discrète et peu bavarde, j’étais également dans une totale incompréhension : c’étaient des adultes, des amis à mes parents, j’étais perdue.

Cependant quand mes parents parlent de les inviter une nouvelle fois : je balance tout sur le fils et sur le père, je dis même que ce sont des pédophiles.

Je revoie la scène : mes parents qui s’assoient d’un coup sur mon lit et ma mère qui me dit « tu aurais dû le dire plus tôt, ton père lui aurais pété la gueule. »

Dans ma tête d’enfant je me dis juste que cela aurait rien changé.
Il naît alors en moi un sentiment étrange : mes parents ne sont pas « tout puissants » et si je veux m’en sortir, je dois le faire seule.

A partir de 11-12 ans, j’avais donc ce sentiment que le monde des adultes au mieux ne servait à rien, au pire était dangereux.

C’est pour cela que je tiens à vous remercier au nom de la petite fille que j’étais.

Et merci pour ces enfants d’envoyer un message fort au monde :
Non, nous ne devons pas abandonner les enfants, et Oui, l’adulte est responsable du bien-être et du bon équilibre de l’enfant.

Effectivement, l’adulte ne représentant plus le coin de refuge, de sécurité minimum nécessaire, l’enfant va se réfugier ailleurs.

Pour moi, je l’ai trouvé dans la nourriture avec donc les conséquences néfastes et surtout une mauvaise habitude alimentaire qui persiste encore un peu même maintenant.

Rideau ?

Hélas non, car avec ce sentiment où l’adulte est soit étranger soit ennemi, tout s’effondre !

Au collège, en 6ème je fréquente une fille, G****, qui se fait régulièrement violer par son père.

Comment je le savais?
Je ne le savais pas, je le sentais, elle disait rien mais tout en elle le criait.
Cependant même maintenant on peut me dire tu affabules, te l’a-t-elle dit directement ? Jamais.

Pourtant, toute ma vie je me souviendrais de ses yeux froids et durs.

Pourquoi ne pas alerter le personnel de l’établissement ?
Parce qu’à l’époque les adultes n’existent pas dans mon esprit.
La seule façon que j’avais de l’aider était de l’accompagner aux toilettes et attendre qu’elle se change. Son père l’obligeait à mettre des jupes et quand elle arrivait au collège, la première chose qu’elle faisait était de se mettre en pantalon.

Je n’ai aucun souvenir de discussion, ni elle ni moi n’étions en état de parler.
Parfois elle me regardait et me disait “merci”, cela suffisait.

Vers 14 ans, je me suis faite courser par un autre homme, M. B****, venu de Bourges, encore un invité à mes parents, dans notre maison de campagne.

La course se finit auprès de mon père et de mon grand-père que je ne quitte pas d’une semelle, neutralisant ainsi toute tentative de cet individu. Cependant, la sensation d’être une bête traquée, même de quelques minutes, n’est pas anodine.

A partir de l’adolescence une certaine culpabilité s’était installée.
Je me disais que je devais le faire exprès, qu’il y avait dans mon attitude, inconsciemment, quelque chose qui les a attiré.

A 11 ans n’avais-je pas été traité comme une putain ?

Ce billet de 50F était encore inscrit au fer rouge bien que je l’avais déchiré.
J’étais dans un état d’esprit très faible et perdu.
Faible, perdue mais également craintive et méfiante au point de me détourner de ceux qui avaient des intentions pacifiques.

Ainsi, je me suis méfié d’un pauvre séminariste qui essayait juste de ramener quelques ouailles dans son cours de catéchisme.Les filles de ma classe de 1ère le disaient bizarre.
Il avait effectivement un regard bizarre quand il a essayé de me parler de Dieu dans une classe vide car personne d’autres n’avait voulu le suivre.

Personnellement, je l’avais fait par pitié mais mon attitude (assise sur une table) témoignait d’un « je m’en foutisme » royal.

Un regard qui devait juste traduire un grand malaise au coeur de ce jeune séminariste mais qui a déclenché en moi un sentiment de méfiance et de crainte.

Prétextant une envie d’aller aux toilettes, je suis partie.

Je tenais à parler de cet épisode qui, dans ce cas, n’a eu aucune conséquence fâcheuse, à part un plus grand désarroi pour ce jeune séminariste ; mais qui aurait pu en avoir si j’avais témoigné d’un malaise auprès de la direction de mon établissement.

Pour tout enseignant, animateur, formateur, prêtre, et toutes personnes comme ceux de Wanted Pedo, qui ont à coeur d’aider les jeunes agressés émotionnellement et/ou sexuellement, il faut vraiment comprendre que l’esprit des ces enfants est détruit, c’est-à-dire confus et embrouillé.

Ainsi, par instinct de survie, méfiance et habitude, le réflexe sera de vous associer durant une période plus ou moins courte, à de potentiels agresseurs.
Il faut comprendre que la confiance avec le monde des adultes est totalement détruite.
La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais un chien continuellement battu, par instinct de survie et habitude, va mordre la personne qui veut le caresser.

Et malheureusement si l’accusation portée sur une personne voulant aider en arrange d’autres, le jugement n’est pas forcément du côté de la justice.

Un résultat désastreux pour l’enfant qui devenant adolescent, à moyen/long terme, va se sentir coupable et d’autant plus détruit.

Ainsi je finirais en ajoutant à « Courage, Force, et Honneur » le mot « Vérité » sans laquelle aucun enfant, adolescent et adulte rescapé ne pourra être totalement guéri.

En vous remerciant une nouvelle foi de cette initiative citoyenne,

Avec tout mon soutien,
Nina

  • Comme Nina, si vous souhaitez libérer votre parole, nous vous invitons à nous envoyer votre témoignage, via notre Formulaire de contact.

Ne rien dire c’est accepter, ne rien faire c’est cautionner.

Honneur, Force et Courage à vous tous !

L’équipe Wanted Pedo 

 

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