Pédophilie dans l’Eglise | Philippe Barbarin admet un «réveil tardif»

LYON  « C’est une révolte monstre que cet homme qui a fait tant de mal ait pu continuer à être prêtre », a expliqué le cardinal…

L’enquête pour «non-dénonciation» d’agressions sexuelles sur mineurs et «non-assistance à personne en danger», dans laquelle le cardinal Philippe Barbarin a été mis en cause, a été classée sans suite, ce lundi, par le procureur de la République de Lyon. – Laurent Cipriani/AP/SIPA

L’archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, admet que « (son) réveil a été tardif » face aux abus sexuels commis par des prêtres, notamment dans son diocèse, dans un entretien au Parisien de dimanche.

L’Eglise française a été secouée par des mois de révélations d’affaires de pédophilie dans plusieurs diocèses français, dont celui de Lyon. L’affaire du père Bernard Preynat, prêtre lyonnais soupçonné d’avoir abusé de plus de 60 jeunes scouts, a valu au cardinal Barbarin d’être visé par des plaintes pour non-dénonciation, plaintes classées sans suite début août.

Le père Preynat devant la justice canonique

« C’est vrai que mon réveil a été tardif. Si j’avais été en relation directe plus tôt avec des victimes et que j’avais vu la gravité des dégâts, je me serais dit : “Il faut agir immédiatement” », confie le primat des Gaules. Il reconnaît que « pour ces personnes détruites intérieurement, c’est une révolte monstre que cet homme qui leur a fait tant de mal ait pu continuer à être prêtre ».

Parallèlement à la procédure judiciaire, un procès canonique va être intenté contre le prêtre soupçonné de pédophilie. Cette procédure interne à l’Eglise pourrait conduire au renvoi de l’état clérical du père Preynat. Le cardinal Barbarin explique avoir « demandé au pape François s’il pouvait pour ce cas gravissime lever la prescription. Il a accepté il y a quelques semaines, donc on va pouvoir enfin rendre un jugement canonique ».

Le 7 novembre, les évêques français ont demandé pardon pour le « trop long silence coupable » de l’Eglise face aux agressions sexuelles commises par des prêtres, après des mois de scandales.

Source: http://www.20minutes.fr/

Affaires de pédophilie | Une journaliste avait averti le cardinal Barbarin dès 2005

“Histoire d’un silence” est le premier livre qui revient sur l’affaire Barbarin. L’auteure, Isabelle de Gaulmyn, était aussi un témoin direct des affaires de pédophili…


Mgr Barbarin : «Que les chrétiens votent en fonction de leurs convictions»

Lyon (Rhône), mercredi 21 décembre. A l’occasion de Noël, Mgr Barbarin a répondu aux questions du Parisien-Aujourd’hui en France dans les nouveaux locaux de l’archevêché, alors qu’il a plutôt fui les sollicitations ces derniers mois.

FAIT DU JOUR. Dans un entretien accordé à notre journal, le cardinal Barbarin revient sur le poids de la parole catholique dans notre société et invite les chrétiens à voter « pour le bien véritable du pays».

Ce dimanche matin, Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, célèbre la messe de Noël en la cathédrale Saint-Jean. L’édifice sera sans doute bondé. Car même s’il a terni son image en 2016 dans la gestion des scandales de prêtres pédophiles de son diocèse, même s’il a fini par reconnaître des «erreurs de gouvernance» en la matière, il reste une voix influente au sein de l’Eglise de France.

La parole de ce soutien de la Manif pour tous est aussi très écoutée à quelques mois de la présidentielle, à l’heure où les « cathos » entendent peser dans le débat politique. Les fidèles les plus conservateurs, dont certains ont donné leur suffrage au grand vainqueur de la primaire à droite, François Fillon, apprécient son intransigeance sur les sujets de société, en particulier ses prises de position anti-avortement et anti-mariage gay. Le cardinal, âgé de 66 ans, est aussi un proche du pape François. Au plus fort de la tempête du côté de Fourvière, le souverain pontife argentin lui a apporté son soutien et renouvelé sa confiance.

A l’occasion de Noël, le Primat des Gaules a accepté de répondre à nos questions chez lui, à la Maison Saint-Irénée, à Lyon (qui accueille les nouveaux locaux de l’archevêché), alors qu’il a plutôt fui les sollicitations ces derniers mois. Ce mercredi après-midi, au bout d’un couloir pavé, le serviteur de Dieu débarque dans le salon un plateau en mains avec tasses et café. Durant une heure, avec cette façon très théâtrale de s’exprimer, il revient sur la naissance de Jésus, les attentats, les coptes d’Egypte, à qui il a rendu visite il y a quelques jours, le délit d’entrave numérique à l’IVG mais également ce qui a été appelée «l’affaire Barbarin».

L’esprit de Noël

Comment être heureux en ce jour de Noël alors que nous vivons tous avec l’angoisse de l’attentat ?

Mgr Barbarin. Noël est un message de paix et nous vivons la violence. Il y a plus de 2000 ans, une jeune femme s’avance vers Bethléem avec son bébé dans le ventre : elle a plus de 100 kilomètres à parcourir à dos d’âne, tout cela parce que l’occupant romain a décrété qu’il fallait faire un recensement de la population. Partir ainsi à l’autre bout du pays, c’était déjà aussi une situation de violence ! Marie va alors mettre au monde «le prince de la paix», comme l’appelle le prophète Isaïe, qui a donné le plus beau titre de Jésus. Cela tombe bien, la paix, c’est vraiment ça dont on a tous le plus besoin aujourd’hui.

Quel message adressez-vous aux fidèles mais aussi aux non-croyants ?

Même si vous ne croyez pas en Dieu, fortifiez votre espérance car elle risque encore d’être mise à mal. Quand une personne ne sait plus où elle va, elle erre comme une âme en peine. L’espérance chrétienne, c’est ce qui nous tient. Ce n’est pas l’idée selon laquelle ça ira mieux demain mais c’est la certitude que, quoi qu’il arrive, Dieu ne vous abandonnera pas, et que vous restez dans sa main. Je souhaite bien sûr la joie de Noël à toutes les familles, c’est une fête qui s’est étendue au-delà des chrétiens et j’en suis très heureux. En revanche, je sais bien qu’il existe beaucoup d’endroits au monde où l’on souffre énormément. Lorsque des deuils n’ont pas été surmontés, certains en veulent à Dieu, cela se comprend. Quand les chocs sont trop grands, combien de fois j’ai entendu, y compris dans ma propre famille : J’ai perdu la foi.

Regards sur les attentats

Redoutez-vous un nouvel acte terroriste visant une église en France ?

Je ne vis pas avec cette crainte mais je sais que c’est possible. Je ne réclame rien mais je ne suis pas aveugle. Quand je descends à la cathédrale, je me dis : Ah tiens, il y a les soldats. J’ai envie de dire merci à la République, merci au préfet.

Faut-il davantage sécuriser les lieux de culte en ce jour de messe de Noël ?

Je ne suis pas compétent pour identifier les endroits dangereux, alors je fais confiance aux autorités de l’Etat. De toute façon, on est toujours surpris par ces violences, on ne peut jamais savoir où elles vont frapper la prochaine fois.

Que faisait Dieu quand le mal a frappé à Berlin, Nice ou Saint-Etienne du Rouvray ?

Je répondrai la même chose que le pape François à une petite fille des Philippines qui lui demandait où est Dieu quand les enfants des rues de Manille sont violentés : « C’est la seule question qui n’a aucune réponse ». La seule chose que je sais, c’est que Jésus, lui, il a vécu cette violence à 100%. Et il nous a dit : «N’ayez pas peur, la vie triomphera». J’aime beaucoup cette phrase de Paul Claudel : «Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, il n’est pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence.»

La France est-elle indifférente au sort des chrétiens d’Orient ?

Non, traditionnellement, elle est leur protectrice. Ce n’est pas du baratin. Elle est, par exemple, actuellement active pour aider à la reprise de Mossoul, en Irak. En revanche, elle se sent peut-être moins concernée par le martyre des coptes d’Egypte, alors qu’une église au Caire vient d’être la cible d’un attentat de l’Etat islamique qui a fait 27 morts. Je le regrette. Pour des raisons historiques, notre engagement en Irak, en Syrie ou au Liban est beaucoup plus fort.

La communauté catholique a-t-elle suffisamment tendu la main aux migrants ?

Plus que suffisamment, puisque toutes les propositions d’accueil émanant des paroisses n’ont pas été satisfaites. Quand des familles venues d’ailleurs, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, débarquent en France, on leur ouvre nos portes mais nous nous attendions à voir arriver beaucoup plus d’Irakiens ou de Syriens chrétiens chassés de chez eux.

Polémiques sociétales

Une crèche de Noël a-t-elle sa place dans une mairie ?

Le conseil d’Etat s’est prononcé, il a répondu que oui si elle s’inscrit dans un environnement culturel et festif. Se bagarrer pour une crèche dans un lieu public est une petitesse française. Moi, mon problème est ailleurs : je préfèrerais qu’on s’insurge un peu plus pour toutes ces «crèches vivantes» d’aujourd’hui, que je vois dans mes paroisses de banlieue, à Bron ou à Villeurbanne, avec des gens qui dorment sous une bâche à côté de l’autoroute !

Les parlementaires ont adopté début décembre un texte visant à pénaliser les sites internet diffusant des informations «biaisées» sur l’avortement. Qu’en pensez-vous ?

C’est le début de la police de la pensée. On a quand même le droit de ne pas être d’accord. Il ne faut pas restreindre les libertés. S’il y a vraiment des erreurs et des mensonges véhiculés par ces sites, qu’on les montre ! Mais que ces plateformes disent : faites attention, car il y a souvent de graves conséquences psychologiques à un avortement, où est le problème ? Ces grandes souffrances, je les ai entendues cinquante fois ! On a le droit d’exprimer une vérité fréquemment constatée.

Une campagne d’affichage gouvernementale de prévention du sida montrant des couples homos a choqué des associations catholiques. La France n’est-elle pas devenue réac ?

La question, c’est plutôt : est-ce que la France n’est pas devenue « provoc » ? Cette affiche, j’ai l’impression qu’elle a surtout pour but d’heurter les convictions de beaucoup. Sur ce point aussi, j’espère qu’on a le droit de penser différemment.

La foi et la politique

La Conférence des évêques de France a publié une longue lettre dans laquelle elle appelle les habitants à retrouver «le sens du politique», François Fillon, lui, doit sa victoire aux primaires en partie à l’électorat catholique. Plus que jamais, les «cathos» veulent peser dans le débat public ?

On a toujours publié des documents avant les élections pour dire : Attention, c’est une échéance importante. Ce pays, on l’aime, et voter, c’est prendre ses responsabilités. Nous n’avons pas pris position sur les primaires. Mais que les chrétiens votent en fonction de leurs convictions, c’est la moindre des choses.

Que dîtes-vous aux catholiques qui entendent voter FN à la présidentielle ?

Je leur dis : Votez pour ce qui vous paraît être le bien véritable de ce pays, pour celui qui fera progresser la paix, la sécurité, l’emploi, l’éducation, la santé, le respect des plus petits…. Et pas parce que vous êtes révoltés et que vous jugez que les politiques sont pourris. Il est facile de tout critiquer. On a le droit de contester, mais il faut surtout construire. A mon avis, chacun doit voter d’abord pour le candidat qui lui semble le plus apte à exercer la fonction.

Comment lutter contre l’islamophobie ?

En faisant un beau travail de vérité. L’Eglise catholique nous demande ce dialogue interreligieux, c’est écrit en toutes lettres dans le concile Vatican II. Quand ils prient, un catholique, un juif, un musulman… demandent la paix, c’est le bien suprême pour les hommes. Le cadeau que nous demandons tous à Dieu, il n’y en a qu’un seul, c’est la paix.

En ces temps d’incertitudes et de peurs, percevez-vous un renouveau de la foi ?

Pas assez ! Mais oui, il y a énormément de gens qui s’approchent, qui se réveillent. C’est très touchant. Quand je suis arrivé dans le diocèse de Lyon en 2002, 60 adultes demandaient la confirmation chaque année. Maintenant, j’en compte 350. Parmi eux, des fidèles de 60, 70 et même 80 ans ! Chez les jeunes aussi, je constate un changement. Dans les années 80, ils contestaient le curé, les sacrements… Maintenant, ils me disent : Cela va être dur d’être chrétien, alors expliquez-nous comment faire pour prier, pour se confesser… On ne leur a pas donné assez de repères alors ils en cherchent pour la solidité de leur vie. Ce renouveau est peut-être lié à une déstabilisation générale.

Le pape François, qui vient de célébrer ses 80 ans, a redit qu’il envisageait un pontificat court. Le scénario de renonciation, vécu avec Benoît XVI, peut-il se répéter avec le pape argentin ?

Certainement ! Je n’ai aucune confidence de lui à ce sujet, mais j’espère qu’il ne va pas faire ça la semaine prochaine. J’avoue que, lorsqu’il a fêté ses 80 ans, j’ai eu un peu peur. Je suis sûr que si, un jour, il voit qu’il ne peut plus faire face, il agira comme Benoît XVI, dont le choix fut très respectable.

Les scandales pédophiles

Votre diocèse a été cette année au coeur des scandales pédophiles. Des victimes vous reprochent, notamment, d’avoir maintenu en fonction le père Preynat, alors que vous connaissiez son passé de prêtre déviant. Avez-vous fait preuve de négligences ?

Les victimes m’ont beaucoup réveillé. Parce que les faits étaient très anciens et connus de mes prédécesseurs, je n’avais pas mesuré la profondeur de leurs blessures, de toutes ces souffrances si injustes. Je les ai écoutées des heures et des heures. Avec certaines victimes, il y a eu des contacts très violents parce que j’étais à leurs yeux fautif de tout ; d’autres, au contraire m’ont dit : On va se battre à vos côtés. C’est vrai que mon réveil a été tardif. Si j’avais été en relation directe plus tôt avec les victimes et que j’avais vu la gravité des dégâts, je me serais dit : Il faut agir immédiatement. Pour ces personnes détruites intérieurement, c’est une révolte monstre que cet homme qui leur a fait tant de mal ait pu continuer à être prêtre.

Avec les victimes de l’association La Parole libérée, la réconciliation semble impossible…

Le pape a demandé aux évêques de reprendre contact avec les anciennes victimes. J’obéis au pape, j’ai appelé. Je comprends très bien que certaines ne souhaitent pas me voir mais ma porte est ouverte. Elles en veulent moins à ce prêtre qu’elles considèrent comme un grand malade qu’à l’Eglise parce qu’elle n’a pas bien réagi. Expliquons-nous pour voir comment les choses peuvent être guéries. Moi, mon grand but aujourd’hui, c’est : Qu’est-ce qu’on peut réparer ?

A-t-il été difficile pour vous de rester en poste, alors que votre image est associée à «l’affaire Barbarin» ?

C’est le Seigneur qui m’a gardé. Je n’ai eu aucune difficulté à poursuivre ma mission d’évêque, en essayant de rester un serviteur de Dieu, par exemple dans les visites pastorales de mon diocèse même quand j’étais suivi par une meute de journalistes. J’ai souffert d’avoir été jugé responsable de tant de blessures alors même que je n’étais pas évêque quand elles se sont produites. Oui, j’ai souffert, mais je sais que la souffrance des victimes est plus grande encore.

Le père Preynat, en plus d’être jugé par la justice pénale, sera-t-il jugé par l’Eglise ?

Dans le droit canonique, la levée de la prescription est possible. J’ai donc demandé au pape François s’il pouvait pour ce cas gravissime lever la prescription. Il a accepté il y a quelques semaines, donc on va pouvoir enfin rendre un jugement canonique. J’espère qu’une condamnation objective faite dans le droit de l’Eglise apportera de la paix.

Source: http://m.leparisien.fr/

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