Oise | Laxisme judiciaire pour les agresseurs de Shaïna

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Pas de regret, pas d’explication… “C’est Shaïna qui voulait avoir un rapport sexuel avec eux”
Shaïna a été violée à 13 ans, tuée à 15 ans. Mardi soir s’est achevé le procès de ceux qui sont accusés de l’avoir agressée sexuellement, deux ans avant son meurtre. Les quatre prévenus ont nié les faits, assurant que c’est l’adolescente qui voulait avoir des rapports avec eux.

Actualisation du 3 mars 2022 :

Agression sexuelle de Shaïna à Creil en 2017 : trois des agresseurs condamnés à 8 et 12 mois de prison avec sursis.

Cette agression avait valu une réputation de «fille facile» à Shaïna, poignardée et brûlée vive deux ans plus tard par un autre jeune homme.

Shaïna, 13 ans, avait été agressée sexuellement en 2017 à Creil (Oise) par plusieurs jeunes hommes puis assassinée deux ans plus tard par un autre individu.

Le principal accusé du procès pour agression sexuelle a été condamné mardi 1er mars à un an de prison avec sursis probatoire pendant deux ans.

Le jeune homme, alors petit ami de Shaïna, était âgé de 14 ans au moment des faits, en août 2017. Le désignant comme «le meneur» d’un trio d’agresseurs, le parquet avait requis contre lui deux ans de prison dont un avec sursis probatoire.

Deux autres prévenus, alors âgés de 16 et 17 ans, ont été condamnés à huit mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans. Tous trois ont été reconnus coupables d’agression sexuelle et violences en réunion mais relaxés pour la diffusion d’images pornographiques d’une mineure.

Un quatrième garçon, également mineur au moment des faits et jugé pour une autre agression sexuelle, une semaine avant celle de ce trio, a été relaxé. Le procureur de la République a indiqué réfléchir à un appel dans son cas.

Devant le tribunal correctionnel pour enfants, où le procès se tenait à huis clos, les avocats des prévenus avaient plaidé la relaxe, invoquant un dossier vide.

«Grâce à ses déclarations constantes, Shaïna a été reconnue comme victime. Ce n’est pas une menteuse», s’est félicité ce mardi Negar Haeri, avocate de la famille de Shaïna, se disant toutefois «très triste qu’elle ne soit pas là pour s’en rendre compte, c’est insupportable».

Elle a estimé que :

« Il reste beaucoup à faire quant à ce type d’affaire, que la justice a encore du mal à traiter», a-t-elle estimé.

L’engrenage, selon la plainte de Shaïna, s’était enclenché quand son petit ami l’avait prise en photo dénudée et s’en était servi pour la faire chanter. Elle l’avait rejoint dans une clinique désaffectée, où le trio l’avait violentée.

Des images de la scène diffusées sur Snapchat avaient valu à Shaïna, selon son frère, une réputation de «fille facile», l’exposant à un «acharnement» dans sa cité.

Le 1er mai 2019, elle avait porté à nouveau plainte pour avoir été passée à tabac par son ex-petit ami, des faits encore en cours d’instruction.

Puis, le 25 octobre 2019, enceinte de quelques jours, elle a été poignardée puis brûlée vive dans un cabanon de sa cité. Des faits pour lesquels un autre jeune de 17 ans, avec qui elle avait une liaison, a été mis en examen.

Article du 8 février 2022 :

Les garçons accusés d’avoir violé Shaïna, treize ans au moment des faits, dans une clinique abandonnée de la cité du Plateau-Rouher à Creil, ont quitté d’un pas rapide le tribunal pour enfant de Senlis (Oise).

Leurs avocats les ont imités, sans faire de déclaration.

C’est le premier procès qui concerne « l’affaire Shaïna », cette jeune adolescente harcelée, violée à 13 ans et tuée à 15 ans.

Durant les deux jours qu’a duré cette première audience à huis clos, les prévenus, accusés de l’agression sexuelle survenue en 2017, s’en sont tenus à leur ligne de défense : il n’y a eu ni agression sexuelle ni viol, c’est Shaïna qui voulait avoir un rapport sexuel avec eux.

Aujourd’hui majeurs, les garçons encourent des peines réduites.

La plainte pour viol a été requalifiée en agression sexuelle, ramenant le maximum encouru à 7 ans.

Un maximum encore divisé par deux en raison de la minorité des prévenus au moment des faits.

Ils n’encourent donc plus que trois ans et demi de détention.

« LEUR VERSION, C’EST QUE C’EST ELLE QUI VOULAIT FAIRE L’AMOUR »

Le procureur de la République a requis moins que ça.

Ahmed*, ancien petit ami de Shaïna, est accusé de l’avoir menacée et conduite dans un traquenard, une clinique abandonnée où deux de ses copains attendaient la jeune fille.

Deux ans ont été requis à son encontre, dont 12 mois avec sursis probatoire.

Pour les deux autres agresseurs de la clinique, le procureur a demandé 15 mois dont 6 mois avec sursis probatoire.

Pour le quatrième garçon, accusé d’avoir agressé Shaïna quelques jours plus tôt et plus âgé au moment des faits, deux ans dont 12 mois avec sursis probatoire.

Tous ont obligation de ne pas rentrer en contact avec la partie civile.

Le 31 août 2017, Shaïna a dit avoir été contrainte de rejoindre Ahmed devant une clinique désaffectée du quartier.

Si elle ne vient pas, le jeune homme menace de diffuser une photo intime d’elle.

Devant la clinique, il l’attrape par les cheveux, la traîne à l’intérieur, lui réclame une fellation qu’elle refuse.

Les deux complices auraient alors surgi.

Ils maintiennent l’adolescente, la forcent à se déshabiller, l‘agressent sexuellement, la violent.

Ils filment la scène qu’ils diffusent sur Snapchat.

Shaïna a déclaré devant les policiers avoir subi des pénétrations digitales, péniennes et avec un tube de Labello.

« ILS BANALISENT LA VIDÉO DE L’AGRESSION »

« Leur argument, c’est de dire que c’est elle qui voulait faire l’amour »,

a rapporté l’avocate de la famille, Negar Haïri à la sortie de l’audience.

Shaïna se serait donc rendu d’elle-même dans cette clinique dans l’espoir de pouvoir avoir des relations sexuelles avec son petit ami et ses copains.

Elle se serait déshabillée toute seule et ce sont eux qui auraient refusé le rapport.

Sauf qu’une des vidéos diffusées sur Snapchat a été retrouvée par les enquêteurs et versée au dossier.

On y voit la jeune adolescente nue, assise sur un banc, tentant de se couvrir avec son pantalon, sous les insultes des jeunes qui la traitent de « pute ».

L’un des garçons se jette sur elle, Shaïna se débat, la vidéo s’arrête.

La vidéo a été diffusée pendant l’audience, sous les yeux de la famille de l’adolescente.

« Nous tenions à voir cette vidéo, pour savoir ce qu’a vécu ma petite sœur »,

a expliqué Yacine Hansye à Marianne.

« Shaïna s’est défendue, elle a été très courageuse »,

nous confie-t-il, encore secoué par les images qu’il a vues.

D’autant que les prévenus n’expliquent pas les conditions dans lesquelles ont été tournées ces images :

« Ils banalisent la vidéo de l’agression et s’en tiennent à admettre que ce n’est pas correct d’insulter une fille nue sur une vidéo. Mais ils contestent les éléments principaux : l’agression sexuelle »,

regrette l’avocate de la famille Hansye.

« ILS MENTENT COMME ILS RESPIRENT »

« À les écouter, ce sont eux les victimes, ils n’ont aucun remords. Ils pourraient demander pardon, ou au moins nous regarder »,

déplore, très émue, Parveen Hansye, la mère de l’adolescente.

En retrait, son père lâche quelques mots pudiques :

« Ils mentent comme ils respirent. »

La douleur est encore vive et la famille très éprouvée par ces deux jours de procès.

Ils devront encore attendre jusqu’au 1er mars pour connaître la décision du tribunal, mise en délibéré.

Pour eux cependant, le marathon judiciaire est encore loin d’être terminé.

Deux affaires majeures concernant leur fille doivent encore être jugées : l’agression physique qu’elle a subie le 1er mai 2019, lorsqu’Ahmed la croise dans le quartier et qu’elle est passée à tabac par une dizaine de garçons.

Et surtout le plus éprouvant, le procès de son meurtrier présumé, Saïd*.

Celui qui a reconnu auprès d’un ami et d’un compagnon de détention avoir accepté de sortir avec Shaïna uniquement parce qu’elle avait une réputation de « fille facile ».

Lorsqu’elle est tombée enceinte de lui, il a confié avoir choisi de la tuer car

« plutôt prendre trente ans que d’être le père d’un fils de pute. »

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