France | Journée internationale des droits de l’enfant

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” Le pire, c’est le silence “
Deux femmes victimes d’inceste et de viol durant leur enfance témoignent pour que cesse “le silence”.

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, deux femmes victimes d’inceste et de viol durant leur enfance, témoignent pour que cesse “le silence”.

Le 20 novembre 2020, c’est la Journée internationale des droits de l’enfant, un moment indispensable dans l’année pour les autorités, les associations mais aussi les victimes de violences afin de ;

« Sensibiliser le public à la question du respect des droits des enfants ».

En Seine-Maritime, deux femmes, Roselyne et Jade*, prennent la parole pour témoigner de leur vécu et de leurs souffrances.

Victimes pour l’une de viol et pour l’autre d’inceste, elles espèrent éveiller les consciences sur les violences faites aux enfants, et afin que cesse le « silence ».

Jade avait 10 ans lorsqu’elle a été victime d’un viol, qui s’est reproduit à plusieurs reprises.

Son agresseur, un « voisin », habitait dans le quartier mais un soir, tout a cessé :

« En rentrant de l’école, ma mère m’a tout simplement demandé s’il m’avait touchée, s’il avait fait des choses qu’il ne fallait pas faire. Je lui ai répondu oui, et voilà… »

Peu de temps après, la famille de Jade change de logement.

Sa mère à l’époque, dépose plainte, plainte qui débouchera sur un non-lieu « pour manque de preuves ».

L’agresseur a été dans le même temps visé par une autre affaire :

« J’ai su il y a très peu de temps qu’il avait été condamné après avoir été surpris en flagrant délit avec une autre petite fille. »

En prévision du 20 novembre, Roselyne prend aussi la parole, publiquement, et pour la première fois de sa vie. Âgée d’une cinquantaine d’années, elle a été victime d’inceste, avant l’âge de sept ans.

L’auteur était un cousin. Les faits ont été selon elle temporaires, grâce à l’intervention de sa famille. Malgré le traumatisme, enfant, rien ne laissait présager à l’entourage des violences subies. Roselyne était même « une très bonne élève ».

L’adolescence, coïncidant avec le début de la puberté, a néanmoins été plus « chaotique ».

Roselyne s’est essayée à de nouvelles expériences, à l’alcool, comme un échappatoire au mal-être qu’elle ressentait déjà très jeune :

« Heureusement que la drogue ne circulait pas beaucoup à mon époque et au sein de mon collège. Je pouvais me mettre dans des situations d’urgence, j’aurais pu sombrer mais j’avais la chance d’être bien entourée ».

Plusieurs décennies après, elle estime que cet « épisode » a été à l’origine de plusieurs déconvenues, autant sur le plan professionnel et personnel.

Ces deux histoires intimes sont différentes et pourtant, Roselyne et Jade ont toutes deux été confrontées à « l’amnésie traumatique », un mécanisme du cerveau en réponse à un événement traumatisant. La victime n’a alors plus conscience des violences subies.

Pour Roselyne, sa famille a pu y contribuer :

« Il y a eu un tel poids… Les faits ont été étouffés, la personne n’a pas été dénoncée, cela n’est jamais sorti de la famille ».

L’amnésie a duré longtemps, peut-être trop longtemps, quarante ans pour Roselyne, vingt ans pour Jade. C’est après un choc émotionnel très fort (un accident de la circulation pour Jade) que le premier flash-back s’impose dans leur esprit et que les souvenirs affluent.

Roselyne déclare  :

« J’ai eu une image précise d’un abus qui est sortie dans un demi-sommeil, dans mon endormissement. Après il y a en a eu d’autres, très indistincts »

Jade, qui a consulté un psychologue il y a peu de temps afin de faire le point et se reconstruire, explique :

« J’ai revu des détails dont je ne me souvenais plus, comme la couleur d’un pantalon, bleu, qu’il portait ».

Pour les deux femmes, la fin de l’amnésie a été « une demi-libération », car les images leur ont permis de comprendre, de faire la lumière sur certaines réactions jugées incompréhensibles, comme l’exprime Roselyne :

« Vous savez, c’est culpabilisant d’être dépressive alors que tout va bien dans sa vie et qu’on n’a pas de malheur ».

Parler aujourd’hui est un acte courageux, mais particulièrement sensible car il rouvre inévitablement les plaies.

« Ce qui m’importe avec ce témoignage, ce n’est pas de rentrer dans les détails de mon histoire, mais de dire que des enfants gardent encore le silence ».

Roselyne parle à son âge d’un « gâchis », d’un silence qui l’a « étouffée, protégée mais démolie ». D’où l’importance de prévenir et dialoguer rapidement :

« Cela va avoir des conséquences sur l’enfant et sa vie d’adulte. Il faut que les gens comprennent que ça arrive plus qu’on ne le croit et dans des lieux sains. Cela peut aussi arriver à votre voisin ».

Jade estime désormais qu’il faut « sortir du tabou, ouvrir le dialogue sur la question » car il y a encore :

« Beaucoup d’enfants qui comme moi, ne savaient pas que ce n’était pas normal. Il faut que les enfants en prennent conscience ».

Passer outre ces violences des années après reste, selon elles, toujours impossible. Mais cette parole, dure à entendre, est nécessaire pour éviter sur le tard, « d’accepter l’inacceptable ».

*Les prénoms des deux femmes ont été modifiés.

En France, l’association les Papillons lutte quotidiennement contre les violences infantiles. Plusieurs boîtes aux lettres ont été installées sur le territoire – et devraient l’être prochainement dans l’agglomération de Rouen – pour permettre aux jeunes victimes de poster des lettres permettant de décrire les violences subies (harcèlement, violences psychologiques, violences sexuelles…).

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