Flavie Flament | Pourquoi elle tait le nom de celui qui l’a violée à 13 ans

 

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« Un photo­graphe mondia­le­ment connu »

Elle n’avait que 13 ans. Profi­tant de sa gloire et de son ascen­dant, il lui a ravi son inno­cence, violé son corps. A 42 ans, en raison de la pres­crip­tion des faits, Flavie Flament tait le nom de son violeur, mais tue son honneur, dans une inter­view au maga­zine ELLE. Au nom de toutes ces autres victimes – car elle est persua­dée qu’il y en a eu d’autres – encore en mesure de porter plain­te…

Une jeune fille blonde, tout juste nubile, un brin mélan­co­lique, nimbée de rose. C’est ce cliché d’elle, à peine sortie de l’enfance, qu’elle a choisi pour illus­trer son livre La conso­la­tion (Ed JC Lattès), récit sur« la trahi­son des adultes qui lui ont ravi son corps et son inno­cence », à paraître ce 19 octobre. Le flou n’est qu’ar­tis­tique…

Dans le maga­zine ELLE, après l’avoir couché sur papier, Flavie Flament se souvient de tout. Comme un exor­cisme, qu’elle souhaite utile à d’autres,  elle revient sur ce viol qu’elle a subi à l’âge de 13 ans et qu’elle a dû long­temps taire et refou­ler, incom­prise par son entou­rage.

« J’étais en vacances au cap d’Agde avec ma famille. Nous étions à la terrasse d’un café un soir, sur le port, à manger un banana split. Je n’ai pas vu le préda­teur arri­ver. Quand il a proposé à ma mère que je fasse des essais, elle a été ravie. Tout le monde savait qui il était. Il y avait cette sensa­tion de toucher à l’ex­tra­or­di­naire pour une famille de province. Ma mère m’a ensuite emme­née, tous les après-midi chez lui, faire des photos. J’ai senti rapi­de­ment que les essais étaient un rite de passage pour être la « nouvelle élue » », détaille Flavie dans ELLE.

Le monstre était donc photo­graphe. Un « photo­graphe mondia­le­ment connu », qui ouvre sa porte nu, son sexe comme un appât, et, déci­dé­ment répu­gnant, obli­gera Flavie à regar­der celui des femmes nudistes sur la plage, précise le maga­zine ELLE.

Flavie ne le nomme pas. Elle s’ex­plique :

« Parce que, en raison de la pres­crip­tion des faits, ce crimi­nel est hors d’at­teinte de toute condam­na­tion. En France, un mineur victime de viol peut porter plainte jusqu’à l’âge de 38 ans. Mes souve­nirs ont ressurgi alors que j’avais entre 35 et 38 ans. Le temps que j’as­si­mile tout ça, que je trouve la force de le racon­ter, il était trop tard. Je ne peux donc ni pronon­cer son nom ni l’écrire. En revanche, je suis persua­dée que je ne suis pas sa seule victime. Ce que je ne peux pas faire, j’es­père que d’autres le pour­ront encore. »

Bien avant qu’elle n’en fasse le sujet de La conso­la­tion, le thème de l’abus sexuel était déjà revenu trois fois, en trois ans, aux micros de son émis­sion On est fait pour s’en­tendre, sur RTL. Mars 2013 : « le tabou du viol ». Novembre 2012 : « se recons­truire après un viol ». Avril 2014 : « agres­sions : pourquoi les témoins ne viennent pas toujours en aide aux victimes ? ».  Invi­tée de ces trois débats, une psychiatre membre de l’as­so­cia­tion Mémoire trau­ma­tique et victi­mo­lo­gie, y a déve­loppé l’im­por­tance de la recon­nais­sance du statut de victime par les victimes elles-même, leurs proches et la légis­la­tion française.

Ses réponses à ceux qui repro­che­ront à Flavie de ne pas s’être défen­due, d’avoir gardé trop long­temps le silence et de se déchar­ger dans un livre trente ans après les faits, sont claires, expliquées par la neuro­bio­lo­gie.

Les victimes de viol et d’agres­sions sexuelles subissent d’abord ce qu’on appelle l’état de sidé­ra­tion psychique, une para­ly­sie du corps et de l’es­prit pour éviter la surpro­duc­tion des hormones du stress et proté­ger ainsi le cœur et le cerveau. Survient ensuite le phéno­mène de la disso­cia­tion, un manque de ressenti, ou, plus exac­te­ment, un senti­ment de décon­nexion et de déper­son­na­li­sa­tion par rapport à ce qui s’est passé. Le risque de cette disjonc­tion émotion­nelle est la mémoire trau­ma­tique, évoquée par Flavie. Faute d’être inté­grées par l’hip­po­campe, « logi­ciel » gérant la mémoire et le répé­rage spatio-tempo­ral, les violences subies menacent d’en­va­hir les victimes à la moindre situa­tion rappe­lant les circons­tances de leur agres­sion.

Les stra­té­gies de survie déve­lop­pées pour éviter ces crises de panique sont l’évi­te­ment (le sujet s’isole), le recours à des produits disso­ciants (alcool, drogues, médi­ca­ments), un attrait pour des conduites à risque (muti­la­tions, sports extrêmes, pratiques dange­reuses).

Elle met en garde contre une espé­rance de vie réduite, parfois jusqu’à vingt ans de moins. Elle dénonce surtout la loi du silence, d’au­tant plus grave que 81% des victimes d’abus sexuel sont mineures. Actuel­le­ment, en France, un indi­vidu violé ou agressé sexuel­le­ment avec circons­tances aggra­vantes durant son enfance dispose, comme le souligne Flavie dans ELLE, d’un délai de vingt ans à comp­ter de sa majo­rité pour dénon­cer ce qui lui a été infligé.

A défaut d’ob­te­nir l’im­pres­crip­ti­bi­lité, comme pour les crimes de guerre et les crimes contre l’hu­ma­nité, elle soutient le rallon­ge­ment du délai de pres­crip­tion à trente ans après la majo­rité. Voté par le Sénat, le projet a été rejeté une première fois par l’As­sem­blée natio­nale, fin 2014.

S’il avait été voté, Flavie assure qu’elle aurait porté plainte.

« Avec ce livre, j’es­père libé­rer la parole. C’est ma façon d’abo­lir la pres­crip­tion », déclare-t-elle à ELLE.

Source : http://www.gala.fr

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