Dijon | Agressions sexuelles dans le sport : les clubs prennent les devants

Prévention dans les clubs sportifs

L'affaire secoue le milieu du basket ornais. | Thomas Brégardis / Ouest-France.
Thomas Brégardis / Ouest-France

Les multiples affaires d’agressions sexuelles et de pédophilie dans le sport, les clubs amateurs redoublent de précaution et mettent en place des mesures. Exemples à Dijon.

“À quel moment on demande la balle ?”, interroge Alexis Maltrud, entraîneur de basket-ball des Poussins filles (9-10 ans).

“Quand on est démarquées”, répond en levant le doigt Joana, jeune fille au survêtement corail fluo.

La jeune fille de 10 ans fait son entraînement sous le regard de son père. Celui-ci est présent non pas parce qu’il ne fait pas confiance à l’entraîneur mais bien parce qu’il veut regarder sa fille évoluer au sain du Dijon féminin basket (D.F.B.).

L’entraînement a lieu en même temps que celui des benjamines (11-13 ans), coachées par Aude Thilet, pour des raisons pratiques.

Une organisation qui rassure certains parents, comme Abdel, papa de Layla, qui est entraînée par Alexis. Il se dit confiant à laisser sa fille au gymnase tous les mercredis.

“On ne peut pas rentrer dans une psychose. Elle pourrait se poser des questions sur pourquoi on est toujours là, etc. Cela lui forge une liberté.”

Dans ce club familial de 80 licenciés, les règles sont implicites.

Le président du club, Claude Benhamou, suit la même “politique” depuis qu’il encadre du basket :

J’ai donné l’ordre à tous les coachs de ne jamais parler seul à une fille. Si on a besoin de parler avec une joueuse, il y aura toujours un parent ou un autre adulte.”

Même consigne dans les vestiaires, où une personne du même sexe que les joueurs est toujours présente si l’encadrant est du sexe opposé.

Les clubs se sont donc prémunis contre tout quiproquo, en amont des récentes révélations de violences sexuelles dans le milieu sportif.

Les entraînements individuels, “zones grises” des rapports entraîneurs/sportifs sont plutôt rares au niveau amateur, voire évités.

Claude Benhamou précise :

“Je suis contre les entraînements individuels. Si un coach veut expliquer quelque chose qu’une fille n’a pas compris ou lui faire perfectionner un truc, ce sera pendant un autre entraînement, dans la salle, devant tout le monde.”

Face aux multiples affaires d’agressions sexuelles et de pédophilie dans le sport, les clubs amateurs redoublent de précaution et mettent en place des mesures.

“Le contact physique est à éviter”

Que l’on soit une femme ou un homme pour entraîner des enfants changent la donne.

Aude, 20 ans, se voit plutôt comme “une grande sœur” avec les joueuses.

Rien qui n’empêche cependant de garder une certaine distance :

“Je fais attention à ne pas leur sauter dans les bras. Je les laisse plus venir à moi. Lors des entraînements, je les déplace en les prenant par l’épaule.”

Là où Alexis prendra plus de précautions :

“Je pose toujours la question aux filles de savoir si je peux me permettre de les déplacer. Elles ont le droit de dire non ou oui.”

Il ajoute :

“Je ne mets pas mes mains n’importe où, je les prends par les épaules. C’est un réflexe inné.”

Interrogé à ce sujet, les deux jeunes – parce qu’ils sont bénévoles – n’ont pas eu à présenter d’extrait de casier judiciaire vierge mais ils connaissent la manière de gérer des enfants pour éviter tout problème.

Aude, en troisième année de STAPS (filière sport à l’université), a eu beaucoup de cours sur la différence de genre.

“En gym, on apprend à parer, à éviter que la main ne ripe et que l’enfant n’aille raconter des choses derrière. Et on apprend la manipulation pendant les cours de sport.”

Des entraîneurs, Emmanuel David en forme très régulièrement. Le responsable de l’école d’athlétisme du Dijon université club (DUC), principal club d’athlétisme sur Dijon, a sous sa coupe une quinzaine de stagiaires issus de la filière STAPS, qui seront ensuite amenés à donner les entraînements aux 500 enfants que comptent le club sportif.

“Le message que j’essaie de leur faire passer est qu’il n’y ait jamais aucun contact physique entre enfants et encadrants. Sur les postures d’étirement ou de placements, le contact physique est à éviter. C’est mieux de montrer sur soi.”

Et n’est pas coach qui veut, même si on peut distinguer deux catégories : les bénévoles (comme Aude et Alexis) et les salariés.

Concernant ces derniers, le ministère des Sports explique que :

“Tout éducateur désirant enseigner, animer, encadrer ou entraîner, contre rémunération, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, doit se déclarer auprès de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ou direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de son lieu d’exercice.”

Cette démarche permet ainsi d’obtenir une carte professionnelle, indispensable pour exercer. Pour l’obtenir, il faut notamment joindre ses diplômes et un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois mois. Une copie de ce document, dont le renouvellement doit être réalisé tous les cinq ans, ainsi que celle du diplôme de l’animateur doivent être affichés afin d’être visibles de tous. On peut d’ailleurs aussi trouver les détenteurs de la carte en ligne.

L’une des mesures classiques adoptées par les clubs est celle du règlement intérieur. Dans le sien, l’Alliance Dijon natation a consacré une partie spécifique pour la “protection des nageurs”, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes.

Le document stipule notamment que :

“les vestiaires et les douches des nageurs doivent rester des espaces réservés aux seuls nageurs”.

Le club utilise les locaux de la piscine du Carrousel. Avant les travaux, quand la piscine était encore publique, on se changeait dans des cabines individuelles. Depuis septembre, celles-ci ont laissé place à des vestiaires collectifs.

La direction a choisi de les diviser en plusieurs catégories avec un vestiaire spécialement dédié pour les mamans et leurs filles et un pour les mamans et leurs garçons, un vestiaire pour les papas et leurs filles et un pour les papas et leurs garçons, en plus d’un vestiaire adulte féminin et un masculin.

Une organisation qui s’est imposée au vu des nouveaux locaux afin d’ “identifier le public et de ne pas avoir de mélange ou de tentation dans les vestiaires”, détaille Bryan Grandjean, directeur général du club qui était auparavant entraîneur au club de Besançon.

Tout juste arrivé à son poste, celui-ci envisage de faire de la prévention.

Bryan Grandjean témoigne :

“Il faut respecter une distance tout en restant proche, dans une relation entraîneur-entraîné, surtout maintenant.”

Source : francetvinfo.fr

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