Espagne | Le scandale des « bébés volés » enfin devant la justice

Des milliers d’enfants espagnols ont été soustraits à leurs parents biologiques et déclarés morts

Le Dr Vela est le premier prévenu à comparaître dans ce scandale, public depuis plus de trente ans. Plusieurs dizaines d’anciens bébés volés réclamaient justice hier devant le tribunal de Madrid où il comparaissait.

Plusieurs milliers d’enfants ont été soustraits à leurs parents durant la dictature franquiste, avec la complicité de l’Église. Après des décennies de silence, un premier procès s’est ouvert hier à Madrid.

C’EST un combat pour la vérité, autant qu’une course contre la montre. Le procès d’Eduardo Vela, un ancien directeur de clinique, s’est ouvert hier à Madrid.

Âgé de 85 ans, l’ancien patron de la clinique San Ramón a bien tenté de faire reporter l’audience pour raison de santé. En vain.

Le procès d’un système

Davantage que le procès d’un homme, c’est celui d’un système qui s’est ouvert hier. Pendant plusieurs décennies, des milliers d’enfants espagnols ont été soustraits à leurs parents biologiques. Déclarés morts, ils étaient en réalité adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime « national-catholique » imposé par Franco.

Mais le trafic a perduré sous la démocratie, jusqu’en 1987 au moins, avec la complicité de l’Église catholique.

Après la guerre civile (1936-1939) et la victoire des franquistes, l’objectif était de punir les opposantes accusées de transmettre le « gène rouge » du marxisme, décrypte Soledad Luque, présidente de l’association « Tous les enfants volés sont aussi mes enfants ».

Les bébés de ces mères républicaines, dont certains issus de viols, leur ont été dérobés. À partir des années 1950, les autorités ont capturé des bébés issus de familles pauvres, ou nés hors mariage.

Le témoignage accablant d’une mère

Inés Madrigal fait probablement partie de ceux-là. Le 6 juin 1969, elle a été confiée par Eduardo Vela à sa mère adoptive. L’obstétricien a également falsifié l’acte de naissance.

Des détails ont été exposés par la mère adoptive d’Inés Madrigal, que sa propre fille a cité à comparaître afin de traduire en justice le Dr Vela.

« On m’a dit que c’était la fille d’une femme mariée qui avait eu une liaison pendant l’absence de son mari […] Vela a parlé d’elle avec beaucoup de mépris et a répété qu’elle venait d’Estrémadure », témoignait Inés Pérez en janvier 2011 dans les colonnes d’ El Pais.

Deux ans plus tard, elle a réitéré ses accusations devant la cour d’Almeria. La vieille dame, décédée depuis, est une des rares mères adoptives à avoir brisé la loi du silence.

Malgré l’ampleur du scandale, révélé par la presse au début des années 80, quasiment aucune poursuite n’a été engagée. Plus de 2 000 plaintes ont pourtant été enregistrées dans toute l’Espagne. La proximité entre l’Église et une partie de la magistrature a freiné les procédures.

Et les protagonistes commencent à disparaître, à l’image de Maria Gomez Valbuena. Souvent décrite comme la cheffe d‘orchestre du trafic dans la capitale, la religieuse est décédée en janvier 2013 quelques mois avant son jugement.

Eduardo Vela, dont le nom est régulièrement cité par les associations, devra, lui, s’expliquer. Pas certain que les « bébés volés » y trouveront leur compte. L’octogénaire a affirmé hier ne pas se souvenir d’avoir signé l’acte de naissance frauduleux d’Inés Madrigal.

Son procès doit s’achever aujourd’hui. Le procureur a requis onze ans de prison pour enlèvement d’enfant et falsification de documents officiels.

Source : dna.fr

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