Clermont-Ferrand | Condamné à 4 ans avec sursis pour une série d’agressions sexuelles, vingt-sept ans après les faits

Le tribunal de Clermont-Ferrand s’est penché ce lundi sur une série d’agressions sexuelles datant du début des années 90. Les magistrats ont écarté la prescription et condamné le prévenu.

Avant même d’évoquer le fond du dossier, la question a été longuement débattue : un homme peut-il répondre devant la justice de faits survenus « entre 1990 et 1994 », mais seulement dénoncés en 2014 ?

Non, selon la défense.

Oui, pour la partie adverse et le parquet, qui invoquent la loi Perben 2.

Ce texte, voté en 2004, a porté le délai de prescription pour les agressions sexuelles commises sur des mineurs « par personne ayant autorité » à vingt ans, à compter de la majorité de la victime.

L’intéressée, dans le cas soumis au tribunal, a eu 18 ans en 2000.

Conclusion du ministère public et de la partie civile : la plainte pouvait intervenir jusqu’à 2020.

Ce que confirmeront les juges, en écartant la nullité réclamée par la défense.

Attouchements « répétés » pendant son enfance

Place, donc, aux faits.

Dans le témoignage qu’elle livre aux gendarmes de Pontgibaud en 2014, la plaignante évoque des agressions sexuelles « répétées » pendant son enfance, dans les Combrailles.

Celui qu’elle charge si tardivement est un oncle par alliance.

« Gamine, je passais beaucoup de temps chez lui, raconte cette femme de 35 ans.

Il m’a appris à chasser et à pêcher.

Quand on était tous les deux, il me touchait les seins, me prenait la main pour la mettre sur son sexe en érection.

C’était n’importe où, n’importe quand.

Et souvent ».

Un jour, le prédateur l’aurait même « plaquée au sol ».

« Il a essayé de m’embrasser, tout en sortant son sexe.

J’étais totalement bloquée.

Heureusement, mon petit cousin est arrivé… »

« Tout ça c’est faux, c’est des mensonges », balaie le prévenu, un quinquagénaire râblé et taiseux.

L’homme, déjà visé dans le passé par deux procédures pour des exhibitions sexuelles, dénonce à mots couverts un « complot » monté de toutes pièces.

Un mystère, forcément, subsiste : pourquoi celle qui l’accuse a-t-elle tant attendu avant de parler ?

« Comme souvent chez ces toutes petites victimes (elle avait alors entre 8 et 12 ans, NDLR), le traumatisme reste tu, enfoui, caché, jusqu’à ce qu’un déclic survienne », avance Me Dupoux pour la partie civile.

La trentenaire évoque justement un épisode survenu en 2009.

« C’était les 50 ans de ma mère.

Mon oncle est venu vers moi pour trinquer.

Il s’est assis et m’a dit : “sans rancune”.

Ça a fait remonter beaucoup, beaucoup de choses ».

« Je suis sidérée par la façon dont l’enquête a été menée, rétorque Me Habilès, le conseil du prévenu.

On nous parle d’un événement déclencheur en 2009, mais la plainte est déposée cinq ans après !

C’est l’exemple type du dossier mené à charge et totalement vide.

Il n’y a pas le moindre élément de preuve ».

Quatre ans de prison assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve

Hervé Lhomme, pour le parquet, et Me Dupoux, pour la victime, brandissent en retour l’expertise psychologique de la jeune femme.

Il y est question d’un « état post-traumatique chronique associé à un état dépressif compatible avec des atteintes sexuelles », d’une « souffrance psychique significative » et d’une absence d’affabulation.

« Ma cliente est d’une grande sincérité.

Ce qu’elle raconte, c’est ce qu’elle a vécu », soutient Me Dupoux.

La sanction tombe : quatre ans de prison intégralement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant trois ans, comprenant l’interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Le prévenu est désormais inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

« Si je fais tout ça aujourd’hui, ce n’est plus pour moi, avait lâché la trentenaire quelques minutes avant la fin des débats.

Je le fais pour les fillettes qui sont toujours dans son entourage.

Je sais qu’il en côtoie encore ».

Stéphane Barnoin

Source : La Montagne

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