La Réunion | Un père incestueux relaxé des faits d’agressions sexuelles sur sa fille de 6 ans

Un père de famille était poursuivi jeudi devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre pour agression sexuelle sur deux de ses enfants, à plus de 20 ans d’intervalle. Des faits qu’il a toujours niés.

À la barre, il y a un père au visage marqué.

“Je ne reconnais pas les faits qui me sont reprochés. Le seul fait que j’ai vécu, c’est celui qui a déclenché tout ce qui m’arrive”, lâche-t-il.

Le “fait” en question : un bain partagé avec son fils Julien (*), qui avait 12 ans à l’époque.

C’était en 1991.

Lors des interrogatoires, le papa évoque “des économies d’eau” pour justifier ces bains pris en famille.

Ce soir-là, il se souvient avoir “taquiné” son fils en lui touchant le sexe avec le pied, de façon furtive.

Si Julien ne peut pas affirmer avoir éjaculé, il se souvient de mouvements insistants qui l’ont amené à prendre du plaisir.

Julien parle aussi d’une fellation que son père lui aurait faite dans sa chambre “au moment des câlins du soir”.

Sur ce point, le père a toujours nié et continue à le faire à l’audience.

D’ailleurs, ajoute-t-il, “d’une façon générale, je n’entrais pas dans sa chambre pour lui faire des câlins”.

Assis dans la salle auprès de sa compagne, Julien se lève pour témoigner à son tour.

Le jeune homme à lunettes, les cheveux attachés en catogan dans la nuque, tremble de toute sa grande carcasse, mais son ton est ferme.

“Ce que j’ai subi, je l’ai subi.

Et il y a eu des câlins du soir.

Il y a eu des bisous sur la bouche pour nous dire bonne nuit.

Ce soir-là, il m’a demandé si c’était mon doigt qu’il prenait dans la bouche, et j’ai répondu oui.

C’était mon sexe.

Il a pris mon sexe dans sa bouche”.

Cette parole, Julien a mis des années à la libérer, comme l’explique son avocate maître Béatrice Fontaine.

C’est en 1998, soit sept ans après les faits, qu’il parvient à en parler pour la première fois à sa petite amie de l’époque, aujourd’hui devenue sa femme.

“Et en 2008, au moment de la naissance de leur premier fils, la véritable bombe à retardements éclate, sous forme de cauchemars, de flash-back”, relate Me Fontaine.

“Aujourd’hui encore, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie personnelle, ces faits continuent à agir comme une bombe à fragmentation”, a-t-elle plaidé.

Les expertises psychologiques comme psychiatriques font état d’un syndrome post-traumatique avéré, d’une grande fragilité psychique, de souffrances visibles, de graves dysfonctionnements, de tendances suicidaires, de dépression.

Marie (*), une des deux sœ“urs de Julien, révèle avoir aussi subi des “caresses” de son père, sous forme de “jeux”.

C’était aussi au moment du coucher.

Son père lui a caressé le sexe avant de le lécher, sans aucune violence.

Pour Marie, les faits sont prescrits, mais ils viennent appuyer le témoignage de Julien.

Morgane (*), la troisième sœ“ur de la fratrie n’a de son côté aucun souvenir de ce type.

Julien essaie d’en parler à son père.

Mais entre-temps, celui-ci a divorcé de leur maman, et il a refait sa vie.

Sa nouvelle femme est persuadée que toute cette histoire a été inventée par les enfants pour se venger de leur père.

En 2013, Julien voit un psychologue depuis plus de 10 ans mais il continue à traîner son mal-être.

Aussi, il s’inquiète pour sa demi-sœ“ur Lola (*), née du deuxième mariage de son père.

Et si elle subissait le même sort que lui et Marie ?

Julien en parle à l’association “L”enfant bleu”, à Bordeaux où il vit.

S’ensuit un signalement, puis une enquête diligentée par le conseil général, qui alerte le parquet, et une information judiciaire est finalement ouverte.

Entre-temps, le papa a emménagé au Tampon, à La Réunion, avec sa nouvelle femme, les deux enfants de celle-ci, et la petite Lola.

Quand Lola est entendue par les gendarmes en 2015, elle a 6 ans.

Au cours d’une longue discussion sur ses relations avec son père, elle évoque une fois, quand elle avait 4 ans, où son père l’a réveillée en pleine nuit en lui caressant “la chouchoute”.

“ç‡a m’a fait des guilis”, ajoute-t-elle.

“Papa savait que c’était pas bien, mais c’était pour rigoler”.

Un témoignage précis et troublant de ressemblance avec celui de sa demi-sœ“ur, des dizaines d’années plus tôt, comme le souligne maître Nathalie Pothin, l’avocate désignée par l’aide aux victimes comme administrateur ad hoc de la petite fille.

Concernant Lola, le père nie à nouveau.

Il raconte qu’elle fait pipi au lit et qu’à l’époque des faits qui lui sont reprochés, il avait pour habitude de se réveiller deux fois par nuit pour la transporter aux toilettes et la faire uriner.

Peut-être fait-elle référence aux fois où il l’essuyait alors qu’elle était à moitié endormie ?

Maître Ghislain Chung To Sang, l’avocat du père, met en avant le rapport psychologique de Lola faisant état d’une petite fille équilibrée, ne souffrant pas de syndrome post-traumatique.

Aussi, il se dit troublé par le témoignage qu’elle n’a prononcé qu’une seule fois devant les gendarmes.

“À toutes les questions ou presque, elle a répondu par oui ou par non, et là nous avons ce long paragraphe dans lequel elle décrit ces faits” !

Y aurait-il eu d’autres questions de la gendarme chargée de l’interrogatoire, qui auraient pu orienter les réponses de Lola et qui n’ont pas été retranscrites ?

Marie, qui avait fait le voyage de Bordeaux avec son conjoint pour accompagner son frère, n’a pas parlé à l’audience : comme elle n’était pas citée comme témoin, la défense a refusé de la laisser témoigner, ce qui est conforme à la procédure.

En larmes dans la salle, elle a suivi les débats en silence.

Le papa a finalement été relaxé pour les faits concernant la petite Lola, et condamné à 5 ans de suivi socio-judiciaire, avec injonction de soins, pour les faits concernant Julien.

Source : Clicanoo

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