France | Le danger du New-Age dans les milieux scolaires

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Quelles sont concrètement les nouvelles pratiques qui s’installent dans les salles de classe ?
Le New Age, agrégat de pratiques ésotériques et de pseudo-soin, s’installe de plus en plus dans notre quotidien…mais aussi dans celui des enfants.

A l’heure de la rentrée, l’« Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de secte » alerte sur sa présence dans les salles de classes.

Marie Drilhon, vice-présidente de l’association, nous explique les mécanismes d’infiltration dans le milieu scolaire.

Charlie Hebdo : Vous alertez sur l’irruption de pratiques new age et pseudoscientifiques dans les écoles.

Mais du féminin sacré au channeling, le New Age est un grand fourre-tout.

Quelles sont concrètement les nouvelles pratiques qui s’installent dans les salles de classe ?

Marie Drilhon, vice-présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de secte : On en retrouve plusieurs et elles prennent souvent la forme d’activités extrascolaires ou sportives.

Actuellement, celle qui rentre le plus dans les écoles, c’est la méditation en pleine conscience, appelée aussi “mindfulness”.

C’est une pratique issue d’un bouddhisme occidentalisé, passé par les États-Unis.

On va travailler le souffle et prêter attention au moi, ici et maintenant tout en véhiculant une vision du monde idéologique qui peut nuire à l’enfant.

On trouve aussi d’autres pratiques comme le reiki, le yoga ou encore la communication non violente, qui est quand même très chargée symboliquement.

Pourtant, apprendre à se relaxer et à respirer sereinement, ça n’a pas l’air si nocif.

Quels sont les risques pour les enfants exposés à ces pratiques dans le cadre scolaire ?

D’abord, même si l’intention peut être très bonne, la méditation ou le reiki peuvent ne pas convenir à tous les profils d’enfants.

Ce sont des pratiques qui renvoient beaucoup l’enfant à lui-même et il existe, pour moi, un risque de le culpabiliser sur ce qui ne va pas dans sa vie.

Ça peut créer du stress, de l’angoisse et même de la peur, d’autant que ces méthodes ne sont pas issues de la recherche scientifique même si elles utilisent un vocabulaire qui prête à confusion.

Ensuite, si on parle de la méditation en pleine conscience, apprendre à respirer, se concentrer, etc., on n’est pas obligé d’appeler ça « méditation ».

C’est un terme très marqué idéologiquement, même si ça n’en a pas forcément l’air.

Les consignes et le choix des mots véhiculent une vision du monde qui peut éloigner l’enfant de la réalité.

Je ne dis pas que tous les enfants vont finir par y adhérer mais il y a un risque, une porte ouverte.

Une porte ouverte dans un état laïque comme le nôtre et dans les écoles publiques, c’est un peu surprenant.

Comment ces mouvances parviennent à s’infiltrer à l’école ?

En général, il y a deux cas de figure.

Le plus fréquent, et c’est là où je tiens à insister sur le côté « bonnes intentions », c’est qu’un membre de l’équipe pédagogique l’introduise dans l’école, souvent parce qu’il est lui-même pratiquant et qu’il considère que c’est enrichissant.

Les profs de sport, par exemple, qui proposent des cours de yoga ou de reiki, mais aussi d’autres enseignants ou même des CPE.

On a eu le cas dans deux collèges aux alentours de Perpignan.

La CPE et une des professeurs avaient organisé des sessions de shindaï-do en le présentant comme un art martial ancien.

Ce n’est pas faux, mais c’est aussi une pratique qui est très proche du mouvement FIMB (« Femme internationale murs brisés »), qui est à risque sectaire.

Je pense qu’elles l’ont fait parce que, pour elles, ça avait été une expérience très positive mais ça n’est pas adapté au cadre scolaire.

C’est pour ça qu’avec l’Unadfi, on martèle que ce n’est pas parce qu’une pratique a été bénéfique à quelqu’un qu’il doit tenter de la généraliser.

Et le deuxième cas ?

C’est via le tissu associatif. Des groupes externes démarchent les écoles et proposent des ateliers.

En théorie, pour intervenir en milieu scolaire, il faut avoir un agrément délivré par l’État mais localement et avec l’aide de certaines connexions, des associations qui n’ont pas leur place à l’école réussissent à être accueillies dans des établissements scolaires.

On surveille notamment l’un de ces groupes, qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers temps et qui affirmait, deux ans plus tôt, être intervenu devant une vingtaine de milliers d’enfants depuis 2015.

Et tout ça, c’est sans parler des écoles privées, qui sont, on l’imagine, moins encadrées.

Côté écoles privées sous contrat, il n’y a pas beaucoup plus de risques.

L’école a le droit de proposer un projet éducatif idéologique, c’est le principe même du pacte.

En échange, les enseignants ont des inspections et l’application du programme national est scrutée donc les dérives moins aisées.

Ce qui est plus problématique, ce sont les écoles hors contrat.

Les écoles Steiner-Waldorf sont un très bon exemple.

Dans ce cas-là, c’est l’école entière qui est fondée sur une pensée New Age.

On a aussi l’exemple des éco-villages, qui entraînent souvent les enfants dans des schémas de pensée assez éloignés de la réalité.

Il faut quand même souligner qu’il y a eu des progrès sur ces questions pendant les deux dernières années.

Dans ces écoles là ou dans les écoles publiques, comment peut-on lutter le plus efficacement contre la diffusion de ces idées auprès des enfants ?

Souvent, les personnes auxquelles l’Unadfi vient en aide nous demandent pourquoi ces associations New Age ne sont pas dissoutes.

Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on les dissoudrait.

Dans notre pays, la liberté d’association fait loi, les gens ont le droit d’adhérer à des croyances ésotériques et de les pratiquer.

Je pense qu’il ne faut pas aller contre ça. Ceci dit, notre liberté d’association nous impose un devoir de vigilance.

Il faut réussir à faire la distinction entre ce qui est de l’ordre de la croyance et ce qui est de l’ordre de la connaissance.

Or, l’école, en tant que lieu par excellence de la transmission des connaissances, n’est pas un endroit approprié pour que s’y déploient des enseignements fondés sur des croyances.

Sinon, on brouille les frontières et c’est là que ça devient dangereux.

C’est pour ça que c’est avant tout aux parents qu’on s’adresse.

Il faut qu’ils s’interrogent sur ce à quoi sont exposés leurs enfants, qu’ils se questionnent sur la formation des intervenants, l’origine de la pratique présentée et les activités qui la composent.

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