Longueil-Sainte-Marie | Un boulanger condamné à un an de sursis pour des agressions sexuelles

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« Tiens, je me ferais bien sucer aujourd’hui ! »
Anthony M., 36 ans, artisan à Longueil-Sainte-Marie, a écopé, ce jeudi d’un an de prison avec sursis pour des agressions sexuelles sur trois employés, dont deux mineures, et avoir harcelé six membres de son équipe. Entre propos graveleux et attouchements, leur quotidien était un calvaire

Cinq des six victimes d’Anthony M. sont assises, recroquevillées sur un banc de la salle d’audience du tribunal de Compiègne (Oise).

Leur patron, boulanger à Longueil-Sainte-Marie, est à deux mètres, tête baissée.

« J’ai honte », souffle-t-il à la barre.

Parmi elles, deux adolescentes de 16 ans se tiennent la main pour se soutenir. Elles devront sortir de la salle une fois, tant l’émotion les gagne.

Tremblements incontrôlés, souffle coupé, larmes…

Elles peinent à revivre leur calvaire mais veulent que cela se sache, parce qu’« il ne faut pas que ça recommence ».

Ce jeudi 24 octobre, vers 23h30, cet homme de 36 ans a été reconnu coupable de corruption de mineur, d’agression sexuelle sur trois de ses salariés et de harcèlement sexuel sur six employés au total depuis 2022.

Lana et Julie (les prénoms ont été modifiés) ont 15 ans quand elles deviennent apprenties dans cette boulangerie.

Julie est fragile, a fait une tentative de suicide à la suite de faits de harcèlement scolaire.

En octobre 2023, cette nouvelle vie professionnelle est un soulagement, une renaissance.

Elle voit en son patron un confident.

« Tiens, je me ferais bien sucer aujourd’hui ! »

Mais rapidement, l’atmosphère potache devient malsaine.

Son responsable fait sans cesse « des blagues de cul » avec un ami salarié.

Quand une cliente plutôt jolie se présente au comptoir, ils crient « sans sel ! », un code pour commenter son physique.

Quand le gérant arrive dans la boutique, il lui arrive de lancer :

« Tiens, je me ferais bien sucer aujourd’hui ! »

Il parle de ses fantasmes aussi… Puis, les paroles laissent la place aux actes.

C’est en février que les attouchements commencent pour Julie.

Lana, elle, les vit déjà, les endure pour ne pas perdre sa place, a peur de ne pas être crue.

Mais surtout, elle veut protéger Julie. Ensemble, elles feront front.

Mais dès qu’elles se penchent, le boulanger leur palpe les fesses avec ses mains, la pointe d’un couteau, un chalumeau chaud.

Il se frotte contre elles aussi, les enferme dans la chambre froide « pour plaisanter », les regarde de façon appuyée en leur disant :

« Dommage que tu n’aies pas 18 ans ».

 

« Ils nous épiaient quand on se changeait dans l’annexe, relate Lana. Il m’a demandé de parler de ce que je faisais avec mon petit copain, me demandait si je savais ce qu’est un 69, me réclamait des strings usagés. »

Quand il lui touchait les seins, il disait que ce n’était « pas grave parce que tu n’en as pas ».

Gustave, 24 ans, (le prénom a été modifié) a lui aussi subit ces agressions sexuelles depuis le 1er janvier 2022.

« Si j’étais proche, il soulevait mes parties intimes. Il rigolait, disait qu’il jouait à chat-bite. »

Informée, la direction du centre de formation n’a pas réagi

Julie est enfermée dans cette situation nocive.

Anthony M. s’entiche d’elle.

Il lui montre une photo d’une femme nue, attachée, et lui dit qu’il ferait bien la même chose avec elle.

Pendant l’été, il lui demande de lui envoyer des photos d’elle, ce qu’elle fait, mais jamais dénudée.

Dans une conversation sur Snapchat, il lui révèle vouloir lui faire des choses qu’il ne fait pas avec sa femme.

« Mais, vous êtes mon patron… », lui écrit-elle.

C’en est trop et Julie finit par en parler à sa mère. Ensemble, elles se rendent à la gendarmerie le 4 septembre dernier.

Dans la foulée, les enquêteurs contactent le centre de formation qui a envoyé les adolescentes chez le boulanger.

Les deux codirecteurs admettent avoir été informés mais pensaient à « un coup monté », « un prétexte pour changer d’entreprise ».

Ce qui n’aurait pas dû entrer en ligne de compte.

« Ils ne les ont pas crues, mais c’est une obligation de signaler ces faits à la justice, s’est agacée à l’audience Alix Matras, substitute du procureur. Ils ont eu un jugement de valeur et un discours déconnecté de la réalité. Ils ont un devoir de protection mais n’ont rien fait. »

« Je suis allé trop loin dans mes conneries »

Quant à Anthony M., interrogé à l’audience, ce dernier dit avoir « pris conscience » des faits.

« Parler de sexe devant des enfants de 15 ans, vous trouvez ça normal ? Le curseur de la normalité, vous le placez où ? », le questionne un juge.

« Ce n’était pas malintentionné, plaide le boulanger. Je voyais mon apprentie triste, je lui disais qu’elle était jolie pour lui remonter le moral. Elle se dévalorisait. C’est allé trop loin. Je n’aurais jamais dû faire ça. »

Anthony M., dépeint comme un travailleur « sérieux et consciencieux » par son avocat, explique avoir lui aussi été harcelé dans le passé.

Il aurait reproduit involontairement ce qu’il a vécu.

« J’ai travaillé dans plusieurs boutiques et ça a toujours été comme ça en boulangerie, précise-t-il. C’est ce que j’ai connu. J’essaie de me remettre en question depuis que j’ai été placé en garde à vue. Je suis allé trop loin dans mes conneries. Je vois un psy maintenant, pour comprendre. »

Au terme de l’audience, Anthony M. a été condamné à un an de prison avec sursis.

Au cours de deux prochaines années, il devra poursuivre des soins psychologiques, effectuer un stage de lutte contre le sexisme, a interdiction d’entrer en contact avec les six victimes et devra payer des dommages et intérêts pour le préjudice qu’elles ont subi.

Désormais, le boulanger est également inscrit au Fijais, le fichier qui recense les auteurs d’infractions et de violences sexuelles.

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