Poitiers | Un pédocriminel muré dans le silence prend 18 mois de prison

Rarement procès d’un homme soupçonné d’agressions sexuelles sur mineur aura été aussi compliqué. Le sexagénaire s’est muré dans le silence.

Rien. Daniel, 61 ans, ne dit rien.

Seules les gouttes de sueur qui perlent à son front ridé trahissent une gêne.

Laquelle ?

Celle d’être face à trois femmes juges ?

Ou d’être poursuivi pour « agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans. »

A l’époque, il avait 40 ans.

La petite en avait 9.

Il se débrouillait pour se retrouver seul avec elle.

Il l’embrassait sur la bouche, il lui caressait la poitrine et les fesses.

Parfois, c’était une main sur la cuisse, sous la table, lors d’un repas.

Elle ne disait rien.

Trop peur de troubler l’harmonie familiale, disait-elle.

Treize longues années ont été nécessaires pour qu’elle mette des mots sur ces agressions… après des dépressions à répétition.

Et la dénonciation, ce n’était même pas pour elle, juste « pour protéger ses cousines ».

A l’audience, assise deux mètres derrière le sexagénaire, elle attendait -a minima – des excuses.

Rien. Daniel ne dit rien.

Ou si peu.

« Si vous ne vous expliquez pas, le tribunal fera sans », prévient la magistrate.

– J’ai beaucoup de regrets.

« Des regrets de quoi ? Est-ce que vous confirmez les agressions ? »

– Oui, je reconnais.

« Est-ce que vous mesurez l’étrangeté de cette relation entre un homme de 40 ans et une jeune fille de 9 ans ? »

– (Silence).

« J’interviens… j’ai l’impression d’être le décodeur de Canal +, lance son avocat. Monsieur, expliquez pourquoi ce n’est pas normal ? »

– (Silence).

« Vous savez, Monsieur, il est très important que vous vous expliquiez, surtout pour la jeune femme. Il ne suffit pas de prendre racine devant le tribunal », insiste la présidente.

– (Silence)

La procureure tente la méthode dure : « Pourquoi avez-vous touché cette enfant ? »

– Je ne sais pas.

« D’autres enfants ont-ils été touchés ? »

– Non.

« Alors pourquoi elle ? »

– Je ne sais pas.

« A votre avis, d’autres jeunes femmes vont-elles parler (NDLR. : une autre plainte aurait été enregistrée début août) ? »

– Je ne sais pas.

L’expert psychiatre parle d’un « sujet simple, à l’existence atone, qui vit au sein d’un clan familial qui domine tout. »

Curieusement, il n’évoque pas de comportement pédophilique.

« Je ne suis pas d’accord avec les conclusions de l’expert, reprend la procureure qui plonge son regard bleu acier dans les verres à double foyer du prévenu.

Un homme de 40 ans qui agresse un enfant de 9 ans est un pédophile.

Il y a des gens que le remord empêche de dormir.

Pas lui.

Ce n’est pas aux victimes d’avoir honte. »

Le conseil de Daniel tente ce qu’il peut :

« Ce sont des attouchements sur les vêtements et il a émis des regrets… »

Pas suffisamment au goût des juges :

18 mois de prison, un sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans, interdiction d’entrer en contact avec des mineurs, l’inscription au fichier des délinquants sexuels (Fijais), l’obligation de soins et d’indemniser la victime : 2.000 € de dommages et intérêts.

Xavier Benoit

Source : La Nouvelle République

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