Belgique | Un article sur le Syndrôme d’Aliénation Parental

L’aliénation parentale: un concept dangereux

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L’aliénation parentale est une théorie qui date des années 80 et qui très critiquée par les associations féministes belges, françaises, italiennes et canadiennes. (WP: et bien avant par les associations de protection de l’Enfance)

“Lorsque, après une séparation, un enfant refuse de rencontrer le parent auquel il n’a pas été confié – généralement le père – en disant qu’il en a peur, et qu’il est soutenu par sa mère, on évoque alors le Syndrome d’aliénation parentale (SAP)”,

écrivent les autrices Patrizia Romito et Micaela Crisma dans un texte intitulé “Les violences masculines occultées : le syndrome d’aliénation parentale“.

Les femmes sont des menteuses

Selon un article du magazine axelle sur les enfants exposé.es aux violences conjugales, cette “aliénation” viendrait du fait que les femmes transmettraient leurs angoisses à leurs enfants qui en viendraient à croire ce qu’elles disent et à développer une vision négative des pères.

“Cette théorie est non fondée scientifiquement et pourtant les magistrats, psychologues, etc. sont formés par des hommes qui la propagent comme Hubert Van Gijseghem”,

analyse Marie Denis, psychologue et cofondatrice de l’Observatoire francophone des violences faites aux femmes, pour le magazine axelle.

“L’idée derrière, c’est que les femmes manipulent les enfants pour recevoir la garde exclusive et une pension alimentaire. C’est vrai qu’en Belgique, le montant de la pension alimentaire permet de se payer des vacances au soleil !”,

continue-t-elle.

Cette théorie s’est propagée en même temps que le mythe des fausses plaintes pour violences conjugales lors des séparations. Pourtant,

“les dénonciations de violences faites en phase de séparation ne sont pas fréquentes et elles sont très rarement fausses”,

précise Patrizia Romito dans son texte.

Dangereux pour les mamans et les enfants

Le 26 avril 2018 s’est tenu le Forum “L’aliénation parentale : une menace pour les femmes et les féministes?” à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). 13 conférenciers et conférencières ont pris la parole afin de présenter les recherches les plus récentes et leurs principaux constats quant à ce phénomène.

Outre le manque de fondement scientifique de cette théorie, d’autres constats ont été présentés par les chercheuses et les chercheurs, notamment le fait que

“l’aliénation parentale est un concept qui invalide, nie et occulte les propos et les craintes exprimés par les femmes et les enfants face à la violence des hommes”.

Selon les expert.e.s également,

“L’utilisation du concept est rendue possible en grande partie par la non-compréhension et par le manque de reconnaissance de la violence des hommes à l’endroit des femmes et des enfants (…)”.

Des femmes perçues comme “aliénantes”

“Les experts belges, français et québécois, ainsi que les intervenantes en maison d’hébergement ont été à même de constater que des hommes violents se sont vus octroyés une garde partagée ou encore une garde exclusive des enfants sur la base des comportements “aliénants” de la mère. Des femmes victimes de violence conjugale qui tentent de protéger leurs enfants peuvent ainsi, lorsque la situation est comprise sous l’angle des conflits sévères de séparation, être perçues comme “aliénantes” et ainsi, perdre la garde de leurs enfants. Ceci a également été documenté dans le cadre de recherches menées au Québec”,

notent Isabelle Côté et Simon Lapierre dans le rapport de recherche consacré à cet événement, publié en février 2019.

Le rapport se conclut par ces mots :

“Compte tenu des enjeux significatifs pour la sécurité des femmes et des enfants, nous demandons que le terme “aliénation parentale” ou tout vocable lui faisant référence ne soit plus employé dans les services sociaux et judiciaires au Québec”.

En France, l’utilisation de ce concept est déconseillée, via la publication d’une fiche sur le site du Ministère de la justice.

Un concept à l’historique controversé

Dans une publication de la Fédération Wallonie-Bruxelles, intitulée “Un enfant exposé aux violences conjugales est un enfant maltraité“, un paragraphe est consacré à l’aliénation parentale. On y apprend qu’historiquement, le concept a été développé par le psychiatre américain Richard Gardner qui est lui-même controversé.

“Sur le plan politique, Gardner a activement œuvré pour l’abolition du signalement obligatoire d’agressions sexuelles sur mineurs. (…) Les écrits de Gardner suscitent également la controverse dans la mesure où cet auteur défend ouvertement la pédophilie et minimise l’inceste. En effet, Gardner estime que les relations sexuelles entre adultes et enfants font partie du répertoire naturel de l’activité sexuelle humaine et qu’elles seraient saines et bénéfiques pour les enfants”,

écrit la Fédération Wallonie-Bruxelles.

“Actuellement, le phénomène de l’instrumentalisation de l’enfant est de plus en plus nommé et réduit à “l’aliénation parentale” ; un processus au cours duquel l’enfant devient un instrument dans la lutte conjugale. Un parent “monte” son enfant contre l’autre parent, au point que l’enfant en perde tout jugement critique et rejette cet autre parent sans autre raison apparente que l’aliénation. Aux États-Unis et au Canada, ce concept a souvent été invoqué par des pères jugés pour abus sexuel sur leur enfant pour se disculper et incriminer la mère. A noter que la définition de ce phénomène est critiquable, vu l’historique de son émergence et son absence de base scientifique”,

peut-on y lire.

Or,

“Dans les situations de violence conjugale où le couple se sépare, on constate fréquemment que le parent auteur des violences – le plus souvent le père – tente, au travers des enfants, de reprendre le pouvoir sur la situation et sur son ex-partenaire et d’ainsi poursuivre la violence conjugale”,

toujours selon la même publication.

Et en Belgique ?

Malgré ses conséquences, le terme continue à être utilisé. Dernier exemple en date, ce 25 avril : Koen Geens (CD&V), vice-Premier ministre et ministre de la Justice, a mobilisé la théorie d’”aliénation parentale” dans le contexte de la crise du coronavirus et des gardes partagées des enfants qui se compliquent. Certains parents refusent en effet de remettre les enfants à l’autre parent par peur d’une contamination.

“La possibilité de déposer une plainte est un élément important dans la lutte contre l’aliénation parentale”,

a ainsi déclaré le ministre de la Justice à l’agence de presse Belga

Selon l’avocate Diane Bernard, professeure en droit à l’Université Saint-Louis, la prise en compte de plus en plus fréquente par les cours et tribunaux du concept de “syndrome d’aliénation parentale” est un problème en Belgique.

Questionné à ce sujet en février 2020 en commission Justice par la parlementaire Sarah Schlitz (Ecolo-Groen), Koen Geens a reconnu qu’une formation nommée “risque de perte de lien entre parent et enfant, à savoir aliénation parentale” a été organisée en mai 2019 à l’intention des magistrat.es.

Il est d’autant plus problématique de lire cette théorie dans une interview du ministre de la Justice quand on connait la réalité des violences conjugales dans le contexte du confinement.

En Belgique, depuis le début du confinement, les lignes d’écoute pour les victimes de violences conjugales sont saturées. Le nombre d’appels au 0800/30.030 (Écoute violences conjugales) a doublé. En Flandre, le 1712 fait état d’une augmentation de 70% des appels entre la première et la quatrième semaine de confinement.

Ce 25 avril, par ailleurs, était la “journée de l’aliénation parentale”. Il y a peut-être d’autres choses à visibiliser ce jour-là.

Source : rtbf.be

Extrait d’une chronique de Camille Wernaers

 

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