Nord | Six ans de prison requis contre Julien M. dans l’affaire de L’ASE du Nord
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 02/12/2025
- 20:01
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Seul contre tous.
Un an après sa condamnation à six ans de prison, Julien M. est de nouveau jugé, ce jeudi 20 novembre, par la cour d’appel du Cher à Bourges.
Des 19 condamnés en première instance, pour des faits allant de l’accueil sans agréments d’enfants confiés par l’aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord, jusqu’à des violences diverses, il est le seul à avoir fait appel.
Il est aussi celui que tous ont présenté comme le chef de file, la tête pensante de ce réseau illégal.
Lui-même se qualifiant, à l’époque, de “coordinateur général” de l’association.
D’un simple “coup de main” donné à ses parents, qui accueillaient des enfants placés au début des années 2010, jusqu’à coordonner sa propre structure, Julien M. a vu passer plus d’une soixantaine de jeunes.
D’abord en tant qu’accueillant, pour finalement industrialiser la prise en charge en 2016 et 2017, en sollicitant des familles dans l’Indre, la Creuse et la Haute-Vienne.
Le tout sans aucun agrément officiel, et sans déclarer un seul centime des 630 000 euros reçus de l’ASE du Nord.
La fraude fiscale ? L’absence d’agrément ? Julien M. les reconnaît.
“C’était une erreur, confesse-t-il. Mais j’ai essayé d’aller aux impôts !”
“Vous n’avez pas dû essayer très fort”, raille la présidente.
Mais s’il a fait appel, c’est qu’il nie l’intégralité des violences, aussi nombreuses que variées, dont l’accusent plusieurs anciens enfants placés.
“L’encadrement de jeunes difficiles ne s’improvise pas”
La présidente du tribunal, Emmanuelle Fredon, aura beaucoup tenté, pour lui arracher des semblants d’aveux.
Comme sur un épisode rapporté par l’un des adolescents.
Julien M., lors d’une soirée alcoolisée, l’aurait saisi par la gorge, soulevé et asphyxié, avant de lui uriner dessus.
“Pendant votre garde à vue, vous avez reconnu lui avoir mis un doigt sur la gorge, et vous dites que vous avez pu lui uriner dessus mais que vous ne vous en souvenez pas.”
Mais Julien M. joue le tout pour le tout.
“Jamais, Madame la présidente.”
De la même manière qu’en première instance, devant le tribunal correctionnel de Châteauroux en octobre 2024, Julien M. a nié les coups de poing, les coups de pied, les gifles, les claques rapportés par plusieurs jeunes et, parfois, corroborés par des familles d’accueil.
Des témoignages “nombreux et concordants”, souligne la présidente.
Tout juste reconnaît-il, dans les mêmes mots qu’en 2024, des “recadrages” destinés à calmer des jeunes “particulièrement difficiles”.
“Une petite tape derrière la tête pendant que je le tenais par l’épaule”, reconnaît-il du bout des lèvres.
Une excuse pas entendable pour la présidente :
“Monsieur, vous pouvez dire beaucoup de choses. Ce sont des choses qui ne s’improvisent pas. On ne s’improvise pas en spécialiste de séjours de rupture, d’encadrement de jeunes difficiles. Ce pour quoi vous n’avez aucune expertise. Un fonctionnement associatif en lien avec l’enfance en danger réclame de la rigueur.”
Durant toute son audition de près de deux heures, Julien M. n’a pas pu se souvenir.
Un jeune rapporte avoir été menacé par un couteau, et par un briquet et un aérosol près du visage.
“Jamais de la vie.”
Un autre dit que le prévenu lui a serré les testicules.
“Non Madame la présidente.”
“Comment vous expliquez ces détails donnés par les jeunes ?”
“Je ne sais pas…”
Un autre a été victime d’un surdosage d’anxiolytiques et de neuroleptiques, après une falsification d’ordonnance pour laquelle Bruno C., bras droit de Julien M., a été condamné en première instance.
“Qui lui administrait ces surdosages”, lui demande la présidente.
“Ce qui est certain, c’est que ce n’était pas moi !”
“Narcissique”, “manque d’empathie”
Ces dénégations ne convainquent guère l’assistance, moins garnie que lors du premier procès.
Des rires légers et des soupirs ponctuent certaines déclarations du prévenu.
Quelques familles d’accueil ont fait le déplacement.
“Menteur”, souffle un homme ayant accueilli des jeunes, lorsque Julien M. nie encore une fois avoir donné des gifles.
La présidente passe brièvement en revue le profil psychologique du prévenu, en lisant un rapport d’expertise psychologique.
“Une dangerosité criminologique, une confiance en lui excessive, égocentrique, narcissique, faisant preuve d’un manque d’empathie… Je ne vais pas vous demander si vous vous reconnaissez dans ce portrait, mais est-ce que vous l’avez compris ?”
“Pas vraiment…”
Même malmené par la présidente, qui le presse de retrouver une certaine clarté, de “remettre votre esprit en place”, Julien M. garde sa ligne.
Aucune violence.
Sur le banc des parties civiles, sont assis six anciens enfants placés, visiblement abasourdis par les déclarations du quadragénaire.
Encore plus lorsqu’il conclut son propos :
“J’ai essayé de les aider, de les sortir… Peut-être que j’ai mal fait. Mais j’ai essayé de leur offrir quelque chose. L’association, c’était merdique. Mais quand ils étaient en ma présence, ils étaient toujours heureux.”
Il affirme aussi espérer que ses anciens enfants placés sont “heureux aujourd’hui, qu’ils travaillent bien”.
Pas du goût des avocats des parties civiles, qui ont pris la parole à partir de 17h20.
“J’aurais espéré des excuses sincères, des regrets, une reconnaissance de la gravité des faits qu’il a commis, lance une avocate. C’est un homme qui n’arrive pas à expliquer ce qu’il a fait, et qui est incapable d’être sincère.”
“Les bras m’en tombent, et les bras de tout le monde devraient en tomber”
Julien M. “a été baigné dans la tricherie, de gens qui font le commerce de l’accueil d’enfants sans agrément”, a balancé l’avocat général, Vincent Bonnefoy, pas tendre avec le prévenu.
“Il a une petite voix aujourd’hui, je ne sais pas s’il avait une voix aussi petite quand il parlait aux jeunes. Un accès de timidité peut-être”, brocarde-t-il.
Il le qualifie de “sournois”, “de mauvaise foi”, “vicieux et violent”.
Aucune déclaration au fisc ?
“Le rouge devrait lui monter aux joues ! Pas du tout, il est décontracté.”
L’avocat général continue de le charger sur les accusations de violences, notamment celles concernant l’adolescent s’étant fait étrangler :
“Il a dit qu’il avait commis des violences pendant la garde à vue. Puis il a dit tout tremblotant pendant l’instruction qu’il ne se souvenait pas. Et maintenant, il affirme qu’il ne les a pas commises. Comment pourrait-il avoir, tout à coup, une lumière qui s’allume au-dessus de sa petite tête pour dire qu’il est innocent ? J’ai du mal à y croire.”
“On étrangle les mineurs quand ils ne sont pas gentils… Méthode éducative de pointe !”
Il souligne encore une fois les contradictions nombreuses du prévenu pendant ses précédentes.
Les minimisations de Julien M., accusé d’avoir plongé la tête d’un enfant dans les toilettes, le prévenu reconnaissant lui avoir simplement tenu la tête juste au-dessus de la cuvette pendant qu’il tirait la chasse :
“Qu’il ne comprenne toujours pas que ce sont des violences, les bras m’en tombent. Et les bras de tout le monde devraient en tomber, y compris les siens.”
L’avocat général a requis la condamnation du prévenu sur les mêmes motifs qu’au premier procès, lors duquel “le tribunal de Châteauroux a fait juste application de la loi en condamnant le plus sévèrement” Julien M. Vincent Bonnefoy ne se dit “pas tellement étonné de son caractère narcissique et de son manque d’empathie”.
Il requiert la même peine qu’en première instance, soit six ans de prison assortis d’un mandat de dépôt.
Il ajoute que la peine d’amende de 20 000 euros, “c’est un peu cadeau : où est passé tout l’argent ? Il faut qu’il le rende”.
“Quoiqu’il dise, ça n’ira pas”
Conseil de Julien M., Cathy Bouchentouf a souhaité “remettre de la nuance” dans les débats, en introduction de sa plaidoirie.
Elle concède que son client est “complètement paumé”, et “accablé par les rouages judiciaires”.
Mais elle soutient qu’il est “tellement pris en étau que, quoiqu’il dise, ça n’ira pas”.
Avant de demander à la cour “d’accorder un peu de crédit à sa parole”.
Elle s’est ensuite appliquée à semer le doute sur les violences dont les enfants accusent le prévenu, rappelant que, en l’absence de traces physiques de violences, “c’est parole contre parole”.
Me Bouchentouf a souligné les contradictions des plaignants durant l’instruction, estime leur parole “déformée par leurs avocats, par les services de police qui les ont entendus”.
“Je suis désolée de le dire, mais il peut arriver que des jeunes mentent”, soutient-elle, parlant de “torsions” des témoignages.
L’avocate rappelle que Julien M. “dénonce lui-même auprès de l’ASE des coups de cravache” subis par un enfant dans une des familles d’accueil.
“Ça montre qu’il sait ce que sont des violences, et que lui-même n’est pas un homme violent”, selon elle.
Elle estime que six ans de prison sont “une peine inenvisageable pour un primo-délinquant”, qui ” travaille, qui a souhaité de changer de vie pour se rapprocher de ses enfants, et qui est parfaitement réinséré”.
“Il essaiera de payer ses dettes comme il le pourra”, assure-t-elle.
L’avocate réclame “une peine adaptée”, en l’occurrence un sursis probatoire avec un suivi.
“Quel intérêt de le remettre en détention 8 ans après les faits ?”
La décision est mise en délibéré, et sera rendue le 22 janvier 2026.
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