Montréal | Enfants battus et violés par leur famille d’accueil, deux septuagénaires plaident coupable

Un juge a envoyé sur-le-champ un couple de septuagénaires en prison, malgré leur état de santé précaire, pour avoir transformé en objets sexuels des enfants vulnérables qu’on leur avait confiés en famille d’accueil.

 Photo Valérie Gonthier Stéphane Brabant a été violenté par Jacques Laporte et Micheline Charland-Laporte entre 1983 et 1986, alors qu’il avait été placé chez eux en famille d’accueil.
Stéphane Brabant a été violenté par Jacques Laporte et Micheline Charland-Laporte entre 1983 et 1986, alors qu’il avait été placé chez eux en famille d’accueil.                                     Photo Valérie Gonthier

«Regardez ces accusations! Avez-vous déjà vu des horreurs comme ça? Pensez-vous qu’un public bien informé comprendrait qu’on les laisse en liberté?» a tonné hier le juge Gilles Garneau, à l’endroit des avocats de la défense, qui demandaient à ce que leurs clients restent en liberté d’ici le prononcé de leur sentence.

Jacques Laporte et Micheline Charland-Laporte, âgés de 76 et 75 ans, ont plaidé coupables hier à une vingtaine d’accusations de voies de fait, viol, atteinte à la pudeur et agression sexuelle sur des mineurs.

Micheline Charland-Laporte Photo Valérie Gonthier
Micheline Charland-Laporte                                                                                                                    Photo Valérie Gonthier

Plainte non écoutée

Les sévices ont été perpétrés entre 1966 et 1983, alors que le couple agissait comme famille d’accueil. Parmi la vingtaine d’enfants vulnérables qui sont passés sous leur autorité, deux sœurs ont été utilisées comme de véritables objets sexuels pendant près de 10 ans.

Lorsque les agressions ont débuté en 1966, les sœurs avaient neuf et cinq ans. Afin d’épargner sa cadette, l’aînée a tenté de marchander avec son tuteur: elle a proposé qu’il lui fasse subir le double des sévices s’il laissait tranquille sa sœur. Il a refusé.

Jacques Laporte Photo d'archive
Jacques Laporte                                                                                                                                               Photo d’archive

Elles ont été obligées de le toucher, de se toucher entre elles et de s’embrasser «avec la langue». La plus vieille a même eu à participer aux activités sexuelles du couple, parfois même en présence d’autres adultes. Elle a été initiée à la pénétration à l’âge de 10 ans et à la sodomie trois ans plus tard. L’homme filmait parfois leurs ébats avec une caméra 8 mm ou prenait des photos.

Un jour, l’enfant a pris son courage à deux mains et a dénoncé son agresseur à une enseignante. Or, cette dernière ne l’a pas crue et a plutôt tout rapporté à Laporte. Elle a été punie à coups de courroie de cuir.

L’homme sévissait souvent en frappant les enfants avec cette ceinture, parfois en les blessant jusqu’au sang.

« Gestes scandaleux »

La grande sœur n’a pu se sortir de cette famille qu’à l’âge de 20 ans. Tout ce temps, elle aura été abusée, «au minimum deux fois par semaine», a résumé au juge hier Me Claudia Ossio de la Couronne.

Les avocats de la défense ont insisté pour que le couple ne soit incarcéré qu’après la prochaine audience, notamment en raison de soucis de santé. Le juge Garneau a refusé. «C’est évident qu’ils écoperont d’une longue peine de pénitencier», a-t-il lancé.

Les représentations sur la peine sont prévues le 6 mai prochain au palais de justice de Laval.

Un soulagement pour une des victimes

«J’ai passé ma vie à repenser à ce qu’ils m’ont fait vivre. C’est un soulagement de les avoir vus plaider coupable, je vais pouvoir passer à autre chose», a dit hier un homme qui a été battu à répétition pendant quatre ans par Jacques Laporte et sa conjointe.

Stéphane Brabant avait six ans lorsqu’il a été placé en famille d’accueil chez le couple. «Je me suis fait battre une à deux fois par semaine, pour tout et pour rien», a-t-il expliqué.

 

En plus de plaider coupable à 16 chefs d’accusation pour des sévices sexuels et physiques sur des enfants, le couple Laporte-Charland a reconnu hier s’être livré à des voies de fait sur Stéphane Brabant et de l’avoir séquestré.

Comme un esclave

Il se souvient que Laporte avait l’habitude de le frapper, lui et d’autres enfants, avec une ceinture de cuir qu’il avait surnommé «Big Bad John».Une fois, Micheline Charland-Laporte lui avait donné une claque au visage parce qu’il avait un bonbon dans la bouche en prenant son bain.

Elle l’a frappé si fort que sa joue avait fendu.La femme l’utilisait aussi comme esclave: il a déjà été obligé de nettoyer ses ongles d’orteil.Et malgré son jeune âge, elle lui faisait exécuter plusieurs tâches ménagères. Il a également été obligé de danser nu devant plusieurs inconnus en visite chez le couple, a-t-on résumé en Cour.

Hier, en entendant la procureure de la Couronne résumer les atroces sévices sexuels qu’ont subis d’autres enfants, M. Brabant s’est considéré «chanceux» de ne pas avoir été violé.Ce dernier a d’ailleurs fait lever une ordonnance de non-publication qui empêchait de divulguer son nom.

«Pour moi, c’est comme une thérapie d’assister à ça et d’en parler. Je veux qu’ils paient. Et j’encourage d’autres victimes à dénoncer», a-t-il insisté.

En 2012, Jacques Laporte a été condamné à 42 mois de détention pour des voies de fait et des agressions sexuelles sur des jeunes garçons dont il avait la garde.

Ce que le juge Gilles Garneau a dit sur l’incarcération immédiate des accusés

«Ce sont des gestes scandaleux, odieux et répétitifs sur des enfants. C’est évident que ça minerait la confiance du public de ne pas les incarcérer maintenant.»

«Je peux vous dire que si l’enseignante [qui n’a pas cru une des victimes qui a dénoncé Laporte] avait été identifiée, elle devrait se présenter devant moi et s’expliquer.»

«Les accusations ont été portées en 2011. Ça fait donc cinq ans que les victimes repensent à ça puisque les accusés n’avaient pas plaidé coupables.»

 

Source : http://www.journaldemontreal.com

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