Les réseaux pédocriminels n’existent pas | Round 56 | Réseau Percowicz

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Le “Jeffrey Epstein argentin” et sa secte d’école de Yoga.
En Argentine, le Jeffrey Epstein local ami du gratin poursuivi avec sa secte: les politiques seront-ils mis en cause ? Le “Jeffrey Epstein argentin”, 84 ans au compteur, vient enfin d’être arrêté après 30 ans de perversions dans sa secte.

Le podcast complet de cet article est téléchargeable ci-dessous (clic-droit puis “enregistrer la cible du lien sous”) ou à retrouver sur notre chaine Youtube.

Podcast – Réseau Percowicz Argentine (15′)

Juan Percowicz et 18 complices sont en prison, et les victimes commencent à parler de pratiques de sexe en groupe, de pédopornographie, et de prostitution de mineurs auprès de gens assez riches pour se payer ces viols, ou utiles pour la secte.

Et ses liens très étroits et anciens avec les autorités US interrogent : même Bill Clinton s’est mouillé pour la défendre.

Il a été arrêté avec 18 membres du groupe le 12 août 2022, il est poursuivi pour avoir séquestré des personnes pour les soumettre à l’exploitation sexuelle et au travail.

Ses lieutenants, 9 hommes dont le n°3 de la secte Federico Sisrro et 9 femmes dont l’avocate María Susana Barneix qui jouait le rôle de comptable et fiscaliste de l’organisation, ont été arrêtés en même temps que lui.

Mais des dizaines de personnes, dont des clients, sont dans la ligne de mire. Et certains qui avaient fui commencent à être retrouvés, mais d’autres semblent être partis aux États-Unis [1].

 

Une secte pyramidale à la recherche d’influence

La secte, qui avait la façade d’une gentille école de yoga un peu New Age (appelée “Escuela de Yoga Buenos Aires”), a commencé ses activités à Buenos Aires au milieu des années 80.

Les premières plaintes sont arrivées en 1993.

Le groupe de Percowicz était expansionniste : il poussait ses “élèves” à recruter de nouveaux adeptes auxquels il promettait le bonheur, la guérison etc.

 

Si bien qu’il y a rapidement eu plus de 1000 membres.

Ils ne seraient pas loin de 2000 aujourd’hui dont beaucoup sont complètement soumis et sous emprise.

Si on en juge par la page Facebook de l’école, beaucoup des “élèves” sont des jeunes femmes plutôt jolies.

L’ “école” de Percowicz prône une sorte de mélange de yoga et de philosophie, avec beaucoup de sexualité, encourageant le sexe en groupe, l’échangisme et les parents à “initier” sexuellement leurs enfants.

 

Les autorités ont mis les moyens devant les caméras : Une cinquantaine d’interventions de police a été menée la semaine du 12 août et les biens de plusieurs dizaines personnes ont été saisis.

L’opération en Argentine a été menée après avoir informé l’ambassade US, dont le bureau de sécurité diplomatique a transmis des informations à la police argentine.

Mais comme on va le voir, les US sont très impliqués dans la défense des droits de la secte…

Mais 23 personnes qui devaient être arrêtées en même temps sont toujours en fuite, ce qui représente plus de la moitié des suspects.

Dont le “prince héritier” de Percowicz, Marcelo Guerra Percowicz (56 ans) qui est en fait son fils adoptif et le n°2 de la secte.

Sans lui, disent des membres, “rien ne se passerait”.

On peut supposer qu’il a repris les rênes de l’organisation [2].

En 1995, il s’est déjà retrouvé mêlé avec Barneix à une procédure pour fraude, une extorsion de biens appartenant à une adepte décédée par une fausse reconnaissance de dettes) qui s’est conclue par un acquittement grâce à la prescription (l’affaire devait être rejugée en 2008).

Au cours de la perquisition dans un des bâtiments de la secte la villa Crespo, un million de dollars en liquide, deux millions de pesos argentins et du matériel pédopornographique ont été retrouvés.

De nombreuses écoutes ont aussi été réalisées depuis des semaines, et ont fait apparaître un réseau pyramidal.

Impliquant des personnalités.

 

Le premier enfant à rejoindre ce groupe était Pablo Salum, âgé de 8 ans, dont la famille était entrée dans la “communauté” en 1986.

Il était hébergée dans un de ses bâtiments, avant d’être séparée : la mère d’un coté qui est montée dans la hiérarchie de la secte, le père de l’autre, les enfants séparés.

Il s’est enfui il y a longtemps et explique avoir été forcé à regarder une vidéo dans laquelle sa mère et sa sœur mineure étaient livrées à des hommes dans des orgies, apparemment “volontairement”.

Il dit que progressivement l’ambiance est devenue plus sinistre, que les enfants étaient forcés à assister à ces partouzes, et à y participer y compris avec leurs propres parents, en tant qu’ “exercice”.

 

Les membres de la secte étaient aussi prostitués, forcés de participer à des orgies pendant les “cours de philosophie” collectifs [3], et aussi en-dehors de la secte par exemple à l’hôtel Sheraton où on faisait aussi venir des invités au portefeuille bien garni, ou intéressants pour Percowicz.

Certains membres obtenaient plus de responsabilités, mais

au fur et à mesure qu’ils gravissaient les échelons de la hiérarchie, ils étaient contraints de subir des châtiments physiques, mentaux et sexuels.

Nous, les enfants, avons tout vu“, explique Pablo Salum.

Les principales tâches à accomplir étaient trouver de l’argent et de nouveaux adeptes.

L’objectif était financier, mais aussi la recherche d’influence et de protections.

Des gens riches ou puissants étaient donc ciblés. La secte s’était étendue dans plusieurs pays, dont l’Uruguay et les États-Unis où elle avait des groupes d’”étudiants prostitués” à Las Vegas, New-York ou Chicago.

Son siège serait d’ailleurs aux États-Unis, sous le nom de BA Group.

Mais ce n’est pas la seule source de revenus de Percowicz, qui faisait aussi dans les séjours de désintoxication ou autres dans sa Clínica CMI Abasto et les versements mensuels des “élèves”, d’environ 200 $.

Via la société BA group, une “école de philosophie”, la secte récupérait de l’argent et de nouveaux adeptes (1700 personnes y auraient suivi des cours).

Les revenus estimés atteindraient ainsi les 500.000$ par mois.

Dans cette clinique ouverte en 2009 sans autorisation qui appartient semble-t-il au fils adoptif, il semble que des adeptes un peu récalcitrants ont été retenus et drogués pendant plusieurs jours d’affilée pour des “cures de sommeil” punitives afin de les calmer, ou bien dans le cadre de “formations”.

Et, comme on le fait avec nos hôpitaux psychiatriques quand des gens y sont envoyés de force, on leur faisait payer la note du “séjour”.

7 membres de la secte arrêtés sont accusés d’être impliqués dans la gestion de la clinique, notamment des “thérapeutes”, et d’autres sont encore recherchés.

Celle-ci était dirigée par une pharmacienne et biochimiste à la retraite, Allicia Arata alias “Doqui”, qui en serait aussi co-propriétaire.

Des ordonnances vierges signées de sa main ont été retrouvées lors de la perquisition.

La police a aussi mis la main sur des sex toys, et sur une note concernant une “patiente”, mentionnant qu’il ne fallait lui donner qu’une demi portion de nourriture par jour, et rien le week-end où elle était censée dormir.

CMI ABasto est liée à deux autres structures aux États-Unis, dans lesquelles

l’organisation a transféré des médicaments psychotropes et des antidépresseurs aux États-Unis d’Amérique.

Pour cela, ils plaçaient la drogue dans les valises de ceux qui faisaient les voyages“, appelés “casalitos” dans le jargon de la secte.

Les drogues semblaient d’utilisation courante dans cette secte, puisque des psychotropes et des seringues ont été retrouvées un peu partout lors des dizaines de perquisitions réalisées.

 

Chantage et prostitution de mineurs

Juan Percowicz qui en toute modestie se faisait appeler “el Angel”, a commencé à avoir des problèmes avec son école de Yoga, devenue un réseau pédocriminel aux ramifications dans plusieurs pays dont les États-Unis, en 1993 déjà.

Des accusations d’agressions sexuelles sur mineurs et vol qui se sont transformées au fil de 6 ans de procédure en “réduction à la servitude”.

Sous la contrainte, les enfants étaient envoyés dans des hôtels ou chez des clients “riches”, en tout cas des classes supérieures, contre de l’argent.

Il y a aussi des millionnaires, des patrons d’entreprises, des politiciens, des célébrités probablement.

Les médias ont parlé du chanteur Placido Domingo dont les enregistrements d’une discussion avec une des sous-fifres de Percowicz appelée Mandy montrent qu’il était client ou allait le devenir puisqu’il voulait rencontrer la dénommée Mandy en vue d’un business sexuel avec une jeune femme (dont l’âge n’est pas précisé).

Il avait déjà été accusé de harcèlement sexuel par une vingtaine de femmes en 2019 et avait nié, mais passe encore pour une victime sur certaines chaines.

 

Cette Mandy, âgée de 59 ans, jouerait le rôle de maquerelle, cherchant des victimes pour intégrer le groupe d’adeptes appelé “geishao VIP,” qui étaient certes proches de Percowicz, mais qui étaient prostituées

auprès d’hommes riches, avec un appartement dans la rue Corrientes et des voyages trimestriels aux États-Unis“, explique la presse.

Elle a été arrêtée le 12 août aussi ; comme sa copine Marcela Arguello qui se trouvait avec des passeports et des carnets de notes.

 

Pablo Salum expliquait en 2018 sur Twitter :

Il était normal de voir comment les personnes puissantes ciblées par la secte entrainaient par la main des filles ou des garçons contraints de livrer leur corps en échange de faveurs.

J’ai personnellement vu des célébrités, des juges, des politiciens, des ministres, des syndicalistes et plus encore“.

Il parle de mineurs de 10–12 ans obligés d’avoir leur premier rapport sexuel de force, dans la secte.

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Une amie de la secte qu’il avait croisée en train de mendier, au début des années 90, lui a dit qu’elle était envoyée chez des types pour des relations sexuelles contre de l’argent, qui était remis à Percowicz.

Vu les protections qu’a pu s’acheter ou corrompre Percowicz et ses sbires, on peut douter que cette clique-là soit un jour renvoyée devant un tribunal.

Peut-être une ou deux célébrités en déclin et déjà bien carbonisées, mais ce sera probablement tout.

D’ailleurs, quand l’enquête de 1993 a été lancée, suite à la plainte de Pablo Salum après qu’il ait fui la secte, les juges ont réagi : ils ont mené plus de 80 perquisitions au cours desquelles du matériel pédopornographique impliquant, déjà, des personnalités a été embarqué.

Des types avaient même été arrêtés pendant un moment.

 

Dans cette “affaire de l’Académie du prosti-yoga” comme un journal l’a appelée, les voisins qui trouvaient qu’il y avait beaucoup de femmes dans cette école de yoga dénonçaient carrément des

fêtes noires avec des femmes et des hommes totalement nus qui dansaient entre eux”,

deux anciens adeptes de la secte avaient déclaré que des mineurs étaient prostitués, et il était déjà question de

personnes très importantes“, de “figures politiques et d’entrepreneurs“,

selon la presse : “il y a un maire bien connu de l’agglomération, deux anciens secrétaires d’État, un ancien ministre, un actuel ambassadeur et un ancien maire de la capitale fédérale”, Buenos Aires [4].

Tous profitaient du “geishado”, ce groupe d’adeptes prostituées choisies par Percowicz, et formatées pour satisfaire les clients.

On soupçonnait d’ailleurs l’existence d’une secte, derrière cette école de “prosti-yoga”.

 

Les mineurs étaient apparemment contraints moralement plus que physiquement, mais tout adulte sait qu’il n’est pas très compliqué de manipuler un enfant.

L’un d’eux expliquait alors à la presse avoir été envoyé au Sheraton pour un client, avec pour seule mission de faire tout ce qu’il lui demandait.

En tout cas, Percowicz ne s’est pas laissé faire et a rameuté le ban et l’arrière ban du gratin local pour défendre les “droits” de son école et de ses adeptes, comme le prix Nobel de la paix Adolfo Perez Esquivel qui l’a défendu sans relâche dans les années 90.

Mais tout cela aurait été accompli avec “bonne foi” selon une association dont le prix Nobel est président d’honneur.

Mais la procédure n’a évidemment pas abouti et Percowicz a eu les mains libres encore 30 ans.

La secte pédocriminelle avait même pignon sur rue, et avait l’appui d’institutions et de personnalités pour ses événements publics [5] :

  • représentation du secrétariat général de l’Organisation des États américains à Buenos Aires ;
  • le président Carlos Menem ;
  • le ministère de la culture et de l’éducation ;
  • la municipalité de la ville de Buenos Aires ;
  • le secrétariat de la programmation pour la prévention de la toxicomanie et la lutte contre le trafic de drogues ;
  • l’évêché de Morón ;
  • la direction de la Bibliothèque nationale ;
  • le Comité national de l’UCR ;
  • la Chambre de commerce argentino-uruguayenne ;
  • le sénateur Deolindo Felipe Bittel ;
  • le maire du 3 de Febrero, Hugo Omar Curto ;
  • la Confédération générale du travail.

 

 

Quand ils sont interrogés sur leurs liens avec l’école, ils disent qu’ils sont seulement venus une fois ou deux à une conférence, et qu’ils ne connaissent pas vraiment Percowicz.

Aux États-Unis, Clinton avait publiquement apporté son soutien à la secte, et victime selon lui d’un traitement “injuste en Argentine.

En avril 1999, il a outrageusement minimisé les faits, a qualifié la procédure contre l’organisation de “harcèlement“, et l’affaire fut close dans la durée.

Il s’étonnait que le ministre de la justice Raul Granillo (qui fréquentait la secte évidemment) n’ait pas tenu sa promesse de protéger l’école de Yoga.

Clinton a même envoyé une délégation d’une ONG US, le Council on Hemispheric Affairs (COHA), pour s’assurer que les autorités politiques et judiciaires respectaient les droits civils des membres de l’école de yoga…

 

Idem avec le groupe du Congrès US sur les droits de l’homme, qui s’est insurgé contre la procédure à l’encontre de Percowicz et sa clique, qui était “persécutée” d’après les propos tenus lors d’un discours public par le député démocrate Edolphus Towns.

Une lettre signée par 28 députés US demandait à Carlos Menem de laisser la secte tranquille, et une délégation du Capitole est venue en Argentine pour se renseigner sur l’affaire.

Elle a notamment rencontré des membres de la Cour suprême de justice, le ministre de l’Intérieur Carlos Corach, le ministre de la Justice Raúl Granillo Ocampo,

et des représentants d’organisations tels que Pérez Esquivel et le responsables du Centre d’études juridiques et sociales“, explique le journal Clarin.

Bref: il s’agissait d’une affaire relevant de la haute diplomatie.

Pourquoi ?

Certes, les US sont toujours prompts à défendre leurs sectes à l’étranger comme on l’a vu avec la Scientologie par exemple, mais cette affaire sentait le souffre à 10.000 kilomètres.

Le climat US est donc favorable, voire très favorable, et on comprend pourquoi les membres en fuite s’y sont probablement rendus.

Il avait aussi une adepte qui travaillait auprès du ministre de l’Intérieur Carlos Ruckauf, et apparemment la secte cherchait à s’infiltrer au plus haut niveau, jusque dans le gouvernement de Carlos Menem (président de 1989 à 1999), et aux États-Unis aussi elle avait su développer des contacts importants.

Ses activités avaient même été reconnues d’intérêt national, avant l’affaire de 1993.

Pas les orgies : le yoga-“philo”.

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On reviendra sur cette affaire qui ‘n’en est pas à ses premiers rebondissements, car la procédure judiciaire va durer des années.

Il sera utile d’éclaircir certains aspects, car cette secte ressemble à NXIVM, qui visait spécifiquement les lieux de pouvoir à travers une secte sexuelle, dont on est censés croire qu’elle n’exploitait que des adultes crédules.

Quels arrangements a pu mener Percowicz?

Quels appuis s’est-il assuré ? Comment ?

C’est le fond de l’histoire et il n’y a aucune chance que la justice aille jusque là.

Mais les lanceurs d’alerte existent et le public veut enfin les écouter.

 

[1] Au moins deux individus de la bande, Marcela Sorkin et Federico Sisrro, ont été attrapés le 12 août dans un petit aéroport, alors qu’ils tentaient de partir aux États-Unis.

[2] Selon la presse, il est sous le coup de plusieurs poursuites : le juge Ariel Lijo a lancé un mandat d’arrêt international, gelé ses comptes et saisi ses biens.

Il est poursuivi pour avoir prostitué des étudiants avec des hommes riches, blanchi de l’argent en Argentine et aux États-Unis après avoir volé ses adeptes et falsifié leurs certificats de décès et leurs testaments pour garder leurs héritages.

[3] Pablo Selum explique qu’on le menaçait de l’interner s’il n’y allait pas.

[4] Cf. « Politicos y funcionarios entre los clientes del bordel », dans La Prensa du 16 avril 1994.

[5] Des conférences, rencontres etc. apparemment bien loin de réflexions philosophiques, avec des exhibitions sexuelles qui ont même choqué l’ancien secrétaire à la Culture.

C’est pourtant un de ses prédécesseurs, le secrétaire à la Culture Enrique Pavon Pereyra qui a donné l’homologation à l’école de Percowicz et trouvait son action formidable.

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