Etats-Unis | L’Affaire Jeffrey Epstein pousse le gouvernement a lancé une enquête sur le réseau pédocriminel en France

Accusé de trafic sexuel, Jeffrey Epstein est mort, mais pas l’enquête.

Dessin réalisé lors de la comparution de Jeffrey Epstein, le 8 juillet 2019, à New York. Le financier a plaidé non coupable.
©Elizabeth Williams/AP

Arrêté début juillet à New York, Jeffrey Epstein a été retrouvé pendu dans sa cellule ce 10 août. Son procès pour pédophilie et trafic sexuel n’aura donc pas lieu. Reste que l’inculpation pour pédophilie du financier américain avait révélé un réseau tentaculaire de jeunes filles poussées à satisfaire son appétit sexuel et ses rêves de transhumanisme, et que les enquêtes continuent.

Arrêté début juillet 2019, Jeffrey Epstein avait été retrouvé blessé deux semaines plus tard, à moitié conscient dans sa cellule, à la suite de ce qui était peut-être une tentative de suicide. Le financier, dont la fortune est estimée à plus de 500 millions de dollars, avait été débouté, le 18 juillet, d’une demande de remise en liberté sous caution. La justice craignait qu’il s’enfuit à l’étranger pour échapper à son procès et aux enquêtes engagées par le FBI et la justice fédérale.

En France aussi, les secrétaires d’Etat Marlène Schiappa (Egalité femmes/hommes) et Adrien Taquet (protection de l’enfance) ont réclamé ce lundi 12 août l’ouverture d’une enquête sur l’affaire Jeffrey Epstein, afin d’”éclaircir” les liens que l’homme d’affaires avait avec Paris, comme de nombreux allers-retours entre la France et les Etats-Unis et la propriété d’un immeuble près de l’Arc de Triomphe.

Ce 10 août, il a été retrouvé pendu dans sa cellule. Il était passible de 45 années d’emprisonnement. Ce procès d’un proche de l’élite américaine et internationale, à commencer par le président Donald Trump, mais aussi de Bill Clinton ou du prince Andrew d’Angleterre, soulève une vague de stupeur et de nombreuses questions, à commencer par celle de son suicide.

“On the younger side”.

Il les préfère “plus jeunes”. Voilà comment Donald Trump décrivait, en 2002, les goûts de son ami Jeffrey Epstein en matière de femmes, qui étaient le plus souvent des jeunes filles.

Jeffrey Epstein, au physique parfois comparé à celui du designer Ralph Lauren.
©New York State Sex Offender Registry via AP

A l’époque, le natif de Brooklyn était encore un homme plus que présentable : brillant financier, riche et milliardaire. Selon certaines rumeurs, son physique était parfois comparé à celui du designer Ralph Lauren, fréquenté par célébrités et politiques.

Mais dans le secret de ses propriétés somptueuses de Palm Beach ou New York se jouait une autre partition, selon les enquêtes menées par les autorités américaines et les multiples actions en justice de victimes présumées. Des dizaines de jeunes filles, certaines âgées de 14 ans seulement, se succédaient, parfois plusieurs fois par jour, dans cette salle de “massage” que Jeffrey Epstein avait fait aménager, avec bibelots ou tableaux suggestifs, et sex-toys à profusion.

Le 31 juillet 2019, lors de l’audience qui a fixé l’ouverture de son procès au mois de juin 2020, Jeffrey Epstein a fait part de ses rêves transhumanistes les plus fous, révèle le quotidien américain The New York Times : il voulait multiplier les relations sexuelles et féconder le plus de femmes possibles pour répandre son ADN à l’humanité. Rien ne prouve, toutefois, qu’il avait commencé à mettre en oeuvre ses desseins transhumanistes…

La toile des recruteuses

Pour s’assurer un flux continu, l’ancien professeur de mathématiques d’un lycée privé new-yorkais avait missionné une armée de recruteuses, souvent à peine plus âgées que leurs cibles, qu’elles approchaient en douceur, présentant Jeffrey Epstein comme un bienfaiteur. “Il m’a aidée”, a expliqué l’une d’elles à Jennifer Araoz, qui avait alors 14 ans, à la sortie de son école de l’Upper East Side, à deux pas de la maison de Jeffrey Epstein. “Elle me ressemblait”, a-t-elle dit lors d’un entretien à la chaîne NBC.

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Le quinquagénaire pouvait donner un coup de pouce à sa carrière dans le monde du spectacle, promettait la recruteuse à cette adolescente qui venait d’intégrer un établissement artistique.

Des jeunes filles

“de milieux défavorisés”, “moins bien dotées économiquement”,

voilà le profil type des recrues de ce que le procureur fédéral de Manhattan, Geoffrey Berman, a décrit lundi comme une “toile” en “constante expansion”.

Le procureur du district sud de New York aux États-Unis, Geoffrey Berman, lors d’une conférence de presse à New York, le lundi 8 juillet 2019.
©AP Photo/Richard Drew

“Petit livre noir”

Une fois enrôlées, les jeunes filles entraient dans le “petit livre noir”, un carnet d’adresse qui, avec le temps, finira par comprendre, selon le Miami Herald, plus de 100 noms, répartis dans toutes les zones où l’homme à la chevelure argentée avait des résidences, y compris à Paris, selon l’ancien site Gawker, qui en a reproduit une partie.

Le financier effectuait souvent des séjours en France, dans son immeuble situé avenue Foch, l’un des plus huppés de la capitale. Les zones d’ombre de cette affaire englobe aussi ses fréquentations à Paris. Les victimes seraient-elles également présentes en France ? Le Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité demande l’ouverture d’une enquête.

https://twitter.com/Egal_FH/status/1160832535812857856

Selon plusieurs témoignages, domestiques, secrétaires et recruteuses géraient au millimètre ce sombre emploi du temps, avec prise de rendez-vous, transport, parfois même en jet privé. Les instructions étaient suivies de rétributions, qui s’élevaient de 200 à 300 dollars par visite, et des cadeaux étaient offerts aux plus fidèles.

Chaque séance devait se faire nue et comprenait presque systématiquement attouchements, voire pénétration. Plusieurs jeunes filles ont assuré avoir refusé certains gestes, en vain.

“J’étais terrifiée et je lui disais d’arrêter”,

se souvient Jennifer Araoz au sujet d’une visite lors de laquelle Jeffrey Epstein l’aurait violée.

“Il ne s’est pas arrêté. Il n’avait aucune intention de s’arrêter.”

“Si je quittais Epstein, (…) il pouvait me faire assassiner ou enlever et j’ai toujours su qu’il en était capable si je ne lui obéissais pas. (…) J’avais très peur”,

a expliqué Virginia Roberts lors d’une audition devant la justice, elle qui dit avoir rencontré le financier en 1999.

Comme d’autres, Virginia Roberts a affirmé que l’ancien trader de la banque d’investissement Bear Stearns “fournissait aussi des filles” à ses “amis et connaissances”.

“Il m’a dit qu’il faisait ça pour qu’ils lui soient redevables, qu’il les tienne”,

a-t-elle dit.

Le carnet d’adresse de l’homme d’affaire pose beaucoup de questions et alimente de nombreuses spéculations sur la potentielle complicité de l’élite américaine. Une victime, Courtney Wild, qui avait 14 ans lorsqu’elle a rencontré Epstein, a poursuivi le gouvernement fédéral. Le motif : les procureurs auraient dissimulé les victimes afin qu’Epstein s’en tire avec la peine la plus indulgente qui soit pour un pédophile en série.

D’autres éléments troublants entourent la mort de Jeffrey Epstein, comme l’a révélé le New York Times. Le financier n’aurait pas été surveillé de près pendant les journées précédant sa mort, comme le veut la procédure, et les autorités pénitentiaires lui avait retiré la surveillance antisuicide.

https://twitter.com/MiamiHerald/status/1067782587278606336

Fiché délinquant sexuel depuis 2008

Jeffrey Epstein est dans le collimateur de la justice depuis 2005. En 2008, il a été officiellement inscrit au fichier des délinquants sexuels. Condamné, il a fait 13 mois de prison dans une affaire de prostitution impliquant une enfant mineure.

Mais lorsque des agents du FBI ont effectué une perquisition dans la maison new-yorkaise du financier, début juillet, ils sont tombés sur la fameuse salle de massage, qui n’avait pas bougé.

Source : information.tv5monde

Les premiers noms révélés dans des documents rendus publics

Plusieurs hommes politiques américains, des hommes d’affaires et le prince Andrew, fils d’Elisabeth II, sont accusés par une «esclave sexuelle» du milliardaire Jeffrey Epstein d’avoir eu des relations sexuelles avec elle alors qu’elle était mineure.

Les premiers documents liés à l’affaire Epstein, inculpé le 8 juillet pour «exploitation sexuelle de mineures», ont été rendus publics le 9 août. Ils concernent une plainte en diffamation déposée en 2015 par Virginia Roberts Giuffre – qui se décrit elle-même comme une ancienne

«esclave sexuelle»

du milliardaire – contre la complice présumée de Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell.

Dans ces documents, Virginia Roberts Giuffre accuse Ghislaine Maxwell d’avoir aidé Jeffrey Epstein à la contraindre à participer, avec d’autres filles mineures, à des orgies sexuelles dans les nombreuses résidences du milliardaire. La jeune femme, mineure au moment des faits, donne également les noms de plusieurs personnalités publiques qui auraient pris part à ces activités.

«Ils m’ont demandé d’aller voir George Mitchell [un homme politique américain], Jean-Luc Brunel [qui tient une agence de mannequins], Bill Richardson [un homme politique américain], un autre prince dont je ne connais pas le nom»,

a notamment déclaré la jeune femme dans sa déposition.

«Un type qui possède un hôtel, une très grande chaîne d’hôtels, je ne me souviens plus de quel hôtel il s’agissait»,

a-t-elle ajouté. Et de poursuivre :

«Il y avait un autre président étranger, vous savez, je ne me souviens plus de son nom. Il y en a tout un tas, il m’est difficile de me souvenir de tous.»

Plus loin dans sa déposition, Virginia Roberts Giuffre a été interrogée sur les détails de sa prétendue relation sexuelle avec Glenn Dubin, un homme d’affaires américain :

«Quels termes a employé Ghislaine Maxwell pour vous demander d’avoir une relation sexuelle avec Glenn Dubin ?»

«C’était la même chose tout le temps. Ils voulaient que j’aille “faire un massage” à ces hommes»,

a-t-elle répondu.

Le mot «massage» est devenu un code pour «sexe», a-t-elle poursuivi dans sa déposition.

«Toute ma vie a consisté simplement à plaire à ces hommes et à rendre heureux Ghislaine et Jeffrey»,

a-t-elle encore déclaré.

Hormis Jeffrey Epstein, aucun des accusés n’est à l’heure actuelle poursuivi en justice pour les faits dénoncés par Virginia Roberts Giuffre. Plusieurs d’entre eux, ont par ailleurs catégoriquement réfuté ces accusations.

Prince Andrew

Dans cette masse de documents rendus publics, se trouvent également des photographies, des reçus, les journaux de vol du «Lolita express» ou encore un mémoire écrit par une femme qui dit avoir été victime d’exploitation sexuelle par Jeffrey Epstein et ses connaissances.

On trouve ainsi une photographie du prince Andrew, le deuxième fils d’Elisabeth II, la main autour de la taille nue de Virginia Roberts Giuffre à l’intérieur de la maison de Ghislaine Maxwell à Londres. Un cliché qui, selon les avocats de la jeune femme, vient appuyer les allégations de cette dernière, qui affirme avoir été contrainte à avoir une relation sexuelle avec ce membre de la famille royale.

«Cette photographie confirme les affirmations de [Virginia Roberts] Giuffre. Il n’y a aucune autre explication raisonnable selon laquelle un enfant américain devrait être en compagnie d’adultes et non de membres de sa famille, dans la maison londonienne de la petite amie d’un homme désormais reconnu coupable d’être un délinquant sexuel»,

ont ainsi fait valoir les avocats de la jeune femme, mineure au moment où a été pris le cliché.

Des accusations que le palais de Buckingham a pourtant nié à de nombreuses reprises. Dans une déclaration très inhabituelle publiée en 2015, Buckingham Palace avait ainsi assuré que

«toute suggestion d’irrégularité envers des mineures [était] absolument fausse»,

niant explicitement que le prince Andrew ait eu des rapports sexuels avec Virginia Roberts Giuffre, comme le rappelle le Guardian.

Une position fragilisée par un autre témoignage, celui de Joanna Sjoberg, qui selon ces documents rendus publics a affirmé avoir été victime d’attouchements sexuels de la part du prince Andrew au même titre que Virginia Roberts Giuffre, dans la maison de Jeffrey Epstein à Manhattan.

Virginia Roberts Giuffre a par ailleurs accusé Ghislaine Maxwell de l’avoir recrutée pour devenir la masseuse de Jeffrey Epstein à 15 ans, alors qu’elle travaillait à la résidence de Donald Trump de Mar-a-Lago, en Floride. Toutefois, dans ces documents, aucune allégation n’est portée contre l’actuel président des Etats-Unis.

«Il n’a jamais eu de relations sexuelles avec aucune d’entre nous […] Il n’a jamais flirté avec moi»,

a déclaré Virginia Roberts Giuffre, précisant n’avoir jamais vu Donald Trump sur l’île du milliardaire, ni dans l’une des résidences de ce dernier.

Ces documents, qui lèvent le voile sur les personnes accusées d’avoir participé au trafic sexuel de mineurs pour lequel a été inculpé Jeffrey Epstein, ne sont que les premiers d’une longue série à être rendus publics.

Source : francais.rt

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