La Roche-sur-Yon | 4 mois de sursis pour ne pas s’être interposé face à un viol sur mineur

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« On parle de viol. Il y a eu pénétration digitale »
Le Yonnais de 18 ans à l’époque des faits, n’était pas intervenu alors qu’une adolescente se faisait violer devant lui.

Le jeune homme qui comparait à la barre est comme tétanisé, encore sous le choc d’une histoire qui le hante depuis cinq ans.

À 23 ans aujourd’hui, Victor* est accusé de ne pas avoir empêché un crime de viol, dans son petit studio de La Roche-sur-Yon, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2016.

Les auteurs de ce crime ont d’ailleurs été tout récemment condamnés.

C’est au Yonnais, ce lundi 7 mars 2022, de répondre à la présidente du tribunal de La Roche-sur-Yon. 

Cette soirée-là devait être une soirée entre copains, et une grande première en boîte de nuit pour Victor*, jeune homme réservé et fragile, qui venait de prendre son indépendance.

Il s’était fait virer de chez son père à tout juste 18 ans.

À l’époque, Victor* est livreur de pizza.

Il est décrit comme quelqu’un d’ «influençable qui a dû mal à dire non ».

« Ils ont commencé à lui faire des attouchements »

Mais la soirée ne se déroule pas comme prévu. Victor* accepte l’invitation d’une connaissance, un garçon qu’il n’a vu « que deux ou trois fois. »

Quand ils se retrouvent, ce dernier est accompagné d’un autre garçon que Victor* ne connait pas, et d’une jeune fille de 15 ans.

Après un tour en ville, le trio s’invite dans le petit studio de Victor*.

Les quatre jeunes boivent de l’alcool, partagent du cannabis.

Victor* confie à la barre:

« C’était la première fois que je fumais et que je buvais de l’alcool »

Puis, le maître des lieux s’éclipse de son propre appartement, laissant son domicile à ce trio qu’il connait à peine, pour sortir avec un de ses bons amis.

Quand il rentre chez lui, il trouve la jeune fille allongée sur le lit, entourée des deux garçons, mineurs à l’époque.

Il raconte:

« Ils ont commencé à lui faire des attouchements. Je leur ai dit d’arrêter, mais ils n’ont pas écouté. Je n’étais pas dans mon état. J’avais peur de leur réaction »

Le jeune homme, alcoolisé, en reste là et finit par s’endormir, laissant la jeune femme à son triste sort. 

« Il porte en lui la culpabilité depuis 5 ans »

La présidente du tribunal qui tente de comprendre pourquoi Victor* est allé se coucher au lieu de défendre la jeune fille, encore mineure, qui se faisait agresser souligne:

« On parle de viol. Il y a eu pénétration digitale »

Le prévenu à la barre souffle:

« J’ai honte de moi de ne pas être intervenu »

La présidente insiste:

« Est-ce que vous avez pris conscience de ce qu’il se passait sur ce lit ? Vous aviez conscience que ce n’était pas normal et que la jeune fille n’était pas en état de donner son consentement ? »

Victor* qui a fait une dépression après cet épisode, explique:

« J’avais peur d’eux. Ils faisaient comme si c’était chez eux. J’avais tout juste 18 ans. Mon père et ma mère m’avaient laissé tomber, j’avais plus confiance en moi »

Selon sa défense:

« il porte en lui la culpabilité de ne pas être intervenu depuis cinq ans ».

« Il n’a jamais eu l’intention de se dédouaner »

L’avocate du prévenu, Emmanuelle Picodo, ajoute :

« Je peux vous certifier que vous avez affaire à un jeune qui a complètement conscience de la gravité de ce qu’il n’a pas fait. Il a cette timidité, cette difficulté à verbaliser, mais vous ne pouvez pas douter de la sincérité de Victor*. Il est là, il assume seul et n’a jamais eu l’intention de se dédouaner. »

La victime, elle n’est pas présente à l’audience, mais elle est représentée par ses parents, dans la salle, et par leur avocate, qui explique le traquenard dans lequel se retrouve Magali*, ce soir-là.

La copine chez qui elle devait passer la nuit l’abandonne à ces deux garçons qui la traînent chez Victor*.

Sa vie a basculé cette nuit, avec des conséquences importantes.

L’avocate Géraldine Le Duc révèle:

« Elle a dû être hospitalisée, puis suivie longuement par une psychologue. Ses parents ont tout fait pour la sortir peu à peu de sa détresse »

« Le prévenu aurait pu dire stop, empêcher les faits de viol, il ne l’a pas fait. Il faut qu’il comprenne qu’on ne peut pas tout laisser faire. Quand on est adulte, il faut agir, on a le devoir de réagir. Il n’a pas eu ce soir-là, l’attitude qui aurait permis d’éviter les faits. »

« En 6 ans, avez-vous mûri, avez-vous évolué ? »

Face à lui, la procureure de la République pointe :

« Vous, vous avez eu peur. Mais à votre avis, qu’est-ce qu’elle ressent, Magali*, à ce moment-là ? Pourquoi devant le juge d’instruction, vous n’avez rien dit ? C’était une façon de réparer… »

Victor* répond :

« J’avais peur des représailles. »

Elle conclut:

« Mais à aucun moment, il n’y a de menaces ni de violences de la part de ces deux garçons, plus jeune que vous. C’est donc par pur égoïsme que vous n’avez rien dit »

La procureure s’inquiète des raisons pour lesquelles le jeune homme, désormais suivi par un psychologue, n’est pas intervenu cette nuit-là:

« Est-ce qu’il ne va pas recommencer si une situation similaire se représentait ? »

Avant de requérir quatre mois d’emprisonnement entièrement assortis d’un sursis simple.

Des réquisitions suivies à la lettre, après que le prévenu soit revenu à la barre pour exprimer ce qu’il n’avait pas réussi à dire tout de suite :

« Je voulais m’excuser pour la famille, je suis vraiment désolé. »

* Les prénoms ont été modifiés. 

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