Canada | Agressions sexuelles à Wemotaci : une parodie de justice disent deux femmes autochtones

Deux femmes de Wemotaci Diane et Suzanne Chilton réagissent au reportage de la journaliste Anne Panasuk d’Enquête sur les femmes autochtones victimes de pédophilie. Elles dénoncent la lenteur et les incohérences du système judiciaire dans ce type de cas. Leur confiance en la justice est ébranlée.

Des femmes autochtones inquiètes Photo : Radio-Canada/Sandra Ataman

La présente fait suite à la diffusion de l’émission Enquête, jeudi dernier. La journaliste a précisé que toutes les femmes qui y avaient témoigné étaient motivées à la fois par le désir de protéger les enfants et celui de mettre fin au cercle vicieux des abus. Il en est de même pour nous aujourd’hui.

Les femmes atikamekw qui ont eu le courage de dénoncer leurs agresseurs, qui occupaient des postes d’autorité au sein de la communauté de Wemotaci au moment des agressions, ont dû patienter plus de 10 ans avant que le processus judiciaire ne soit complété. Toutes ces années d’attente ont représenté autant d’années de souffrance, de découragement et de perte de confiance dans le système de justice étatique. Comment peut-on expliquer cette lenteur du système judiciaire alors que le procureur du DPCP était prêt à aller de l’avant dans ces dossiers depuis 2011 ? Qu’est-ce qui est à la source de ces délais indus ?

Dans l’un de ces dossiers, le contrevenant a été condamné à six années de pénitencier alors que le second, qui a finalement plaidé coupable, a été condamné à une peine d’emprisonnement dans la collectivité dont les six premiers mois doivent être entièrement réalisés à résidence. Et pour boucler le tout, on apprend au cours de ce même reportage que cet agresseur a été embauché par le conseil des Atikamekw de Wemotaci. L’ordonnance permet à l’agresseur de se retrouver à Wemotaci pour son travail, au risque de croiser les victimes.

Quel système de justice cautionne ces agissements ? Quel message est alors envoyé aux victimes d’agressions sexuelles ?

Comment pouvons-nous sérieusement penser à encourager les victimes à dénoncer leurs agresseurs alors que le processus judiciaire connaît de tels ratés ? Quelle parodie de justice ! C’est assez !

Le système de gouvernance de nos communautés est à revoir. Mais pour ce faire, il faut une action concertée des pouvoirs politiques autochtone, provincial et fédéral. Les autochtones doivent être les premiers impliqués dans la dénonciation des problèmes et la recherche de solutions qui leur conviennent.

Le gouvernement de M. Couillard a fièrement annoncé la tenue d’une commission d’enquête qui a pour mandat de faire la lumière sur les relations entre les peuples autochtones et les services publics. Outre la nomination du président et du procureur en chef de cette commission, la composition du groupe de travail n’est pas encore connue. Nous espérons grandement que des membres de nos communautés vont pouvoir y prendre une part active. Nous ne voulons plus de commissions menées par des allochtones sur les questions autochtones ! Nous voulons être impliqués !

UNE PLAINTE DIFFICILE À DÉPOSER

Dans ce même reportage, une femme innue de Uashat dénonce les difficultés qu’elle a dû surmonter pour déposer sa plainte auprès d’un corps de police. Celui de sa communauté ne voulait pas intervenir puisque l’agresseur allégué est le chef de cette communauté. La femme interpelle alors la Sûreté du Québec, qui lui répond qu’elle ne peut pas intervenir tant qu’elle n’est pas sollicitée par la communauté… Il a fallu l’intervention de la journaliste et d’un avocat pour que la plainte puisse enfin être déposée.

Nous voulons assurer à nos enfants et aux générations futures un avenir meilleur. Mais pour cela, il faut compter sur un système de justice digne de ce nom. Il doit en être de même des corps policiers de nos communautés. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour que les membres de nos communautés aient confiance dans le système de justice étatique. Nous prions les ministres de la Justice et de la Sécurité publique du Québec de faire des actions concrètes afin que les situations qui ont été révélées au grand jour grâce à l’émission Enquête ne se reproduisent plus.
DIANE CHILTON, RETRAITÉE
SUZANNE CHILTON, DIRECTRICE DE CPE*
* au nom du Mouvement Nikanik, en appui aux victimes

Source: IciRadioCanada

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