Amiens | Un signalement accablant au sein du Foyer éducatif Picard

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Un salarié dénonce des conditions de vie particulièrement alarmantes
Le rapport rédigé par les services du Département est édifiant et confirme les dires du salarié du Foyer éducatif picard qui dénonce les conditions de vie des enfants placés. Il évoque « des constats particulièrement alarmants » qui menacent la sécurité des enfants.

Signalement dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) d’Amiens – le salarié disait la vérité, le rapport est accablant.

Le rapport, signé par la Direction générale des services du Département, est accablant et confirme la version du salarié à l’origine d’un signalement visant le Foyer éducatif picard d’Amiens, où une soixantaine de jeunes sont placés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

On y apprend que deux unités, sur les trois que gère le pôle Enfance et familles de l’ADSEA 80, sont concernées par les graves dysfonctionnements constatés lors d’une visite d’inspection organisée en urgence le 31 octobre dernier, juste après son alerte.

Et la liste des griefs est longue à l’unité des Loupiots qui accueille les plus jeunes d’entre eux, âgés entre 8 et 11 ans : fuites calfeutrées avec des sacs plastiques, vitres cassées et bouts de verre apparents, détritus qui jonchent le sol, encombrement des pièces, saleté…

Le rapport indique aussi que la baie vitrée, fissurée à deux endroits dans la salle d’activité, présente un risque de blessure au regard de l’âge des enfants.

« Ces constats particulièrement alarmants laissent apparaître une dégradation significative et laissent craindre une dégradation des conditions de prise en charge des jeunes qui interrogent quant au respect de l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles (Ndlr : parmi lesquels figurent le respect de la dignité, de l’intégrité et de la sécurité des personnes accueillies) », pointe le Département.

Les espaces d’activité et de détente sont détériorés, sans décoration et non investis (absence de jeu, livres…). Les canapés sont détériorés et hors d’usage.

Dans le bâtiment des Chaumières, qui accueille, lui, des enfants âgés de 12 à 15 ans, la situation est tout aussi critique.

Outre le manque d’hygiène et d’entretien des WC et des salles de bains, qui sont « sales, malodorants et dégradés », on apprend que le sous-sol du bâtiment héberge quatre jeunes dans des conditions, là aussi, déplorables.

« Les toilettes sont dans un état d’insalubrité. La première salle de bains n’a pas de fenêtre, le sol y est incrusté de saleté et de moisissures. La seconde salle de douche n’a pas de vitre.

La mission a constaté la récente installation de barreaux (Ndlr : mais pas de fenêtre). Le lavabo n’est plus scellé au mur et menace de tomber. L’hygiène est très insuffisante. Les distributeurs d’essuie-main, savon et papiers hygiéniques sont tous vides et cassés… », liste le rapport qui insiste sur le manque d’hygiène et l’insalubrité à tous les étages du bâtiment.

Si la mission d’inspection précise qu’elle n’a pas procédé à la visite des chambres des enfants, en l’absence d’ordonnance du juge des libertés et de la détention, elle accable l’association sur son manque d’investissement dans les espaces non privatifs.

« Les espaces d’activité et de détente sont détériorés, sans décoration et non investis (absence de jeu, livres…). Les canapés sont détériorés et hors d’usage », et là aussi, elle déplore un manque d’hygiène.

La photo d’un rat présent dans la laverie du bâtiment, auquel ont accès des jeunes accompagnés des éducateurs, vient aujourd’hui aussi contredire la version de l’association qui réfutait la présence de nuisibles au foyer.

Des travaux ont commencé dans les bâtiments, après l’injonction adressée à l’ADSEA demandant la remise en état des locaux sous 8 jours.

Des élus du personnel déclarent : « Nous avons vu les locaux, personne ne voudrait y mettre ses enfants ! »

Dès le début de l’affaire, l’alerte a été prise très au sérieux par ces membres du comité social et économique (CSE) de l’ADSEA 80 qui avait déjà, l’été dernier, fait remonter à la direction des dysfonctionnements au sein du Foyer éducatif picard.

« Ces locaux, nous les connaissons, nous avions déjà eu l’occasion de les visiter dans le cadre de nos fonctions au CSSCT (Ndlr : commission santé, sécurité et conditions de travail) et ce que nous y avons vu nous avait choqués à l’époque.

Tout ce que dit le salarié est vrai. Personne n’accepterait d’y mettre ses enfants ! »

soutient Geoffrey Lacroix, délégué central Force ouvrière et élu titulaire du CSSCT qui, avec son collègue, Nicolas Léandri, élu lui aussi dans cette commission, rendront ce lundi 25 novembre, lors d’un CSE extraordinaire, leur propre rapport complété par des préconisations.

« Beaucoup de questions se posent aujourd’hui : comment on a pu laisser un bâtiment accueillant de jeunes enfants se dégrader autant ? L’ADSEA 80 nous explique aujourd’hui que le Département ne lui a jamais rien dit. En gros : on ne leur a pas demandé de faire des travaux jusqu’ici ni de fermer donc on continue comme si de rien en attendant un feu vert qui n’arrive jamais…

Nous, en tant qu’élus, nous disons que, très certainement, des moyens n’ont pas été mis au bon endroit, et cela au détriment des jeunes », assume Geoffrey Lacroix qui s’étonne de voir que le grand parc du foyer ne dispose pas, par exemple, de buts de foot pour les enfants, de paniers de basket, ni même d’un toboggan.

Pour lui, des solutions doivent être envisagées de façon urgente.

« Comme celle, par exemple, de fermer le foyer le temps de faire des travaux. Les enfants rejoindraient provisoirement d’autres bâtiments libres et propres de l’ADSEA 80 en attendant. Oui, cela engendrera des contraintes mais ce sera toujours mieux que de vivre dans ces conditions déplorables. »

La direction : « Oui, il y a des choses à améliorer »

Restée silencieuse jusqu’à aujourd’hui sur le sujet, la direction de l’ADSEA 80, qui gère le foyer, reconnaît des dysfonctionnements mais insiste sur le manque de moyens alloués à la Protection de l’enfance pour mener à bien ses missions.

« Des projets et des devis, nous n’en manquons pas ! Le problème, ce sont les moyens dont nous disposons pour travailler correctement et mener à bien nos projets », justifie Isabel Dos Santos, directrice depuis septembre 2024 du Pôle enfance et famille de l’association, qui explique que des travaux ont démarré depuis la visite d’inspection.

Et sur le manque d’entretien des locaux ? Les moisissures ? Le mobilier ou les vitres cassés ?

« Ce sont des enfants qui ont un parcours très difficile et il arrive qu’ils commettent des dégradations lors de violentes crises par exemple que nous essayons de contenir du mieux que nous pouvons.

Malheureusement, des vitres cassées ne peuvent pas toujours être réparées du jour au lendemain, faute d’artisan disponible. Il ne s’agit pas pour nous de minimiser la situation, il y a des choses à améliorer et c’est ce que nous faisons actuellement, conformément aux injonctions du Département. »

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