Yvelines | Deux ex-pompiers de Paris condamnés à 4 ans et 15 mois de prison avec sursis

oui

Pédocriminel En liberté

Un troisième a été acquitté
Dans quelques mois, Julie doit se marier. Son combat judiciaire se poursuit, devant la cour européenne des droits de l’homme. Elle y attaque la France pour le traitement qui lui a été réservé lors de l’enquête initiale, qui avait débouché sur un non-lieu. La plainte a été jugée recevable.

Actualisation du 27/11/2024:

Il aura fallu 14 ans.

Julie (le prénom a été changé) est reconnue comme victime.

Ce mercredi, le tribunal de Versailles a rendu son délibéré dans l’affaire qui opposait cette adolescente, âgée de 13 à 15 ans au moment des faits, à trois pompiers de Paris qu’elle accusait de viol en réunion.

Les faits, requalifiés en « atteintes sexuelles » au cours d’une bataille judiciaire interminable, ont été examinés à huis clos, les 15 et 16 octobre devant la huitième chambre du tribunal correctionnel.

Pierre C., 20 ans à l’époque, qui a entretenu avec Julie une relation de plusieurs mois, a été condamné à 4 ans de prison avec sursis simple. Cette peine va au-delà des réquisitions du ministère public dans sa durée (3 ans), mais lève les conditions du sursis probatoire demandées.

Son co-prévenu écope de 15 mois avec sursis, au lieu des 12 requis.

Le troisième a bénéficié d’une relaxe, attendue. Il n’était pas entré en contact physique avec la victime pendant les faits.

Ces deux condamnations, arrachées au terme d’un éprouvant combat judiciaire, représentent pour Julie et ses proches « un immense soulagement », explique son avocat, Me Emmanuel Daoud.

« On ne pourra plus dire d’elle qu’elle est une menteuse. Elle a été crue. Elle peut poser le pied sur une première marche solide pour se reconstruire. »

Cependant, la mère de Julie a confié être « effondrée ».

« Après 15 ans de combat, qu’est-ce que je dis à ma fille ? » s’interroge-t-elle.

« C’est une gifle qu’elle prend, l’un des deux condamnés n’était même pas là pour accueillir sa peine et ils sortent libres du tribunal »

Traitée comme si elle était responsable des faits

Pendant près de deux ans, la collégienne, en grande souffrance psychique, a servi de jouet sexuel à des pompiers qui se passaient ses coordonnées comme un bon plan.

L’adolescente a subi des rapports sexuels, reconnus par leurs auteurs, dans des parcs, des parkings, sur le capot d’une voiture, à une période de sa vie où elle enchaînait crises d’angoisse, scarifications, et tentatives de suicides.

Les soldats du feu, appelés plus d’une centaine de fois à son secours lors de ses crises, sont les mêmes qui ont abusé d’elle.

« Ces faits commis aujourd’hui seraient jugés devant une cour criminelle pour viol » remarque Me Pierre-Philippe Boutron-Marmion, avocat de l’association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE), partie civile au procès.

Depuis 2021, la loi stipule qu’un adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un mineur, si ce dernier a moins de 15 ans.

Mais à l’époque, pas si lointaine, où Julie a déposé plainte, l’enquête a achoppé sur le supposé consentement de la jeune fille, présumée « demandeuse » des rapports sexuels avec les pompiers.

« L’environnement légal, et la société, ont complètement changé entre-temps. Ce procès, à cet égard, appartient déjà au passé », relève Me Boutron-Marmion.

Pierre C., le principal mis en cause, qui travaille aujourd’hui dans une entreprise d’aide à la personne, ne fera pas appel de la décision.

« Il attendait cette condamnation et accepte la sanction », affirme son conseil, Me Daphné Pugliesi.

 

Articles du 17/10/1024:

Ces trois hommes comparaissent à partir de ce mardi devant le tribunal correctionnel de Versailles (Yvelines) pour « atteinte sexuelle ».

Un délit et non un crime, qui suppose le consentement de la plaignante, quand bien même celle-ci n’était âgée que de 14 ans au moment des faits. Et une peine encourue divisée par deux — 10 ans de prison contre 20 pour viol aggravé.

L’audience devrait se tenir à huis clos.

« Une aberration », dénonçait Julie auprès du Parisien, qui l’avait rencontrée en 2018 alors que la justice s’orientait vers cette qualification a minima.

Celle-ci décrivait alors deux ans durant lesquels sa vie était devenue un « enfer », après être devenue l’objet sexuel d’une vingtaine de pompiers, de ses 13 à ses 15 ans, principalement dans le Val-de-Marne.

Des relations que les intéressés avaient reconnues au cours de l’enquête, sans jamais avoir été inquiétés, expliquant que la toute jeune adolescente était « demandeuse ».

À cette période, celle-ci est en réalité en pleine dépression, après avoir subi du harcèlement en classe de 5e. Elle multiplie les crises de tétanie et d’angoisses, se scarifie, nécessitant l’intervention régulière des pompiers — plus de 130 sur la période.

Elle développe alors une fascination pour les hommes du feu, fait un stage dans une caserne proche de son domicile du Val-de-Marne

Tous ces pompiers venaient la chercher en uniforme

C’est dans ces conditions qu’elle rencontre Pierre C., l’un des trois prévenus avec qui elle va entamer une relation de plusieurs mois.

Parlant d’abord d’« amitié sexuelle », Julie expliquera plus tard réaliser qu’elle n’était pas en état de consentir et évoquera des rapports sexuels imposés. Mais un épisode, en particulier, va déclencher son dépôt de plainte.

Entre deux séjours en hôpital psychiatrique, fin 2009, Pierre C. l’emmène en voiture à son domicile dans les Yvelines. C’est là que Julie subit, dit-elle, un viol en réunion, deux autres sapeurs-pompiers ayant été conviés sur place.

Elle a 14 ans, eux 20 et 21. S’ils nient les paroles dégradantes et les gestes violents décrits par Julie, tous reconnaissent les relations sexuelles… mais expliquent avoir « cédé » aux assauts de celle-ci, qui se serait même « agrippée au pantalon » de l’un d’eux.

Pierre C., pour être intervenu régulièrement lors des crises de Julie, connaissait pertinemment sa fragilité, ainsi que son âge.

Sur ce point, les deux autres assurent avoir eu des doutes et questionné leur hôte, qui leur aurait répondu :

« T’inquiète. »

Un flou qui pourrait leur permettre de solliciter la relaxe, la notion d’autorité n’ayant même pas été retenue par la justice, « alors même que tous ces pompiers venaient la chercher en uniforme », soupire Me Emmanuel Daoud, avocat de Julie

« Il aurait dû, à partir du moment où il a su qu’elle avait 14 ans, cesser la relation, qui n’était d’ailleurs pas que sexuelle, plaide Me Daphné Pugliesi, l’avocate de Pierre C.

Mais il ignorait qu’elle prenait un traitement ou qu’elle avait fait des passages en hôpital psychiatrique », détaille la pénaliste

Étiquetée coche (pour cochonne) dans les casernes du sud francilien

« Comment est-il envisageable de soutenir qu’on ne s’est rendu compte de rien, ni de son âge, ni de son état ?

On parle d’une enfant malade, soumise alors à un traitement lourd – anxiolytiques, neuroleptiques, antidépresseurs –, qui à l’époque avait déjà fait neuf tentatives de suicide.

Qu’il ne leur soit, à aucun moment, venu à l’esprit que quelque chose clochait en dit long sur leur appréhension du consentement », se désole Me Daoud, qui a également lancé un recours (non suspensif) auprès de la Cour européenne des Droits de l’homme pour obtenir la requalification en viol.

L’avocat conteste en effet le raisonnement ayant jusque-là prévalu, qui se basait notamment sur une expertise psychiatrique évoquant une « propension à la fabulation » de Julie qui, en cours d’instruction, avait fait plusieurs dénonciations mensongères. Sa demande de contre-expertise avait, à l’époque, été refusée.

La justice avait également estimé que les nombreuses relations avec d’autres pompiers, qu’elle avait pu un temps présenter comme « consenties », affaiblissait aussi ses accusations.

Me Daoud entend bien, pourtant, que ces autres pompiers répondent de leurs actes : il a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre 13 d’entre eux.

Si beaucoup prétendent avoir été « démarchés » par Julie, celle-ci a toujours expliqué avoir subi une énorme pression, recevant des demandes de toutes parts.

Comme l’ont reconnu, sans gêne, plusieurs de ces pompiers, ses coordonnées circulaient alors dans les casernes du sud de l’Île-de-France, où elle était étiquetée « coche » (diminutif de « cochonne »)

Julie reconnaît de son côté être parfois allée elle-même au-devant de ces relations pour « se faire du mal ».

« C’était comme me couper », avait-elle déclaré, alors en proie à de graves troubles psychologiques, et à des conduites à risque.

Ce qui n’a dérangé aucun de ces pompiers quand il s’est agi d’avoir des relations avec une gamine dans des parcs publics, des parkings, sur des capots de voiture et même dans les toilettes de son hôpital psychiatrique…

En 2021, la loi a été modifiée : un adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un mineur s’il a moins de 15 ans.

Mais celle-ci n’étant pas rétroactive, Julie ne peut pas en bénéficier.

« Si les mêmes faits se produisaient aujourd’hui, le débat serait déjà tranché », souligne Me Daoud.

 

Source(s):