Ces anonymes «chasseurs» de pédophiles sur internet
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 16/10/2019
- 00:00
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En France, ils sont plusieurs à «traquer» des présumés pédophiles sur la Toile. Ces justiciers s’attaquent à un problème selon eux délaissé par la police. Les forces de l’ordre alertent sur la dangerosité de telles initiatives.
Quatre mois de prison avec sursis. C’est la peine prononcée par le tribunal correctionnel d’Épinal début septembre à l’encontre d’un professeur des écoles des Vosges jugé pour détention d’images pédopornographiques.
Le juge a également ordonné une interdiction d’exercer une profession en lien avec des mineurs et une mise à l’épreuve de deux ans avec obligation de soins.
L’affaire remonte au mois de juin dernier, lorsqu’un groupe de lycéens décide de se faire passer pour une jeune fille de 15 ans sur un site de chat.
Entrée en contact avec un instituteur, «Lisa» donne rendez-vous au quinquagénaire au parc thermal de Vittel (Vosges).
Après la rencontre, les adolescents se rendent à la gendarmerie et indiquent avoir «tendu un piège à un pédophile».
Une perquisition est réalisée, des fichiers pédopornographiques sont retrouvés dans l’ordinateur du suspect qui est mis en examen dans la foulée.
«Des lycéens et toutes les personnes qui n’ont pas le statut de fonctionnaires de police ne disposent pas du pouvoir de faire des enquêtes.
Des mineurs qui s’adonnent à ce type de piège se mettent d’autant plus en danger.
Il faut laisser les forces de l’ordre faire leur travail», alerte Nicolas Heitz, procureur d’Épinal.
Un travail «insuffisant» selon l’association «Wanted pedo» , qui se dit spécialisée dans la lutte contre les pédophiles.
«Nous comptons 600 membres, répartis en 15 antennes sur tout le territoire», revendique Maxime Montaut, créateur et président de la structure.
Les bénévoles sont recrutés «sur entretien individuel. Nous demandons notamment un extrait de casier judiciaire», explique le militant qui a fait de la lutte anti-pédophile son combat.
«Wanted Pedo» propose du soutien aux victimes et leur famille, de l’aide psychologique et/ou financière pour les frais d’avocats et mène également des investigations pour démasquer des pédophiles.
«En moyenne, nous transmettons cinq dossiers par mois aux forces de l’ordre», assure le bénévole.
Enquêtes de voisinages, surveillance des déplacements
Alain a intégré l’association «il y a quelques mois».
Ses premiers contacts avec «Wanted Pedo» remontent à 2016, non pas en tant que bénévole mais en tant que parent de victime.
«Cette affaire concerne un animateur d’une école maternelle de Montreuil en Seine-Saint-Denis. Nous avions alors porté plainte avec plusieurs familles et «Wanted Pedo» nous est venu en aide», indique le père de famille.
Depuis, il a décidé à son tour de soutenir les victimes et leurs parents.
«Nous prodiguons toutes sortes de conseils.
Nous menons aussi nos propres investigations.
Lorsqu’il y a un soupçon sur quelqu’un, après le témoignage d’un enfant par exemple, nous nous renseignons par des enquêtes de voisinages et surveillons les déplacements de l’individu.
En revanche on ne tape pas et on ne harcèle pas !», déclare le bénévole.
Jean-Pierre Brard, ancien maire de Montreuil, a lui aussi été en contact avec cette association lors de cette même affaire, qu’il admet toutefois ne pas beaucoup connaître.
«Je ne les ai rencontrés qu’une seule fois. Il m’a semblé qu’ils étaient dans une sorte d’activisme anti-pédophile. Ils manquent peut-être de recul et de sérénité sur un sujet très délicat», confie-t-il.
Au fil des ans, l’association s’est «professionnalisée», assure Maxime Montaut.
De la création d’un faux profil d’enfant sur internet jusqu’à la rencontre, tout un protocole a été mis en place.
Leur terrain de chasse sont les réseaux sociaux et les sites de chat.
La prise de rendez-vous suspect est souvent très rapide:
«cela peut prendre entre un jour et une semaine».
Pour garder une trace des échanges, les conversations sont filmées via un logiciel.
«On attend toujours que l’adulte donne rendez-vous et on s’y rend à trois bénévoles au minimum.
En revanche, pas question de faire usage de la violence», souligne le président.
Le rendez-vous est lui aussi filmé, «non pas pour faire le buzz mais pour transmettre les preuves à la police», explique cet ex-chauffeur poids lourd reconverti dans la lutte anti-pédophile.
Cette méthode est bien connue des services de polices.
«C’est ce qui s’appelle une ‘’enquête sous pseudonyme’’», précise au Figaro François-Xavier Masson, directeur de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC ).
Le principe, pour le policier, est de se faire passer pour un prédateur ou un mineur.
Manque de moyens
Si Maxime Montaut s’est approprié ces méthodes policières, c’est parce qu’il «n’existe aucune brigade cybercriminelle anti-pédophile» selon lui.
«Il est vrai que nous manquons de moyens.
Mais c’est une réalité dans beaucoup de domaines.
Nous faisons ce que l’on peut avec ce qu’on a», concède François-Xavier Masson.
Il n’y a effectivement pas de service de police ni de gendarmerie dédié exclusivement à la lutte anti-pédophile sur internet, mais «n’importe quel service peut faire ce genre d’enquête. Ce n’est pas réservé à l’OCLCTIC», explique le fonctionnaire.
Pour ce qui est de la plateforme PHAROS qu’il dirige, «55% des signalements concernent les escroqueries.
En seconde place arrivent les atteintes sur mineurs qui représentent 10% à 15% des signalements.
Tous sont traités par nos services et donnent parfois lieu à des enquêtes» assure le directeur de l’OCLCTIC.
Stéphane Tarini, lui, s’est lancé dans une traque similaire il y a un an.
Tout a commencé lorsque son fils, Matteo, 10 ans, raconte avoir reçu un drôle de message sur le réseau social Snapchat.
«C’était la photo d’un individu debout, devant un miroir, tenant son sexe en érection avec un flash qui cachait son visage».
Un peu plus tard, le père de famille reçoit une proposition sexuelle sur le téléphone de son fils.
«J’ai immédiatement appelé cet homme».
Effrayé par l’appel de ce parent furieux, l’émetteur des messages bloque le compte de Matteo.
«Cet inconnu est entré en contact avec mon fils via Clash of clans ».
Ce jeu en ligne, très populaire auprès des adolescents, dispose en effet d’un chat.
Cette histoire aurait pu en rester là.
Mais pour Stéphane Tarini, hors de question de laisser cet homme entrer en contact avec d’autres enfants.
Il crée alors son propre compte Snapchat, dont le profil est un enfant de 11 ans et prétexte vouloir parler du jeu vidéo.
«J’ai décidé de faire jouer le temps en ma faveur pour gagner sa confiance.
Petit à petit, les conversations ont dévié».
Rapidement, l’homme propose au garçon de se masturber en ligne, via caméras interposées.
«J’ai acheté un autre téléphone pour prendre mon écran en photo», précise-t-il.
Car le réseau social Snapchat, précise à l’émetteur lorsque des captures d’écrans sont effectuées.
Photos, messages, adresses et même images Google Maps de la maison de l’individu résidant en Belgique…
Stephane Tarini a constitué un véritable dossier.
Après deux plaintes déposées, le dossier a été traité mais «classé sans suite par le procureur de Nancy en janvier 2019», explique Stéphane Tarini.
Un an plus tard, il est toujours en contact avec cet homme.
Le quarantenaire ne se décourage pas et continue d’échanger «l’air de rien».
«Je continue à rassembler des pièces en espérant qu’il pourra un jour être mis hors d’état de nuire.
Si la police n’agit pas, qu’elle ne reproche pas aux gens de le faire», conclut le père de famille qui envisage de se rendre en Belgique, où réside son interlocuteur virtuel, et prévenir les forces de l’ordre locales.
«Ces initiatives partent d’un bon sentiment.
Mais ça peut être un jeu dangereux.
Il faut faire attention à ne pas se substituer au travail des enquêteurs», répond François-Xavier Masson.
Source : Le Figaro
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