Disparition de l’INHESJ et de l’ONDRP : ou comment Macron a cassé le thermomètre.
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 16/10/2019
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Le podcast complet sur les chiffres de la pédocriminalité en France (dont cet article) est à retrouver sur notre chaine Youtube ou téléchargeable en mp3 ci-dessous (clic-droit puis “enregistrer la cible du lien sous”).
Podcast – Chiffres pédocriminalité Partie 1 (75′)
Podcast – Chiffres pédocriminalité Partie 2 (70′)
Ces deux structures étaient chargées d’étudier les actions du ministère de l’intérieur, notamment du point de vue statistique.
Même si le détail n’était pas vraiment au rendez-vous (délits et crimes agrégés dans des index, échelle départementale, rien sur les enfants disparus, rien sur les mineurs enterrés sous X, contexte de prostitution, de réseaux),
les chiffres étaient publiques (feu le site cartocrime) et ils nous ont permis jusqu’en mai 2016 (où pour des raisons mystérieuses les données n’ont plus été actualisées) de produire plusieurs analyses inédites de la pédocriminalité en France :
Étude de la saisonnalité de la pédocriminalité
De même c’est cette structure qui réalisait des études de victimation indépendantes et de grande ampleur (on demande aux gens pris au hasard ce qu’ils ont subi comme crimes et délits au cours de leur vie), ce qui est crucial pour savoir exactement et de manière réelle combien d’enfants (a minima) sont victimes de pédocriminalité dans notre pays.
Exemples d’études statistiques
Aujourd’hui le gouvernement fait le choix de casser le thermomètre, plutôt que de s’attaquer aux problèmes.
Au moins comme ça il est impossible de les quantifier.
Avec cette décision, l’ONDRP et l’enquête de victimation disparaissent donc dans leur forme actuelle, marquant ainsi un retour en arrière de près de 15 ans, à une époque où le ministère de l’Intérieur était le seul à communiquer et où il va le redevenir…
L’ex-directeur de l’INHESJ Christophe SOULLEZ se fend dans le Figaro du 11 octobre 2019 d’une tribune amer et pédagogique sur le constat.
A lire ci-dessous :
«Mort de l’INHESJ: la fin d’un regard indépendant sur le ministère de l’Intérieur»
L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales vont être supprimés par le premier ministre.
Or ces organismes sont indispensables pour évaluer en toute liberté l’efficacité de la lutte contre la délinquance, juge Christophe Soullez.
L’école militaire qui abrite l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.
L’école militaire qui abrite l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice. JOEL SAGET/AFP
Christophe Soullez est chef de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales et co-auteur de La criminologie pour les Nuls (First, 2012).
Le Premier ministre a décidé de supprimer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), créé par Pierre Joxe il y a 30 ans, et par voie de conséquence, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), mis en place il y a 15 ans par Nicolas Sarkozy.
Cette décision a de quoi étonner, détonner et consterner.
Le caractère interministériel de l’INHESJ permettait de dépasser les clivages, les rivalités de chapelles et les logiques de corps.
En effet, l’État se prive ainsi d’un des rares espaces d’échanges, de dialogue et de confrontation d’idées entre magistrats, policiers, gendarmes, professionnels du secteur privé de la sécurité, alors même que la nécessité de développer le continuum public-privé est régulièrement soulignée.
Sans compter que le développement de nouvelles approches sur le sens et les missions de la police et de la gendarmerie n’a jamais été aussi indispensable.
Le caractère interministériel de l’INHESJ et son positionnement formaient l’enceinte adaptée de production du savoir à l’attention des décideurs publics dans le cadre de l’élaboration des politiques publiques de sécurité et de justice.
Ils permettaient de dépasser les clivages, les rivalités de chapelles et les logiques de corps.
Certes, la recherche avait depuis longtemps été sacrifiée sur l’autel des contraintes budgétaires. Mais, justement, n’aurait-il pas mieux valu la renforcer plutôt que de la supprimer?
Quant à l’ONDRP, créé comme une structure indépendante du ministère de l’Intérieur ayant pour mission de produire des analyses sur la criminalité, afin en particulier de sortir des polémiques sur les chiffres et les évolutions de la délinquance, il s’est affirmé comme un organisme de référence éclairant le débat public sur ces questions et produisant de la connaissance sur de nombreux phénomènes criminels, à l’instar des violences faites aux femmes.
La conjoncture aurait dû inciter l’État à rechercher de l’intelligence et des compétences au-delà de la sphère purement étatique.
Il a surtout développé des relations de confiance avec les services opérationnels de la police et de la gendarmerie, ainsi qu’avec des juridictions, lui permettant de travailler sur des données qui n’étaient pas ou peu exploitées.
Avec l’Insee, il a conçu l’enquête de victimation, «Cadre de vie et sécurité», véritable baromètre de la délinquance, qui plaçait la France parmi les pays en pointe en matière de connaissance de l’insécurité.
Avec cette décision, l’ONDRP et l’enquête de victimation disparaissent donc dans leur forme actuelle, marquant ainsi un retour en arrière de près de 15 ans, à une époque où le ministère de l’Intérieur était le seul à communiquer et où il va le redevenir…
Cela s’avère d’autant plus préjudiciable dans une période où l’opinion publique (y compris les pouvoirs publics) exige d’être informée le plus précisément possible de l’état de la criminalité et de l’évolution des menaces et ce dans un contexte de transparence accrue.
Chaque ministère peut ainsi recréer son propre observatoire et «centre de recherche» pour liquider définitivement les synergies, la transversalité et les apports extérieurs, qui étaient rendus possible grâce à l’INHESJ et l’ONDRP.
Alors que dans ce contexte de rationalisation, le Premier ministre aurait dû fédérer, mobiliser et encourager les regroupements, il s’en remet aux ministères et donc aux logiques internes des administrations et de la défense de leur pré carré.
La conjoncture aurait dû inciter l’État à s’ouvrir sur l’extérieur et à rechercher de l’intelligence et des compétences au-delà de la sphère purement étatique. Il a préféré se refermer sur lui-même.
Source : Figaro
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