Le Creusot | Deux fillettes déjà victimes de viols incestueux par le passé, ont à nouveau été violées pendant plusieurs années par leur oncle devenu leur beau-père par alliance
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 30/01/2019
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D’abord violées par leur père, puis à nouveau violée par leur oncle, le martyr de deux filles a été entendu avec la condamnation du pédophile qui abusait de son statut d’autorité parentale. Il a été condamné à 16 ans de réclusion criminelle, suivis de 8 ans de suivi socio-judiciaire.
De 2010 à 2015, il se passait de vilaines choses derrière les portes et les fenêtres du domicile des petites, au Creusot. Des choses criminelles. Deux fillettes abusées par leur beau-père, dans un contexte familial dont tout pouvait alerter.
Tous les warnings auraient dû passer au rouge, il a fallu attendre 2016 pour que la Sauvegarde 71, ayant alors suffisamment d’éléments autres que symboliques en main, fasse un signalement au Procureur de la République de Chalon-sur-Saône.
Les deux fillettes sont peut-être victimes d’abus sexuels de la part de leur oncle. Leur beau-père ou leur oncle ? C’est le même homme.
Le père biologique fut condamné en 2005 pour des viols sur ses filles, puis fut plus tard à nouveau condamné pour des viols sur sa nièce.
Là-dessus, son ex-épouse se met en ménage avec son beau-frère, qui lui fit 5 autres enfants (elle en avait déjà 5, dont les deux filles sacrifiées deux fois). Donc tonton devient beau-papa, et dès son arrivée dans la famille, passe à l’acte.
Les victimes sont nées en 95 et 98, les faits portent donc sur des périodes antérieures, puis postérieures à leurs 15 ans.
En 2016 le signalement de la Sauvegarde 71 entraîne très rapidement le placement du couple en garde à vue. Lui, il nie, puis il concède qu’il s’est passé « des choses » mais pas à la hauteur de ce que dénoncent les jeunes filles.
Il savait pertinemment qu’elles avaient été d’abord victimes de leur père, de son propre frère. Une information judiciaire est alors ouverte, il est placé sous mandat de dépôt criminel, et incarcéré le 15 septembre 2016.
Depuis, il s’est rétracté encore, mais les éléments qui ont conduit au signalement persistent. L’une des jeunes filles était devenue fugueuse et fut placée chez un tiers de confiance à 17 ans. Son mal-être, ses difficultés, sa souffrance, tout a fini par s’exprimer autrement que par la fugue.
Les jeunes filles, ainsi qu’une de leurs sœurs, également entendue, sont restées constantes dans leurs déclarations, disant également penser aux autres, aux petits : il y a 10 enfants pris dans cette boucle familiale insensée, si ce n’est que l’oncle a épargné les siens.
L’accusé aura bientôt 50 ans. Il comparaît donc pour avoir « commis des actes de pénétration sexuelle sur X et Y, en l’espèce des pénétrations vaginales péniennes et digitales, avec cette circonstance que les faits ont été commis par personne ayant autorité, en l’espèce le beau-père de la victime ».
Quelle autorité ? En son sens premier, l’autorité renvoie à la capacité de faire grandir. Cette famille n’aura cessé d’abriter en son sein ce qui rend fou, ce qui abîme et peut détruire, la perversion de la vie symbolique, ou son absence. Ce vendredi 25 janvier au premier jour du procès, l’accusé est resté mutique et prostré.
Procès
Il est enroulé sur ses avant-bras posés sur le rebord du box, tête baissée, mutique. Il n’a pas touché à la bouteille d’eau posée dans le coin, avec un gobelet posé à l’envers sur le capuchon. Elle est là, pour lui, depuis vendredi dernier à l’ouverture de son procès devant la cour d’assises de Saône-et-Loire.
Il est jugé pour viols sur mineures, deux de ses nièces devenues ses belles-filles lorsqu’il s’est mis en couple avec leur mère. Leur père biologique avait été condamné à 10 ans de prison, pour les mêmes faits, sur les mêmes enfants.
Maître Diry commence ainsi sa plaidoirie le lundi 28 janvier, second et dernier jour du procès.
« Monsieur X ne m’a jamais demandé réellement de le défendre, et pourtant je dois le faire. Je me demande sérieusement depuis combien de temps il est mort. À mon sens il est mort de honte. Il vit de manière morbide en détention, il fait des grèves de la faim. Il est dans la négation totale de sa condition d’homme. Je ne me suis jamais heurté à un mur pareil »
L’accusé souffre d’une grave dépression, « conséquence directe de ce qu’il a fait », dit son avocat. « Il a quand même dit aux experts psychiatres : je ne me le pardonne pas. »
« Je ne me le pardonne pas », c’est déjà une reconnaissance des faits, a minima. Mais y a-t-il un minima en matière de passage à l’acte incestueux ?
Ce lundi matin, la présidente Podevin, en bute, elle aussi, à ce mur, s’est vue contrainte de procéder aux lectures de toutes les auditions de cet oncle/beau-père, pour donner aux jurés et aux juges assesseurs l’ensemble des positions de l’accusé. « C’est des conneries », dit-il lors de la 1ère audition. Il reconnaît toutefois sa « sévérité ».
« Cheveux arrachés, tête qui claque contre le mur, coups de pieds aux fesses », développera l’avocate générale Aline Saenz-Cobo. À l’époque, 5 bières par jour, et 10, les jours de repos. Il était peintre en bâtiment.
Les jurés sont comme en dedans d’eux-mêmes, durant la lecture suivante si impudique, si difficile :
« Oui, j’ai mis ma main dans sa culotte, puis j’ai mis sa main sur mon sexe, jusqu’à l’éjaculation. Oui je l’ai pénétrée avec mes doigts. Elle me disait « arrête » mais je continuais, je pense que c’est ça qui l’a fait partir. (…) À force, elle ne disait plus rien, elle était habituée »
L’avocate générale requiert 18 ans de réclusion criminelle
Il raconte les fréquences, il raconte la demande de silence aux deux enfants martyres. Il regrette, leur demande pardon, et à sa femme aussi. Puis il y eut une autre audition, et un interrogatoire de 1ère comparution devant la juge d’instruction :
« Les actes sexuels que je faisais sur X et Y me suffisaient, je pensais que c’était plus facile, qu’elles n’allaient rien dire parce que mon frère les avait déjà violées »
Plus tard il se rétracte, et arrive à son procès maigre, faible, et muré. « Il faut aller chercher la vérité là où elle est, requiert l’avocate générale, du côté des victimes ». Elle explique le travail d’analyse, de recoupements, de confrontations de leurs déclarations « stables » :
« Elles n’en rajoutent pas. Elles auraient pu, mais ne l’ont pas fait, et le contexte des révélations compte lui aussi »
Dans le box, sous la tablette, l’accusé ne bouge qu’une main. Il l’ouvre doigt par doigt, la referme en poing, puis recommence, répétition qui tourne à vide.
« Il a abusé de son autorité et de sa violence. Elles ont dit ‘non’, cela ne l’a pas arrêté. Il a abusé de leur vulnérabilité extrême : leurs âges et les viols précédents, c’est du pain béni pour un agresseur »
Aline Saenz-Cobo requiert 18 ans de réclusion criminelle et le retrait de son autorité parentale.
Enfants « sans protection familiale »
« Comprendre pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi encore elle ? » demande maître Lépine pour X, l’aînée. Elle décrit une scène parmi d’autres, « effroyable ».
« Elle avait 11 ans, et ça a duré 7 ans… mais il n’y aura aucune réponse, il s’est servi d’elle comme d’une boîte de jeu. On prend, on dispose, on referme, on range, jusqu’à la prochaine fois. Ne pas oublier sa place : victime »
Le mot « place » est si important, si décisif dans ces familles où l’on mélange tout, on l’on efface les limites, où on les bafoue. Et si l’accusé est « dans la négation de sa condition d’homme », il fut, dans ses passages à l’acte, dans la négation absolue de ce qu’étaient ses enfants-là.
Maître Lamain le rappelle pour Y, la seconde :
« Violée tout petite (par son père) puis à nouveau (par le frère de son père). Sans protection familiale. Une alerte lors de ses 6 ans. On l’a dite traumatisée, mais on leur a demandé de se taire et d’oublier, sans suivi médical. Puis 5 nouvelles années d’abus… »
Les deux avocates racontent les scolarités difficiles, les maux de ventre. Comment faire confiance ? Comment chasser les images qui reviennent ?
Une psychologue a rencontré la plus jeune, en 2016. Il n’a pas que les jurés qui semblent au-dedans d’eux-mêmes durant les lectures de la présidente, on l’est tous, et certains doivent contenir ce que « ça fait » d’entendre « ça » parce que ça fait mal.
La plus jeune des filles abusées dit s’en vouloir d’avoir « sacrifié la vie de famille ». Elle continue :
« Ceux qui aiment violer, c’est dégueulasse. Ils ont leurs femmes, pourquoi faire ça à des enfants ? (…) quand V. (l’oncle) le faisait, je le laissais faire, j’étais ailleurs »
Détresse émotionnelle, hypervigilance, difficulté à faire confiance aux autres, absence d’estime de soi, honte, « traumatique complexe de type 2 » conclut la psychologue, qui a cette formule qui éclate à l’intérieur de soi, par sa force : « effet sidérant sur ses pulsions de vie ». Quoi de plus moche, de plus meurtrier, en dehors du meurtre lui-même ? Rien.
Comment l’accusé, homme « frustre, à l’intelligence limité » pouvait-il aborder ces questions ? Benoît Diry continu sa plaidoirie :
« Il lui manque tous les outils dont nous disposons. (…) Intelligence limitée et absence de personnalité, ça fait un bouillon… et l’inceste ne surgit pas de nulle part »
L’avocat parle de « catastrophe annoncée », « une famille comme ça, les services sociaux auraient dû avoir un œil dessus » (la présidente acquiesce).
Ce point est intéressant car les révélations ont surgi dans un contexte privé : en 2016, Y, la plus jeune, vivait placée chez une femme, « tiers de confiance » à qui l’autorité judiciaire avait confié l’autorité parentale. Cette femme a une fille, et Y va lui parler. La fille, légitimement, s’en ouvre à sa mère en lui demandant de garder ça pour elle, mais devant la gravité des faits, sa mère va agir. Elle dépose en août 2016, puis tout s’enclenche.
Le procès touche à son terme, « Il n’a été qu’à trois moments avec nous, rappelle Benoît Diry à la cour. Lorsqu’il a été question de ses enfants, lorsqu’il a été question du coup de foudre pour sa femme, lorsqu’il a été question de son travail. Soit les choses dont il peut être fier »
La présidente Podevin demande à l’homme qui se maintient enroulé sur lui-même s’il a quelque chose a ajouter pour sa défense. Ce à quoi il répond il simple « Non ».
La cour et les jurés le déclarent coupable et le condamnent à 16 ans de réclusion criminelle, suivis de 8 ans de suivi socio-judiciaire.
Florence Saint-Arroman
Source : creusot-infos.com
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