Témoignage | Isabelle Sezionale demande la fin de la prescription

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#MeTooInceste : “la victime paye toute sa vie”
#MeTooInceste : “la victime paye toute sa vie”, selon cette Niçoise qui se livre et demande la fin de la prescription

De ses 4 à 14 ans, elle explique avoir été violée par un membre de sa fratrie. Il lui faudra 50 ans pour en parler. Isabelle Sezionale demande la fin de la prescription qui est aujourd’hui de 30 ans alors que le le hashtag #MeTooInceste inonde les réseaux sociaux.

Depuis plusieurs jours, les témoignages sur Twitter sous le hashtag “#MeTooInceste” se multiplient. Une Niçoise, Isabelle Sezionale s’est livrée sur son passé, son combat : l’imprescriptibilité.

Stop à la prescription

50 après les faits, Isabelle Sazionale sort du silence. Depuis 2018, la loi prévoit un délai de 30 ans à compter de la majorité.

“La victime paye toute sa vie, ça c’est imprescriptible, alors que le bourreau, il bénéficie de la prescription.”

Isabelle Sezionale

Pourquoi est-ce que vous demandez la fin de la prescription?

Si on prend un cas comme moi, quand vous vous réveillez, vous n’avez plus le droit à la parole. Au final, le jour où enfin vous arrivez à avoir le courage, vous payez encore.

Autre argument, il est rare qu’un bourreau n’ait qu’une seule victime, c’est aussi pour éviter que ça se reproduise, même 30 ans après. Dans mon cas, il m’a fallu 50 ans pour en parler et me sentier capable d’écrire un livre.

Les débats actuels portent sur l’âge notamment enlever la notion de consentement pour “tout rapport sexuel avec un mineur de 13 ans” qu’en pensez-vous ?

Pour moi, il ne peut pas y avoir de consentement. Pour parler d’inceste, à partir du moment où il y a un lien de famille, cela signifie qu’il y a un ascendant, une hiérarchie, un rapport de force.

Qu’est-ce qui vous a poussé à garder le silence tant de temps ?

Vers 14 ans, alors que je lui dis que je veux que ça s’arrête, il me fait chanter et j’ai marché là-dedans. Il me dit “si ça s’arrête, je vais raconter tout ce que tu as fait”. La culpabilité et la honte m’ont paralysées. C’est de la manipulation. Dans mon cas, ce n’est pas de l’amnésie traumatique car je le savais très bien, je m’en souvenais mais je l’ai enfui. Il m’a fallu du temps et un travail thérapeutique de 8 ans pour sortir de la culpabilité.

J’avais essayé d’en parler. Je n’ai pas 10 ans lorsque la nounou voit le sang dans ma culotte, elle m’a dit qu’elle allait en parler à ma mère, mais je n’en ai eu aucun retour. A 24 ans, je l’ai dit clairement à ma mère, mais rien n’a bougé.

Vous avez participé au #MeTooInceste, est-ce qu’un hashtag peut faire bouger les choses ?

Je suis très optimiste, il y a ce mouvement aujourd’hui qui refait surface avec le livre de Camille Kouchner. C’est un accélérateur parce que ça touche des personnalités publiques. Mais dans tous les cas, ça donne du courage, il faut en profiter.

https://twitter.com/ISezionale/status/1350484247048548356?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1350484247048548356%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Ffrance3-regions.francetvinfo.fr%2Fprovence-alpes-cote-d-azur%2Falpes-maritimes%2Fnice%2Fla-nicoise-isabelle-sezionale-livre-son-temoignage-sur-l-inceste-et-demande-la-fin-de-la-prescription-1919353.html

 

Malgré tout, ça fait avancer les choses, il y a des propositions de lois qui émergent.

Cinq livres, une condamnation

Son histoire c’est à travers des livres qu’ Isabelle Sezionale l’a raconte. Mais en 2015, c’est elle qui est condamnée à versé 1€ symbolique aux membres de sa famille pour atteinte à la vie privée.

Pourquoi avez-vous eu besoin d’écrire ?

Vers 55 ans, je me suis séparée de mon mari, ça m’a réveillé des tas de choses. Et puis, je suis retournée dans ma maison d’enfance où il se passait ces choses. Une chambre n’existait plus, ça m’a fait un choc, c’était comme-ci les faits n’avaient jamais existé. J’ai commencé à écrire ce premier livre d’un jet. J’ai décidé de le publier en mon nom parce que c’est ma vie et j’avais besoin de me la réapproprier. Des membres de ma famille ont porté plainte contre moi pour atteinte à la vie privée, je m’y attendais. Continuer à écrire, m’a aidé à dépasser le fait que je perdais le procès.

Mes trois premiers livres sont sur le thème l’inceste, mais dans le troisième un dénouement heureux donne l’espoir.

Le quatrième livre aborde sous forme de roman l’impact des traumatismes sur l’épigénétique.

A partir du cinquième c’est un tournant sur ma trajectoire d’écriture, l’inceste n’est plus présent.

Isabelle Sezionale

 

Avant la littérature, j’ai été attirée par les maths parce que c’est clair, c’est net, il n’y a pas d’affect.

Je pense que vu que je n’avais pas le droit de parler, je n’ai pas utilisé les mots. Et là, ça a été une révélation ,j’ai découvert la force d’écrire.

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez été condamnée ?

Quand j’ai reçu l’assignation d’une partie de ma famille, c’est comme si on m’avait mis un coup de poing en pleine figure. Ils ont voulu me faire taire encore une fois.

Mais au fond de moi, j’avais envisagé quand même de recevoir cette condamnation.

Est-ce que c’est dur d’utiliser le conditionnel ? (Pas de procès, pas de victimes)

Il y a quelques années, ça m’a choqué, aujourd’hui ça m’est égal. Dans la mesure où moi, je me reconnais comme une victime, je n’ai pas besoin de la reconnaissance des autres. Je connais la loi, on n’a pas le choix.

Aujourd’hui, comment vous vous sentez ?

Aujourd’hui, je suis heureuse. Au final, le procès ça m’a fait permis de couper les liens, on m’a enlevé les chaînes. Maintenant, je me sens plus libre dans ma tête.

En 2017, elle livrait son histoire sur France 5.

Vidéo #MeTooInceste : “la victime paye toute sa vie”

Le livre de Camille Kouchner a rouvert le débat sur l’inceste, un sujet profondément tabou et encore minimisé alors qu’il serait massif en France.

Près d’1 personne sur 10 est potentiellement touchée.

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