Viols à distance : «Des crimes difficiles à détecter»

Cathal Delaney, chef d’unité pédopornographie au Centre européen de lutte contre la cybercriminalité d’Europol.

En première ligne dans la lutte contre la pédopornographie, Cathal Delaney alerte sur l’augmentation des délits à distance, en direct sur Internet.

Euroactiv
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Le rapport d’activité d’Europol décrit comme une « menace clé » un nouveau type d’abus sexuels sur des enfants : en direct, à la commande, d’un bout du globe à l’autre, sur des plates-formes de streaming…

Cathal Delaney. Nous voyons en effet un nombre croissant de cas en Europe, notamment dans beaucoup de pays membres de la Communauté européenne. Ces faits sont rendus possibles par les évolutions technologiques, avec les mêmes outils que vous ou moi pouvons utiliser dans notre vie quotidienne.

Il y a un détournement croissant de ces plates-formes pour produire, disséminer, communiquer en vue d’abus sexuels. Beaucoup des individus qui se livrent à ces abus à distance en direct ont soit l’intention de voyager pour abuser eux-mêmes d’enfants, soit ont déjà fait le déplacement, et poursuivent le contact à distance après leur retour. Il est difficile de détecter des individus qui voyagent dans ce but, et d’alerter les pays concernés quand nous repérons ces abus.

Qui en sont les victimes ?

Ce que nous avons noté, c’est que l’attirance sexuelle reste dans le groupe ethnique, donc pour l’Europe les victimes sont majoritairement des enfants blancs de types dits « caucasiens » ou d’Asie du Sud-Est. On note une importance grandissante des enfants africains ou d’origine africaine. Nous mettons les victimes au cœur des investigations, afin d’abord de les identifier.

Ce type d’abus en direct complique-t-il les investigations ?

Ces transactions se passent généralement sur des réseaux qui sont cryptés de bout en bout, ce qui implique que même les fournisseurs de services ne peuvent pas connaître le contenu des échanges.

Ça rend plus difficile la détection de ces faits au moment où ils se déroulent, la collecte des preuves, ainsi que la prévention. D’autant que les agresseurs ont recours à des techniques de plus en plus complexes et sophistiquées pour accéder à des contenus, les créer, les distribuer.

Les agresseurs d’aujourd’hui ont la plupart du temps grandi avec ces technologies. Il y a une combinaison entre des enfants à l’aise avec Internet, particulièrement vulnérables, et une communauté d’agresseurs également connectée. Une communauté non seulement grandissante, mais aussi plus susceptible de se rendre sur le Dark Net pour communiquer, s’encourager les uns les autres à créer des images.

Une autre difficulté, c’est la montée en puissance de crypto-monnaies ou de moyens de paiement anonymisés.

Les agresseurs à distance utilisent également des moyens conventionnels, en faisant en sorte de transférer des sommes relativement faibles, en dessous des montants qui pourraient éveiller les soupçons, en matière de blanchiment d’argent par exemple.

Votre rapport pointe une autre destination de ces images ?

Elles peuvent être utilisées effectivement comme une monnaie. Quand un pédophile veut s’établir dans la communauté virtuelle où il sait que des images ou des vidéos s’échangent, il cherche à récupérer des contenus nouveaux, en abusant d’enfants ou, dans le cas des abus en direct, en commandant à distance des abus sexuels.

C’est un moyen de convertir l’argent qu’ils fournissent pour ces actes en une monnaie qui leur permettra de renforcer leur rôle dans le groupe, et d’obtenir ensuite d’autres images.

Et d’ailleurs, fréquemment, ces gens qui paient pour des crimes à distance se font même escroquer, sans possibilité de plainte. Évidemment, il est difficile d’expliquer à la police qu’on s’est fait voler dans ce contexte…

Source : www.leparisien.fr

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