Villeneuve-Saint-Georges | Mobilisation citoyenne après l’agression sexuelle d’Aminata, 8 ans

Une réunion contre les violences, convoquée après l’agression sexuelle d’une fillette du quartier Nord de Villeneuve-Saint-Georges, a réuni 80 personnes, mardi soir. Pour «que nos mamans arrêtent de pleurer».

Aminata, 8 ans, originaire de Villeneuve-Saint-Georges a été enlevée par un voisin à la sortie de l’école. LP/C.L.

« A Villeneuve-Saint-Georges, on a tout connu : les bagarres, les meurtres et la prostitution, dépeint tristement Tidjani, la trentaine. Mais l’histoire qui est arrivée à cette petite a été la goutte d’eau. »

« L’histoire » a eu lieu jeudi 14 novembre. Ce jour-là, Aminata*, une fillette de 8 ans du quartier Nord, est emmenée par un voisin d’immeuble sur un parking à Valenton, où il aurait tenté de la violer.

L’enfant ne devra son salut qu’à l’attention de deux cousins qui, intrigués par l’attitude du septuagénaire, ont ouvert les portes du véhicule puis soustrait Aminata à son agresseur, en attendant l’arrivée des forces de l’ordre.

Au drame de l’agression s’ajoutera celui de l’exposition : le visage de la petite fille fera le tour des réseaux sociaux avec la vidéo de ses deux sauveurs, qui ont immortalisé leur intervention.

Visionnée des centaines de milliers de fois, la séquence a jeté en pâture la famille de la victime et celle de son agresseur présumé. Et alimenté les plus folles rumeurs dans la ville.

« Arrêter l’hémorragie des rumeurs »

Plusieurs jours après sa mise en examen pour tentative de viol sur une mineure de moins 15 ans et son incarcération, des habitants juraient avoir croisé le pédophile présumé à la boulangerie.

« Encore aujourd’hui, j’ai une collègue qui m’a dit qu’il était dehors avec un bracelet électronique »,

souffle Boulaye, 35 ans, surveillant dans l’école qu’Aminata a réintégré la semaine dernière.

« Dans le feu de l’action, on a décidé de se réunir, entre jeunes, continue le pion. Il fallait arrêter l’hémorragie des rumeurs et stopper cette vidéo. Heureusement qu’il y a eu les Gilets jaunes, sinon elle aurait tourné en boucle sur BFM. »

Boulaye, Tidjani et une poignée d’autres ont donc lancé le Comité indépendant des jeunes de Villeneuve-Saint-Georges, qui tenait sa première réunion, ce mardi soir, dans la salle Averroès.

Une « soirée de soutien » à la famille d’Aminata. Et plus largement, un cri d’alarme sur la violence qui frappe la ville, devant les 80 personnes qui s’étaient déplacées. Parmi eux, quelques élus, qui n’ont pris la parole que pour assurer leur « soutien » aux proches de l’enfant.

« On ne compte absolument pas faire de la politique, ce n’est pas notre métier et d’autres le font, rappelle en introduction Christophe, l’un des membres fondateurs du Comité. Mais on veut pouvoir travailler avec la municipalité, peu importe sa couleur, être des relais entre les habitants de notre ville et ses élus. »

Dans la salle, où le lustre majestueux et les teintures tiennent plus du mariage que de la réunion sur la violence dans les cités, l’heure a d’abord été au soutien à la famille d’Aminata.

« Grande aventure » et « prise de conscience »

Montée sur l’estrade aux côtés de la maman, leur avocate, Me Mariame Touré, n’a pas souhaité s’étendre sur la « situation » de ses clients, partie civile dans l’affaire :

« c’est très difficile à cause des réseaux sociaux. »

Et a lancé un appel :

« Que ceux qui ne sont pas juge ni avocat arrêtent de donner leur avis. Et surtout, ne diffusez plus cette vidéo, qui ne sert plus à rien puisque l’information judiciaire est ouverte. »

D’Aminata, les échanges se sont ensuite ouverts à la nécessité d’une « mobilisation de tous » pour mettre fin à la litanie de drames qui a frappé Villeneuve-Saint-Georges cette année.

« Qui mieux que nous pour trouver les solutions pour nous-mêmes? interroge Hatou, membre du Comité. Après Mamadou [19 ans, abattu en pleine rue en mai] et Nicolas [23 ans, décédé après une pluie de coups en août], on a eu Aminata. »

« Qui sera le suivant ou la suivante, hein?

interroge Boubacar, le « Papa des Maliens » de la commune.

Il faut que tous, nous nous demandions ce qu’on peut faire pour que tout ça s’arrête. »

La voix éraillée par l’émotion, Soukouana prend le micro et conclut :

« Ce soir, ce doit être le point de départ d’une aventure, d’une prise de conscience. Tous, on doit agir pour sauver nos petits frères, et maintenant nos petites sœurs. Il faut que nos mamans arrêtent de pleurer. »

* Le prénom a été modifié.

Source : leparisien.fr

 

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