Victime de viol, je suis soulagée de voir que la parole des victimes se libère enfin

J’ai assisté hier soir au spectacle d’Andréa Bescond, “Les chatouilles”, au théâtre Antoine, puis au débat portant sur la nécessité de changer les lois en matière de crimes sexuels sur mineurs.

Ce débat se déroulait en présence de la garde des Sceaux Nicole Belloubet et de la secrétaire d’état à l’Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa.

La première dame de France Brigitte Macron était également présente, aux côtés de responsables politiques.

Je me suis fait la réflexion que cet événement avait lieu 40 ans après l’année 1977.

L’année où j’ai été violée, à l’âge de cinq ans, par un cousin qui n’a jamais été jugé en raison de la prescription.

Mais aussi, en France, l’année où de grands quotidiens et certains intellectuels (hommes et femmes) ainsi que certains politiques montaient au créneau pour justifier la pédophilie.

Je pense à la fameuse lettre ouverte sur “l’affaire de Versailles”, pour laquelle trois hommes étaient jugés pour “attentat à la pudeur” sur des garçons et filles de 13 et de 14 ans.

Dans cette lettre qui visait à défendre les accusés, on pouvait lire notamment :

“trois ans (de préventive) pour des bisous et des caresses, ça suffit”.

Aujourd’hui, ce type de remarques sur des agressions sexuelles à caractère pédophile serait inaudible et ferait immédiatement scandale.

Ou encore :

“il n’y a pas eu de violence, elles étaient consentantes”.

40 ans plus tard, s’ouvre enfin un vrai débat en France sur la nécessite de fixer un âge de consentement légal suite au choc provoqué par l’affaire de Sarah (ce qui montre que 40 ans, c’est beaucoup et à la fois peu en ce qui concerne l’évolution des mentalités).

Et les médias relaient désormais des pétitions dont le but est enfin de protéger les enfants.

En cette année 77, certains voulaient d’ailleurs faire croire à l’opinion que les véritables victimes du système étaient les pédophiles.

Aujourd’hui, les nouveaux héros sont les victimes qui osent parler, comme en témoignent l’affaire Weinstein ou le succès des hasthags #balancetonporc ou #metoo (#moiaussi).

Certes, il existait à la fin des années 70 un besoin d’exulter après avoir subi le joug et le corsetage rigides des générations d’avant-guerre.

Nombreux étaient ceux qui avaient besoin de crier voire d’imposer leur désir de liberté ou de jouissance “sans entrave”.

Et de porter aux nues la liberté d’expression absolue.

Oui, certes, mais uniquement celle des adultes, car de nombreux enfants, dont la petite fille que j’ai été, ont subi les dérives de cette libération, et leur seule liberté fut de se taire et de subir.

C’est pourquoi j’ai été émue d’assister hier à un moment symboliquement fort dans la reconnaissance politique de la gravité du problème des violences sexuelles sur mineurs.

Émue de constater que le ton général et la volonté qui semblaient prédominer visaient à libérer et écouter la parole des victimes.

De voir qu’aujourd’hui il est enfin possible de discuter d’une imprescriptibilité tellement nécessaire, ou d’amnésie post-traumatique, sans que les esprits se ferment ou ignorent le problème.

J’ai pensé à l’enfant que j’ai été mais aussi à nos aîné(e)s dont certains ne se sont autorisés à dire l’indicible que tout récemment, quand la plupart se sont toujours tus.

Pour toutes ces personnes comme pour moi, la justice ne passera jamais.

Leurs agresseurs sont souvent décédés ou proches de la mort, parfois ils sévissent encore…

Mais quelle satisfaction de voir que malgré tout, quelque chose de profond a changé en France.

Cela suscite en moi l’espoir que les générations actuelles et futures seront probablement mieux préservées du calvaire que nous avons enduré, si tant est que nous continuions tous à nous battre pour faire évoluer les lois et les mentalités dans un sens favorable.

Mie Kohiyama, journaliste et auteure de “Le petit vélo blanc” (sous le pseudonyme de Cécile B., chez Calmann-Lévy)

Source : Huffington Post

Voir également notre article : NON à l’abaissement de la majorité sexuelle à 13 ans !

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