Témoignage | Trois ans dans les griffes d’un pédophile

Violée à de multiples reprises entre 6 et 9 ans, cette Ardennaise de 31 ans veut aujourd’hui témoigner de son calvaire et de sa reconstruction pour aider les victimes qui gardent encore aujourd’hui le silence.

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« Je ne supporte pas qu’on ait de la peine pour moi ». Cécile (prénom d’emprunt) a aujourd’hui 31 ans : « je ne suis plus fragile. Je suis une battante »revendique-t-elle.

Un tempérament de guerrière que cette Ardennaise s’est forgée avec le temps.

Cécile est une enfant blessée. Une fillette qui s’est fait voler sa jeunesse « par un grand-père maternel pédophile ». Un homme qui a priorisé sa soif sexuelle à l’innocence de sa petite fille.

« Il m’a violée à de nombreuses reprises, des dizaines de fois » estime-t-elle. « Quasiment tous les mercredis, un week-end sur deux, et de nombreuses fois pendant les vacances », elle se retrouvait entre les griffes de ce prédateur sexuel.

L’horreur

À chaque fois le même rituel : « il envoyait ma grand-mère faire des courses, ou trouvait toute autre occasion pour m’isoler ». Une fois seul, il passait à l’acte.

Il la viole une première fois, puis une deuxième, une troisième… L’emprise physique sur cette enfant de 6 ans n’a fait qu’empirer. Des souvenirs à jamais gravés dans la mémoire de cette petite fille :

« je subissais, j’avais la gorge serrée, souvent il allumait la télé pour mettre un dessin animé (silence)… Je fixais un point au plafond et je m’évadais ailleurs… vers un monde meilleur ».

Lors des viols à répétition, elle abandonne son corps. Son esprit n’est plus là. Horrible. Le grand-père achetait le silence de sa petite fille « avec des bonbons », prétextant « un jeu, un secret à garder »… À 8 ans, Cécile réalise qu’elle n’aurait jamais dû vivre ce « cauchemar », lorsque sa mère commence « à lui expliquer la puberté », les bribes de la sexualité.

À 9 ans, « une rupture familiale » l’éloigne enfin des griffes de ce pédophile. Un moment de répit. Pour autant, elle s’accroche à son silence. Les années passent. Cécile reste une fille « renfermée », « isolée », « toujours à l’écart », « mal dans sa peau »… Un mal-être qui se traduit inévitablement à l’école.

Le poids du « secret »

Mais garder un secret aussi lourd devient épuisant. À 12 ans, la parole se libère. Elle trouve la force de tout avouer à sa mère, de ne plus se taire. Des paroles prises immédiatement très au sérieux, puisque deux heures plus tard, elle faisait face aux gendarmes.

Après plusieurs jours d’audition et des vérifications des enquêteurs, le grand-père était convoqué à la gendarmerie et placé en garde à vue. Il avouera une partie des viols.

Un an après, le « papy » est condamné à 12 ans de prison ferme par la cour d’assises des Ardennes.

« Trois jours de procès très éprouvants pour une jeune fille de 13 ans, se remémore-t-elle, un moment très pénible, intimidant où tous les regards étaient braqués sur moi, où il fallait raconter encore et encore ces viols… » se souvient-elle.

Le plus « dérangeant », faire face à son bourreau : « jusqu’au verdict j’ai croisé le moins possible son regard, je ne voyais en lui qu’une silhouette ».

Le verdict signe le début de la reconstruction pour Cécile.

« Les deux mois qui ont suivi, je n’ai pensé qu’à ça… Mais comment faire autrement lorsque tout le monde ne parle que de ça ».

Dans le cercle familial, le sujet devient « tabou » à la demande de l’adolescente :

« j’ai ressassé cette histoire régulièrement avec le pédopsychiatre, justifie-t-elle, à la maison je voulais vivre la vie la plus normale possible ».

Le suivi psychologique dure trois ans, « un moment délicat où il faut raconter, revivre par les mots cet épisode douloureux… mais la parole libère, allège », reconnaît-elle a posteriori.

« L’électrochoc »

Pendant ces années, elle se réfugie dans l’art, la sculpture, la poésie… « j’ai eu envie d’écrire pour exorciser cette rage intérieure, cette haine… » Dans les premiers temps, les idées sont noires. Les écrits aussi… Puis la couleur refait progressivement surface. Tout un symbole. À 15 ans, elle reprend sa vie en main : « l’envie d’avancer par soi-même, je voulais m’en sortir seule ».

Une vie n’est pas un long fleuve tranquille : « j’aurais pu très facilement sombrer dans la drogue ou l’alcool, mais je me suis toujours méfiée, car ça n’aurait fait qu’aggraver la situation ». Des moments de doute ressurgissent. Des plaies se rouvrent. Les idées noires masquent tout… jusqu’à une tentative de suicide :

« je me suis ouvert les veines », avoue-t-elle. Un geste de détresse qui traduit son malaise : « si on m’a mis au monde pour que je vive ça, ça ne vaut pas le coup »décrypte-t-elle avec pudeur.

Elle frôle la mort. En convalescence à l’hôpital, elle se confie à des infirmiers…

« Ils m’ont fait prendre conscience que j’étais vivante et que le meilleur était à venir, se souvient-elle, ça a eu l’effet d’un électrochoc, ça m’a mis un coup de pied au cul », lance-t-elle avec un sourire.

L’envie « d’exorciser »

Plus de dix ans après, cette phrase – toute simple – résonne encore dans sa tête. Elle cherche alors à positiver au maximum et se raccroche à des symboles : « les huit points de suture représentaient la cicatrice de ma douleur passée ».

22 ans après les viols, elle se sent aujourd’hui plus apaisée, plus forte et « plus guerrière que jamais ». Arrivée au bout de son calvaire, elle se sent prête à témoigner de son vécu dans un livre en cours d’écriture :

« j’ai envie d’écrire pour dire à chacune des victimes « levez-vous, brisez le silence ». Stop à ces enfances saccagées par des adultes qui tentent de leur faire croire que tout cela est normal ».

Source : http://www.lunion.fr

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