Tours | Assez de ces affaires de viols requalifiées en agressions sexuelles !

Ces affaires de viols qui n’iront pas aux assises

© (Photo d’illustration NR, Julien Pruvost)

Les affaires de viols requalifiés en agressions sexuelles se multiplient devant le tribunal correctionnel de Tours. La garantie d’une réponse judiciaire plus rapide, quitte à en atténuer la gravité ?

Le sujet est délicat.

« Nous parlons de viols correctionnalisés qui sont imposés à sa propre fille depuis l’âge de 3 ans ! »,

tonnait la représentante du ministère public, le 25 juillet en audience à Tours.

Un extrait de réquisitoire compliqué à comprendre du public et difficile à expliquer dans le sillage des mouvements #MeToo ou #BalanceTonPorc. Il illustre toutefois une tendance : la requalification de viols en agressions sexuelles.

Près de quinze affaires sur cent ouvertes pour viol ont finalement été jugées devant un tribunal correctionnel en 2018, d’après les statistiques du ministère de la Justice. Par souci d’une réponse judiciaire rapide quand les cours d’assises s’encombrent, avancent comme argument, unanimes, les avocats contactés sur le sujet.

Un viol est un crime qui impose d’être débattu devant une cour d’assises ; l’agression sexuelle un délit, jugé par un tribunal correctionnel.

« Ce n’est pas simple, d’assumer le fait qu’on serait tenté de minimiser, en apparence du moins, l’aspect psychologique de faits criminels de nature sexuelle pour qu’un dossier soit jugé plus rapidement (*) »,

reconnaît Me Louise Thomé.

Pourquoi, alors, la justice se retrouverait-elle à devoir trancher et à « hiérarchiser » les viols selon leur gravité ?

« La force de la preuve d’abord », répond Me Christophe Georges, pour qui « dire “ ce n’est pas un viol mais une agression sexuelle ” n’est bon pour personne. » « On ouvre parfois une information judiciaire pour viol et il arrive des moments où l’on considère qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments pour renvoyer en matière criminelle »,

éclaire le parquet.

La logique répondrait également à un souci de gestion des flux. Grégoire Dulin, procureur de la République de Tours, sans balayer l’opportunité de délais d’audiencement plus courts, réfute la philosophie.

« Il n’existe pas de politique de correctionnalisation : les affaires qui méritent un renvoi devant la cour d’assises le sont »,

insiste-t-il.

“Les assises restent la meilleure réponse”

Un traitement au cas par cas pour ces affaires sensibles.

« Il reste compliqué d’apporter la preuve d’un viol, il s’avère parfois plus opportun pour la victime de poursuivre pour agression sexuelle avec l’espoir d’une condamnation plutôt que de prendre le risque d’un acquittement aux assises »,

embraye Me Laura Izemmour.

Les assises ? « Cela reste la meilleure réponse en la matière », répond Me Louise Thomé. Peines plus lourdes pour l’accusé, jury populaire et débats conduits sur plusieurs jours…

Mais des voix s’élèvent aussi, nombreuses, pour éviter « cette épreuve ».

« Plus authentique mais aussi plus cruelle car, sur un jury populaire, l’éloquence des avocats peut prévaloir sur le fond du dossier »,

explique Me Georges.

« Ce qui est important est de se projeter sur l’audience, précise Grégoire Dulin. Je veux que le parquet estime que les faits sont constitués et qu’il soutiendra l’accusation quand il renvoie quelqu’un devant le tribunal correctionnel. »

La garantie d’une condamnation alors que le procès ferait figure de catharsis ?

« Les victimes n’agissent pas par vengeance mais pour libérer la parole et se voir reconnaître leur statut de victime »,

observe Me Izemmour. La peine « n’est pas la question de la victime », complète Louise Thomé.
Dix ans sont encourus en correctionnel, a minima le double aux assises.

(*) Pour une correctionnalisation, l’accord préalable des parties est systématique.

Source : lanouvellerepublique

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