Toulouse| Reconnu coupable d’agressions sexuelles incestueuses, il attend d’être incarcéré

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Pédocriminel En liberté

“Du haut de ses 10 ans, elle a affronté le regard de son papa”
photo d'une enfant prostrée dans le couloir d'une maison
Alors qu’une enfant de 4ans dénonçait les agressions sexuelles commises par son père (classement sans suite), celui-ci conserva sa garde. Parallèlement, il a été condamné pour “agression sexuelle” sur une mineure, sans que son ex-compagne n’en soit informée et sans révocation de son droit de garde.

À Toulouse, Sarah K. s’est battue pour que sa fille soit crue. Après avoir obtenu la condamnation du père incestueux, elle veut accompagner les victimes pour faire briser le tabou.

Sarah K. s’est battue pendant près de huit ans pour protéger sa fille. Elle vient d’obtenir la condamnation du père, des années après que Marie* ait raconté qu’il « s’amusait » avec elle. Un chemin semé d’embuches pour la mère, qui a dû se battre pour faire entendre la parole de sa fille.

Marie avait quatre ans en 2015 lorsqu’elle a raconté pour la première fois que son père la touchait de manière inappropriée. Déposition à la brigade des mineurs et prise en charge par l’unité de l’enfance en danger à l’Hôpital pour enfants, à Toulouse, une enquête pénale est ouverte… et finalement classée sans suite.

La magistrate sermonne le père et les deux parents, séparés avant la naissance de leur fille, conservent la garde partagée.

« On m’a menacée : on m’a dit que si je ne laissais pas ma fille à son père, je pouvais en perdre la garde, aller en prison, payer 45 000 € d’amende », détaille Sarah K.

« La justice ne veut pas voir l’inceste et les violences sexuelles ».

“Sa défense, c’est que j’étais aliénante et que je voulais lui nuire. Je l’ai quitté lorsque j’étais enceinte mais j’ai toujours tout fait pour qu’il créé du lien avec sa fille : ce n’est pas parce que ce n’était pas un bon compagnon pour moi que ça allait être un mauvais père”.

Dans les années qui suivent, la petite fille continue de voir son père et ne fait plus part de gestes déplacés. Jusqu’à l’automne 2019, lorsque son père est arrêté en pleine rue après avoir tenté de violer une jeune femme à Colomiers (Haute-Garonne). Inutile d’expliquer à Marie pourquoi son père est en prison, elle s’en doute.

Sarah K. est entendue par la police, et apprend que le père de son enfant à été condamné deux ans plus tôt pour une agression sexuelle sur mineur dans le collège où il travaillait, ailleurs en Occitanie.

« Il a fait son année en bracelet électronique alors qu’il avait la garde de sa fille », dénonce Me Myriam Guedj Benayoun, l’avocate de la mère.

Me Myriam Guedj Benayoun, avocate de Sarah K., s’insurge :

“Personne n’a trouvé bon de rouvrir le dossier de sa fille ni même de prévenir le juge des enfants pour le prévenir que ce type venait d’être condamné pour agression sexuelle sur mineur, que sa fille s’était plainte et qu’il faudrait peut-être rouvrir l’enquête, ou surveiller. Rien. Absolument rien. C’est une mise en danger d’un enfant. C’est un scandale !”

Cette tentative de viol renvoie le père devant un tribunal tandis que sa fille reprend la parole.

« Ma fille me confie que ça n’avait jamais cessé. Ça a été un tsunami, j’ai beaucoup culpabilisé de ne pas avoir su, pu la protéger. »

Après plusieurs années de procédure, le père a été condamné à six ans de prison pour la tentative de viol de Colomiers, et 25 mois pour agression sexuelle sur sa fille. Il n’a pas fait appel de sa première condamnation, sa peine pour agression sexuelle incestueuse a été confirmée par la Cour d’appel en janvier 2022, puis par la Cour de cassation le mois dernier.

La mère se dit satisfaite de cette condamnation, car les dossiers d’inceste vont rarement aussi loin.

« Du haut de ses dix ans, ma petite est allée au tribunal correctionnel de Toulouse. Elle a affronté le regard de son papa pour dire ce qu’il lui avait fait », retrace Sarah K.

« Elle a du stress post-traumatique, mais elle est soulagée depuis que la justice l’a reconnue victime ».

Surtout, Marie a eu la chance d’être crue par sa mère, qui aura tout fait pour la protéger. Ce n’est pas toujours le cas dans le huis clos familial, et les victimes en font souvent les frais.

« Un enfant, quand il n’est pas cru une première fois, il s’emmure dans le silence », souligne Sarah K.

Si sa fille avait été crue à l’âge de quatre ans, les agressions sexuelles dans le Lot et à Colomiers auraient pu être prévenues.

« Et ça aurait évité quatre ans de supplices à cette enfant, et toutes les conséquences qu’elle risque de vivre », souligne Me Guedj Benayoun.

Les deux femmes ont décidé d’attaquer la responsabilité de l’État.

« Le tribunal de Cahors lui a interdit de s’approcher d’autres gamines, mais pas de sa fille. Ces incohérences et ces injustices nous amènent à porter plainte contre l’État », explique la mère.

L’avocate vient de lancer la procédure à Paris.

En parallèle, Sarah K. s’est engagée dans l’association de Sarah Abitbol, « La Voix de Sarah », contre les violences sexuelles pour faire de la prévention.

« Je souhaite que notre dossier puisse servir à d’autres, et qu’on ne reproduise pas les mêmes erreurs. On a galéré, on a souffert, on veut permettre à d’autres enfants de ne pas être dans ce cas-là. »

Elle est en train de monter un cabinet d’écoute et d’accompagnement pour les victimes de maltraitance.

« Il faut absolument qu’on parle de ce fléau, que les enfants puissent libérer leur parole et que la peur change de camp. »

Sarah K. voudrait que le principe de précaution protège les enfants quand ils dénoncent des faits incestueux, et que les intervenants judiciaires et médico-sociaux soient formés à leur prise en charge.

« Il y a très peu de psychologues formés à la victimologie et au recueil de la parole des victimes », déplore l’avocate, qui a travaillé aux hôpitaux de Toulouse avant de rejoindre le barreau.

Me Myriam Guedj Benayoun :

“On a des décisions qui sont assez patriarcales, et des magistrats qui préfèrent s’appuyer sur le père rassurant, travailleur, qui apporte l’argent à la maison. C’est pour ça que c’est compliqué. Des cas comme celui de Sarah, il y en a tous les jours”.

Pendant ce temps, le père de Marie est libre. Depuis sa condamnation définitive, il est en attente de son incarcération pour purger sa peine.

« Je viens d’écrire au bureau d’exécution des peines pour leur signaler que le pourvoi était non-admis », indique Me Guedj Benayoun.

La mère s’étonne qu’il vive libre comme l’air à 12 kilomètres de sa fille, de sa victime.

*Le prénom a été changé.

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