Témoignage | Viol : “J’ai besoin d’être reconnue comme victime pour me reconstruire”

Victime de viols en réunion à 9 ans, Clémentine a vu son dossier classé sans suite. Depuis, elle essaie de se reconstruire, alors qu’on lui refuse son statut de victime.

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Il y a onze ans, alors que je n’avais que 9 ans, j’ai été victime de viols en réunion.

Pendant un an, un week-end sur deux, l’enfant que j’étais a été victime de viol de la part de jumeaux que ma nourrice, leur tante, gardait en même temps que moi. À l’époque, je ne comprenais pas de quoi il s’agissait.

C’était “normal” et, en même temps, j’avais peur d’en parler. L’un des frères m’avait menacé: si je racontais ce qu’il s’était passé, il retrouverait ma mère et la tuerait. Je suis donc restée dans le silence pendant plusieurs années, jusqu’à il y a quatre ans.

Pour une opération, j’ai dû effectuer un dépistage du VIH. Ce test a fait remonter mes souvenirs. Ma mère, qui avait alors perçu mon soulagement lorsque les résultats négatifs sont arrivés, ne comprenait pas.

Quelques mois plus tard, je lui ai tout raconté.

À ce moment, je ne saisissais pas encore la gravité des faits, contrairement à elle qui a immédiatement réagi.

Nous avons demandé conseil à notre entourage, qui nous a conseillé d’en parler aux autorités.

J’ai d’abord refusé, car j’avais peur, avant de revenir sur cette décision.

“Je vis avec cet horrible souvenir”

J’ai décidé de porter plainte en septembre 2013, j’étais alors âgée de 17 ans.

Pour prouver ces accusations, j’ai subi des examens médicaux et ai été confrontée à mes violeurs: ils ont absolument tout nié, avançant que je n’étais qu’une gamine laide, à laquelle ils n’avaient jamais prêté attention.

Cette confrontation s’est très mal passée. J’en garde un souvenir difficile. Et il y a de bonnes raisons à cela.

Sans que l’on me prévienne, l’affaire a été classée sans suite, à deux reprises, faute de preuves suffisantes.

Je n’y croyais pas. Je me disais:

“Ce n’est pas possible, on ne me croit pas, alors qu’ils ont menti”.

J’étais sidérée que le tribunal ne se donne même pas la peine de nous appeler alors que cette décision avait été prise six mois plus tôt [selon le code pénal, en cas de classement sans suite, le procureur avertit les victimes et leur donne les motifs de sa décision].

Cette absence de reconnaissance de mon statut de victime a été très difficile à gérer à l’époque et l’est encore plus aujourd’hui.

Je porte ce fardeau, essayant tant bien que mal de vivre avec cet horrible souvenir, tandis qu’eux vivent leur vie tranquillement.

Je bénéficie d’un grand soutien de la part de mes proches. J’ai également pu bénéficier d’une aide psychologique grâce à une association, puis j’ai rencontré une psychologue experte dans un commissariat.

Cependant, après deux ans, j’ai la sensation de ne plus avancer dans ma reconstruction.

“Je ne veux pas de leurs excuses”

Ce qu’ils m’ont fait m’a traumatisé à jamais. Aujourd’hui, je souffre de stress post-traumatique et d’idées suicidaires.

La vision des hommes me dégoûte.

J’essaie le plus possible d’éviter le contact avec eux. L’idée d’une vie amoureuse me fait peur, la confiance et l’estime que j’avais de moi-même n’existe plus.

Après le dépôt de plainte, une juriste m’a informée qu’après deux classements sans suite, il n’était plus possible de faire appel.

Cependant, je ne compte pas m’arrêter là, car selon moi,

beaucoup trop de choses sont incohérentes dans la façon dont mon dossier a été traité. 

Je compte me battre jusqu’au bout pour que mes agresseurs soient punis pour ce qu’ils m’ont fait.

Je souhaite qu’ils reconnaissent leurs actes, je ne veux pas de leurs excuses.

Enfin, et surtout, je souhaite être reconnue comme victime et être comptabilisée comme telle, afin que l’on prenne la mesure de ces drames qui arrivent si régulièrement.

Mon histoire ne peut pas disparaître dans le silence sans que mes bourreaux ne soient condamnés pour avoir gâché la vie d’une petite fille, d’une adolescente, d’une femme.

Je suis une VICTIME.

Source : L’Express

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