Suisse | Témoignage d’une victime qui recontact son bourreau

Le Britannico-Suisse de 28 ans aimerait «tirer Luc de l’ombre qui abrite trop souvent ces abuseurs et leur permet de récidiver»! Image: Jean-Guy Python

Condamné à 30 mois de prison, l’ex-chef de l’internat du Collège Beau Soleil de Villars (VD) a été contacté par l’une de ses anciennes victimes. Muré dans le déni, il refuse d’admettre les faits.

«Les seules excuses que je te présente, David, c’est de ne pas avoir toujours fait de mon mieux pour toi (…). Je t’aimais vraiment beaucoup.»

Pour continuer à pouvoir se regarder dans le miroir, l’être humain s’invente parfois une autre réalité et s’y cramponne.

Les psychologues appellent ce phénomène le «déni».

Ce mot vient immédiatement à l’esprit en lisant les courriels échangés entre David et Mister Luc*.

Ce Canadien de 57 ans fut l’omnipotent chef d’internat du Collège Beau Soleil de Villars-sur-Ollon (VD) au début des années 2000.

C’est là, durant l’année scolaire 2003-2004, qu’il avait abusé sexuellement de David et d’au moins trois autres élèves.

Le Tribunal de l’Est vaudois l’avait condamné pour ces faits, qualifiés d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, à 30 mois de prison (voir «Le Matin» du 25 mai).

Ses chouchous gardent le contact

«Je proclame mon innocence», assène Luc à sa victime David.

Ce dernier, âgé désormais de 28 ans et architecte de profession, lui avait écrit fin octobre.

«Je voulais des excuses et surtout que Luc reconnaisse les faits.

Je pensais que ça me ferait du bien.

Au final, je comprends que cet homme est irrécupérable.

Il m’a répondu dans la demi-heure en s’enfermant dans le mensonge avec tant de force que j’ai compris qu’il est un prédateur.

Il n’est pas un simple alcoolique qui aurait dérapé, comme une part de moi l’espérait encore…

Vu cette attitude, je pense qu’il n’a pu que récidiver depuis son départ au Canada.»

Les courriels de Mister Luc surprennent en effet.

On y a la confirmation que le quinquagénaire garde le contact avec certains de ses anciens chouchous.

Malgré sa condamnation, le Canadien conserve le respect et l’ascendant sur au moins deux de ses ex-élèves, dont l’un avait aussi subi des attouchements.

Cela en dit long sur la personnalité, souvent jugée charismatique par ceux qui l’avaient côtoyé à l’époque, de ce «Dr Jekyll et Mr Hyde», en apparence ultraviril et sûr de lui.

Il inverse les rôles

Dans une incroyable inversion des rôles, Mister Luc, professeur d’histoire diplômé d’Oxford, se victimise.

Il explique ne pas savoir clairement de quoi il est accusé car la justice suisse n’aurait pas voulu traduire divers documents en anglais.

Il dit n’avoir jamais voulu plaider coupable lors du procès.

Il se défausse aussi sur son ancien employeur, arguant:

«Le collège m’a banni au Canada sans enquêter ou m’avoir donné l’opportunité de me défendre.

Dans mon pays, de telles accusations sont poursuivies d’office.»

L’homme précise aussi que sa mère, âgée de 80 ans, a failli avoir un arrêt cardiaque lors de l’arrivée des policiers à leur domicile commun.

«Tu n’as jamais été un faible. Tu as fait face à plein de merdes (…). Mes avocats vont me tuer pour t’écrire ça, mais, pour être honnête, je t’ai toujours considéré comme un ami et comme un enfant cool», ose encore Mister Luc à l’adresse de David dans une ultime manipulation.

«Cet homme s’enferre dans le déni malgré les évidences puisqu’il a fait appel de sa condamnation», révèle Me Véronique Fontana, avocate de David.

L’intéressé, quant à lui, est atterré:

«On dirait que, dans la tête de Luc, je suis resté un gamin influençable et lui un adulte craint et respecté.

Cet homme est un pervers!

Aujourd’hui, je suis déterminé à le tirer de l’ombre qui abrite trop souvent ces abuseurs et leur permet de récidiver!»

Source : Le Matin

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