Suisse | Un pédophile a piégé des centaines de gamines

 

Il arrive au tribunal les pieds et les mains entravés.

Un colosse par sa taille, dont les rondeurs, les épaules tombantes et les yeux rivés au sol trahissent le mal-être.

On le dit transformé depuis sa dernière année de prison – 20 kilos de moins que son pantalon de costard pendouillant confirme – mais aussi désormais apte à communiquer plus aisément, à s’ouvrir, capable enfin de regarder son interlocuteur en face.

Fabien* a 34 ans. Mercredi, devant le Tribunal correctionnel de Lausanne, la chemise détrempée de sueur, il a admis avoir traqué près de 300 jeunes filles sur Internet, dont quasi 100 avaient moins de 16 ans.

Il admet aussi avoir commis des actes d’ordre sexuel avec quatre filles âgées de 13 à 15 ans.

Fabien a été diagnostiqué comme étant une personne immature mais aussi comme un pédophile.

 

«Je me dégoûte»

Un mot qu’il n’arrive pas encore à prononcer en parlant de lui.

Lui qui n’a jamais eu de relation sentimentale avec une femme, juste quelques expériences avec des prostituées, se questionne sur cette attirance pour les filles prépubères, y voit le signe d’une attraction pour les personnes davantage comme lui.

Il parle de honte, de regrets.

«Durant cette dernière année, j’ai pris conscience de ce que j’ai fait.

Je me dégoûte.»

Derrière ses airs de nounours et de gentil collègue apprécié au point que son employeur lui garantit qu’il retrouvera son emploi, Fabien est aussi un prédateur redoutable.

Caché derrière son écran, l’introverti devient alors un pervers sans limites, aux mots extrêmement crus.

Sa technique était bien rodée et a évolué au fil du temps.

Dès 2009, Fabien agit sur des réseaux sociaux.

Il se fait passer pour un adolescent.

Il a parfois 15 ans, ou 17 ans, et se présente sous un faux nom.

Il parle de sexualité, obtient quelques numéros de portable.

Lorsque l’adolescente réalise qu’il n’est pas celui qu’il prétend être, il harcèle par des centaines de messages.

Il propose de l’argent à des mineures contre une fellation, menace une autre et la force à se dévêtir devant une webcam.

Parfois, Fabien obtient un rendez-vous.

A quatre reprises, il commettra des actes d’ordre sexuel avec des mineures.

Il nie la contrainte.

Une vision que ne partage pas le procureur Alexandre Vanzo, qui a repris ce dossier.

Et Fabien ne recule pas devant l’effort, comme cette fois où il se rend dans une petite ville de La Côte pour trouver sa future victime.

Elle refusera de monter dans sa voiture, mais il réussira tout de même à lui voler un baiser.

Selon l’accusation, sa traque a débuté en été 2009.

A la suite d’une plainte, il est incarcéré préventivement en fin d’année durant deux mois.

Il ressort.

Mais, peu après, deux autres plaintes arrivent.

Fin 2010, il est de nouveau en détention préventive.

Il ressort cette fois après quelques mois, sous condition qu’il suive un traitement psychiatrique.

Alors que l’enquête traîne, Fabien se tient à carreau durant près de cinq ans.

Et pourtant il replonge encore en 2016.

Depuis mars 2016 et jusqu’à son arrestation en mai de la même année, en seulement trois mois, il entrera en contact avec 290 jeunes filles.

Les mots sont toujours plus crus, Fabien ne cache parfois plus son âge, voire se vante d’être pédophile ou demande à ce que les adolescentes le traitent ainsi.

Prises dans des jeux dangereux, quelques filles lui envoient une photo.

Ses assauts resteront toutefois virtuels.

Malgré l’avalanche de cas dans cette affaire, seules cinq plaintes ont été déposées.

Étonnant, incompréhensible pour les parents et les jeunes filles devenues adultes présentes à l’audience mercredi.

Si l’enquête a permis de décortiquer les profils Internet de Fabien, des dizaines de victimes n’ont pas pu être identifiées.

Au final, la police en a entendu une vingtaine.

Parmi elles, beaucoup n’ont pas souhaité porter plainte.

Par honte, pour oublier au plus vite ou par manque de force?

Peut-être.

 

Du virtuel au réel

Cette affaire démontre pourtant le danger sournois d’Internet, a rappelé le procureur en préambule de son réquisitoire.

Des ados d’ici ont été traquées.

Et, derrière un message que certains enfants, voire parents, préféreraient effacer ou contrer en bloquant tout simplement l’accès, ce dossier montre autre chose.

«Cet homme a très bien réussi à faire le saut entre le virtuel et la réalité», a rappelé Alexandre Vanzo.

Les dégâts sont évidents.

«Il me disait plein de paroles grossières et m’appelait jusqu’à ce que je décroche.

J’étais très mal, je pleurais, je ne voulais plus aller à l’école.

J’ai mis long à en parler à ma mère», a témoigné une victime harcelée par Fabien.

Suivant les experts psychiatres, le procureur a opté pour une peine de la dernière chance.

Selon son profil, et pour diminuer le risque de récidive, un équilibre social serait la meilleure voie.

Le Parquet a requis 4 ans de prison ferme, suspendus pour un traitement ambulatoire.

Autrement dit, une remise en liberté sous contrôle.

Un réquisitoire dont ne pouvait que se réjouir la défense.

«Que faire de mon client? a questionné Me Eric Stauffacher.

Le mettre à l’ombre durant quelques années pour qu’il ressorte ensuite sans cadre?

Non. Il a déjà fait 18 mois de prison et il évolue enfin positivement.

Il ne minimise pas ses actes et les assume.»

* Prénom d’emprunt

Source : Tribune de Genève

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