St Martin-du-Var | Jugé pour deux tentatives d’enlèvements, le prévenu est relaxé

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Pédocriminel En liberté

“Je me suis arrêté près d’une enfant. Je voulais lui offrir des bonbons, des cadeaux (…)”
Deux collégiennes avaient été abordées par le conducteur d’une Twingo blanche le 16 septembre à Saint-Martin-du-Var. Le suspect, 60 ans, a avoué puis s’est rétracté. Il a été relaxé au bénéfice du doute.

Dans la commune de Saint-Martin-du-Var, 3.000 habitants, près de Nice, la nouvelle de deux tentatives d’enlèvements de collégiennes avait provoqué un séisme.

Lise et Alice (1), deux amies, élèves de 6e, avaient été abordées l’après-midi du 16 septembre, à dix minutes d’intervalle, par un inconnu. L’homme, au volant d’une Twingo blanche était décrit par les victimes comme dégarni, avec des lunettes. L’une d’elles évoquait d’un accent espagnol. Un détail qui aura une importance cruciale lors du procès du suspect, qui s’est terminé très tard lundi soir.

L’inconnu leur a intimé l’ordre de monter dans la voiture. Les deux enfants ont eu la même attitude: paniquées, elles se sont enfuies en courant. Elles ont trouvé refuge dans un restaurant de l’avenue Antoniucci où elles ont été réconfortées.

Les gendarmes, à défaut de disposer d’images de vidéo surveillance, ont concentré leur enquête sur les propriétaires de Twingo. L’un d’eux, voisin direct d’une des fillettes, a été interpellé et placé en détention provisoire fin septembre.

A la cinquième audition, Georges (1) a avoué:

“Je me suis arrêté près d’une enfant. Je voulais lui offrir des bonbons, des cadeaux, sans avoir conscience de la gravité de mes actes. Le fait d’être seul me déprime. J’ai pensé à cette solution qui ne s’est pas réalisée. De la même façon, j’ai trouvé une deuxième enfant plus tard. J’ai réalisé l’énorme bêtise que je venais de faire.”

Chemise boutonnée jusqu’en haut, joues empourprées, Georges est un artisan inconnu de la justice. Il a vécu avec sa mère jusqu’au décès de celle-ci en avril dernier. Il n’a jamais eu de relations amoureuses. Il se rétracte à l’audience dès ses premiers mots:

“Quand j’ai été placé en garde à vue, les gendarmes m’ont mis la pression. Ils m’ont maltraité. Je suis resté des heures dans un petit cachot avec un sentiment d’étouffement. J’aurais dit n’importe quoi pour sortir.”

Le président Edouard Levrault s’étonne de cette volte-face:

“Vous alimentez vous-même le récit en disant que vous auriez pu les emmener à Carrefour ou à JouéClub”

Le prévenu jure :

“Je voulais sortir de ce cauchemar”.

“Ces enfants me confondent avec quelqu’un d’autre. Je ne suis pas le seul à avoir une petite voiture blanche.”

Parmi neuf photos présentées au profil assez semblable, les deux enfants ont désigné Georges. Les deux enfants sont très perturbées depuis les faits, témoignent leurs avocates Me Giordan et Me Madeleine.

Le procureur Christophe Tricoche requiert 30 mois dont 18 mois ferme avec un mandat de dépôt et une interdiction de paraître à Saint-Martin-du-Var. Le magistrat reprend un argument des parties civiles à son compte:

“Quand ce genre d’individu parvient à ses fins, cela se termine rarement bien.”

Me Caroline Canaletti plaide la relaxe et l’annonce d’emblée.

L’avocate ajaccienne s’appuie sur l’expertise psychiatrique:

“On a cherché le mot pédophile dans le rapport. Non, aucune tendance. Un pervers? Rien du tout.”

Pour la défense, l’agresseur n’est pas Georges, cet homme “incolore, inodore”. Ses proches sont là pour le soutenir et résument ainsi le problème:

“Soit c’est un prédateur, soit c’est un innocent.”

Une troisième enfant s’était manifestée dans ce dossier. Or, les caméras ont démontré qu’elle avait menti. Me Canaletti le rappelle et creuse une autre faille du dossier:

“Lise évoque un homme à l’accent espagnol. Le vendredi 23 septembre, la gendarmerie a recensé toutes les Twingo blanches. Il y en a eu sept. On a gardé Georges et on a écarté les noms à consonance espagnole!”, s’étonne la pénaliste.

L’avocate tonne :

“Je ne parlerai pas d’aveux extorqués mais je parlerai d’une procédure à la va-vite. Georges est un faible, une proie facile. Lui aussi est vulnérable”.

Le sexagénaire fond en larmes. Quelques minutes plus tard, il est relaxé et libéré. Les parties civiles espèrent que le parquet fera appel.

Les prénoms ont été modifiés

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