Saint-Père | Des enseignants et surveillants reconnus coupables d’agressions sexuelles

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Guillaumo Aguilar, pédocriminel multirécidiviste écope de seulement 7 ans de prison
En 2005, Guillaumo Aguilar avait été condamné à 16 ans de prison pour viol sur mineur. En 2010, il avait écopé de 4 ans de prison pour des faits similaires. En novembre dernier, il était détenu en Guyane dans le cadre d’une nouvelle affaire de viol sur mineur.

Les lourds secrets d’un pensionnat breton

Etablissement catholique hors contrat, l’école Sainte-Marie de Saint-Père (Ille-et-Vilaine) vante les qualités morales de son équipe pédagogique. Des enseignants et surveillants ont pourtant été condamnés dernièrement pour agressions sexuelles et châtiments corporels sur des élèves.

Les mains crispées, Theodore (le prénom a été modifié) s’est assis seul sur un banc. Ce Breton a pris sa journée pour entendre la justice se prononcer en quelques mots. Oui, il est bien une victime de Guillaumo Aguilar.

Le 17 décembre dernier, cet ancien militaire de 52 ans a été reconnu coupable d’agressions sexuelles sur 13 mineurs de moins de 15 ans entre 1996 et 2001. Le tribunal correctionnel l’a condamné à 7 ans de prison.

Theodore regrette qu’au regard du nombre de victimes :

« Ce n’est pas assez. Un voleur paye le même prix ».

Les faits se sont déroulés à l’école Sainte-Marie de Saint-Père-Marc-en-Poulet, près de Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine. C’est dans cet établissement catholique traditionaliste hors contrat géré par la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (dont le fondateur a été excommunié) que l’homme avait été accueilli à plusieurs reprises, invité par un frère de la communauté avec qui il avait sympathisé lors d’une retraite spirituelle. Durant ses permissions, il y jouait le rôle de surveillant et dormait à l’étage avec les plus jeunes.

Sa technique pour appâter les garçons consistait à leur offrir des effets militaires : treillis, ceinturons, rangers… Il les agressait pendant qu’ils se changeaient : caresses sur le sexe, masturbation, fellation…

Brieuc (le prénom a été modifié), un ancien élève de l’établissement, se souvient :

« A l’époque, j’avais entendu des trucs dans la cour de récréation et j’ai su qu’il s’était passé quelque chose ».

L’affaire avait éclaté suite à deux premières plaintes dans les années 2000.

Guillaumo Aguilar avait été condamné à 4 ans de prison en 2010.

D’autres victimes s’étaient fait connaître. La gendarmerie avait alors décidé de contacter l’ensemble des enfants en contact avec le suspect. Un travail de longue haleine.

Me Lemasson de Nercy, l’avocat d’une des victimes, explique :

« Mon client qui a été agressé à plusieurs reprises durant deux ans avait tout occulté jusqu’à l’appel des enquêteurs. Il lui a fallu plusieurs jours pour réussir à se confier à eux ».

Me Pierre Stichelbaut, avocat d’une autre partie civile, déplore :

« C’est un dossier qui aurait dû être jugé aux assises et non en correctionnelle ».

Lors de l’audience le 12 novembre dernier, Guillaumo Aguilar a comparu en visioconférence depuis la Guyane où il est en détention provisoire dans le cadre d’une nouvelle affaire de viol sur mineur.

En 2005, la Cour d’assises du Var l’avait une première fois condamné à 16 années de prison pour les mêmes raisons. Il était sorti en 2014.

Son avocate s’étonne que dans le dossier de l’école Sainte-Marie, l’établissement n’ait pas été mis en cause alors que deux enfants s’étaient confiés à des prêtres de la communauté.

Selon le parquet, il n’y avait pas assez d’éléments pour :

« Etablir la non-dénonciation de crime commis sur mineur ».

Aucun représentant de l’école n’a en tout cas pris la peine de venir soutenir les anciens élèves au tribunal.

Comme le rappelle le livre noir 2019 de l’AVREF (Aide aux victimes de dérives dans les mouvements religieux en Europe et à leurs familles), l’établissement connaît une succession d’abus non seulement sexuels mais aussi physiques.

En 2018, deux enseignants et un prêtre ont été condamnés à 4 mois de prison avec sursis pour des châtiments corporels commis contre les élèves entre 2008 et 2011 : gifles, coup de bâton, lavage de bouche au savon…

Brieuc se souvient aussi que :

« Un enseignant qui renversait les tables et envoyait les brosses à craie sur les élèves qui l’énervaient ».

Sur son site Internet, l’école créée en 1987 explique que le corps professoral est :

« Constitué de 4 prêtres, de 3 frères, et d’une quinzaine de professeurs laïcs qualifiés […] Leurs qualités morales sont une garantie d’une ambiance authentiquement chrétienne et humaine ».

Brieuc, lui, se rappelle surtout du mépris affiché pour tout ce qui était lié au corps.

« Une douche seulement par semaine et on devait apporter notre papier toilette ».

200 élèves (garçons) sont aujourd’hui scolarisés de la maternelle à la terminale. L’internat est obligatoire au lycée. Selon une source très proche de la Fraternité :

« Une manière de réduire l’influence des familles sur l’éducation ».

Chaque jour, les élèves se retrouvent à la chapelle pour la prière du matin, le chapelet et la prière du soir. S’ils le désirent, ils peuvent également assister quotidiennement à la messe. Les jeans et les baskets sont interdits. Le journal interne de l’école dévoile une vision passéiste de la femme. En prenant le travail, les vêtements, les sports, les exploits, le tabac de l’homme, la femme pervertie est devenue « immodeste » et trop libérée. Elle est responsable de la déchéance de l’homme qui « tombe dans l’impureté ».

L’enseignement suit donc sa propre voie…

Un abbé de l’école écrit noir sur blanc :

« en France, l’Education nationale conduit les âmes en enfer ».

Brieux se souvient :

« En histoire, la Bible explique que Dieu a créé la Terre en sept jours donc on n’a pas étudié la préhistoire. Quand on amenait un livre à l’école, il était évalué par un abbé pour voir s’il pouvait être lu ».

On peut lire sur une liste scolaire qu’il est par ailleurs :

« Vivement déconseillé de se procurer les œuvres intégrales de certains auteurs (Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau, Zola, etc.) à cause de leur caractère trop nettement libertin et anticlérical ».

Contactée, la direction n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

Théodore, l’une des victimes, âgé de 33 ans aujourd’hui, se souvient :

« J’ai été scolarisé quatre ans ici.  Aguilar donnait aux élèves des vêtements, des rangers et même des grenades à blanc. Quand on est gosse, ça donne envie. Les autres en avaient alors j’ai réclamé moi aussi. Il m’a fait monter une première fois dans sa chambre, soi-disant pour prendre mes mesures et il m’a agressé. La deuxième fois, c’était pour que je récupère les vêtements et là, il m’a violé. Quand on est petit, on sait que ce n’est pas normal, que c’est mal mais une fois que c’est parti, on est bloqué. Je n’ai pas pu le dire à mes parents. Ils l’ont su juste avant que je me marie. A l’époque, j’en avais toutefois parlé en confession à deux prêtres différents de l’école. Je n’ai désigné personne mais j’ai précisé que c’était un adulte. Ils m’ont donné l’absolution. Et voilà, c’est tout. Je leur en veux car tout cela dépassait le secret de la confession. J’en veux aussi à leurs supérieurs qui leur ont sans doute demandé de se taire. Après ce qui s’est passé, je n’ai plus eu envie d’apprendre. J’ai triplé mon CM2, redoublé ma 6e et quitté l’établissement. J’avais fini par enterrer toute cette histoire quand les gendarmes sont venus me voir il y a 5 ou 6 ans. J’ai réalisé que j’allais enfin pouvoir en parler. Je n’ai pas hésité à porter plainte. C’était important pour moi car j’ai un enfant qui a à peu près le même âge que moi à l’époque ».

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