Perpignan | Après avoir connu l’enfer, je me sens presque prête à entrer dans la vie

“Après avoir connu l’enfer, je me sens presque prête à entrer dans la vie”

Hélène a témoigné des malheurs de sa vie dans le local de l’association qui a su l’écouter. – PH Nicolas Parent

Victime de maltraitances, d’abus sexuels et de viol, Hélène renaît grâce à l’écoute d’une association. Témoignage.

À 65 ans, Hélène* se sent enfin devenir femme.

“Je suis longtemps restée bloquée à l’état d’enfant”,

chuchote cette mère de famille, jeune grand-mère au regard bleu perdu dans les souvenirs d’une vie vécue “à la volée”. Sous le masque de la honte, “d’une culpabilité à couper au couteau”, souffle-t-elle, peinant à se raconter.

Confier l’histoire de son existence traversée comme une somnambule de la pleine lune, avec autant de souffrance que de détermination.

“Je subissais sans comprendre pourquoi je retombais systématiquement dans un schéma négatif, fait de maltraitances et de violences”,

pose aujourd’hui Hélène qui tente d’éclairer son cauchemar depuis trois ans qu’elle a franchi les portes de l’association perpignanaise Plus Jamais Ça.

“Je pensais que c’était de ma faute, que je le méritais”

En serrant la main de son président Jean-Pierre Lacz, la Catalane d’adoption, installée depuis plus de trente ans dans les Pyrénées-Orientales, sait qu’elle a face à elle la première personne à qui elle confessera son lent et infernal calvaire.

“Je devais avoir trois ou quatre ans lorsque ma mère m’a rejetée, m’abandonnant à ma marraine. Une femme qui était censée m’élever alors que pendant huit ans elle m’a rabaissée, m’a cassée. Elle me battait pour un oui, pour un non, me punissait en me maintenant la tête sous l’eau dans la baignoire, elle m’enfermait dans le noir sans manger… Chaque jour, j’avais peur de rentrer de l’école, peur de ce qu’elle allait m’infliger”,

avoue Hélène, déjà prisonnière du pire des cercles vicieux. La fillette, qui ne se plaint jamais pour éviter des coups supplémentaires, devient alors la cible

“d’un des amants de ma marraine. Il a abusé de moi”.

Mais elle n’en dira rien, là non plus. Murée dans un silence qu’elle garde intact, encore, après avoir été agressée dans la rue par un inconnu qui la soumet à des attouchements sexuels.

Hélène se revoit gamine, enfant battue, souillée par des hommes, et de chaudes larmes roulent sur ses joues pâlottes.

“J’ai toujours eu le sentiment d’être inférieure aux autres, je pensais que ce qui m’arrivait était de ma faute, que c’était mérité. Je me sentais tellement coupable que je me disais que ce n’est pas si grave”,

s’excuse-t-elle, pudique.

Dans la spirale du malheur

La gosse d’autrefois grandit ainsi bon an mal an, enlevée par son père aux griffes de la marraine, à l’âge de 11 ans.

“Papa était cool mais très intransigeant. Je rêvais d’être hôtesse de l’air ou décoratrice, il voulait que je sois secrétaire ou coiffeuse, il m’empêchait aussi de faire de la danse prétextant que c’était pour les putes”.

Hélène a 17 ans, lorsqu’il meurt dans un accident de voiture. Elle tente de reprendre ses études mais fait de mauvaises rencontres. La spirale continue de l’engouffrer. Un soir de ses 19 ans, elle est victime d’un viol en réunion. Elle ne dépose pas plainte.

“Je n’ai même pas osé aller chez le médecin. Comme d’habitude, j’ai préféré enfouir ce malheur au fond de moi”.

Et poursuivre son chemin. Jusqu’à croiser celui du père de ses deux enfants, une liaison chaotique, suivie d’une séparation et de nouveaux partenaires.

“J’avais une telle mauvaise estime de moi, qu’ils en profitaient. À chaque fois, c’était le même recommencement”,

reconnaît-elle, à bout de souffle. Enfin prête à entamer une thérapie. Pour en discuter, elle contacte l’association Plus Jamais Ça.

“J’y suis allée doucement avant de me sentir en confiance avec le responsable, Jean-Pierre, qui a su m’écouter, m’entendre, me comprendre. Il m’a permis de poser les choses, puis m’a dirigé vers un psychiatre qui m’a fait découvrir l’EMDR, c’est une technique de stimulation sensorielle. Avec des mouvements oculaires, en bougeant les yeux, on efface les traumatismes”,

explique Hélène, acharnée à s’en sortir. En trois ans, ses progrès s’avèrent concluants.

“Je sais aujourd’hui qu’il existe des gens aidants, là pour tendre une perche. Je l’ai saisie. Je ne suis pas encore épanouie, je n’ai pas tout réglé dans ma vie et dans mon moi, mais je vais beaucoup mieux, j’ai mûri”,

estime la sexagénaire en ébauchant un sourire. Convaincue que bientôt, l’enfant désespérée d’hier révélera une femme pleine de rêves.

Source : lindependant

Source(s):