Pédocriminalité | Fiche 004 : JULIEN et JÉRÔME, 11 et 8 ans – Bordeaux

1. Avant que les enfants parlent

Alice rencontre Bertrand en 2001. Ils se marient en 2006 et ont deux enfants : Julien, né en 2008, et Jérôme, né en 2011. D’abord avenant et protecteur, Bertrand se révèle bientôt possessif, jaloux volontiers tyrannique et infidèle. 

Il souffre d’addictions et de troubles sexuels, ce qui conduit Alice à le quitter et à demander le divorce en 2014. Il la menace alors, si elle le fait, de s’arranger pour emmener les enfants loin d’elle et de les empêcher de les revoir, avant de sembler se raviser et de proposer un divorce à l’amiable. 

Alice lui laisse tout pour en finir rapidement et ne demande que la garde des enfants, qu’il lui laisse volontiers. Elle le laisse voir les enfants avant même le passage devant le Juges aux affaires familiales (JAF), en sa présence.

Dès le premier week-end avec leur père, les enfants racontent qu’ils dorment chez les uns et les autres, reviennent perturbés et fatigués. Alice tente d’en parler à Bertrand mais il fuit et l’accuse d’inventer.

Au retour de leurs premières vacances chez leur père, les enfants parlent de colères subites de leur père, d’accès de violence verbale et de menaces de mort (y compris avec un couteau) ; ils refusent de l’appeler et de le voir. Jérôme se met à faire pipi au lit.

A ce moment, Alice est convoquée par les services sociaux, suite à une information préoccupanteconcernant les enfants. Elle apprend que Bertrand a demandé à un ami de rédiger une dénonciation accusant Alice de dérives sectaires. L’assistante sociale et l’infirmière en charge de l’enquête sociale refusent d’entendre Alice et l’accusent de “régler ses comptes avec Monsieur” ; elle porte plainte. Julien commence à présenter des troubles du comportement et s’en prend violemment à son frère, notamment en tentant de le noyer.

Sur les conseils de son avocat d’alors, Alice laisse l’enquête sociale se dérouler et continue à confier les enfants à leur père.

Début 2015, le JAF accorde la garde des enfants à Alice, le père a un week-end par mois et à la moitié des vacances scolaires. Il est aussi muté à plusieurs centaines de kilomètres.

2. Le début de l’affaire

Les enfants continuent parler de ce que leur père leur fait et Alice porte plainte à cette période, tout début 2015.

En effet, les propos des enfants devenaient particulièrement inquiétants: Julien a parlé de rituels que son père fait sur lui, d’hypnose et de produits qu’il met dans son bain.Par ailleurs, Bertrand a toujours été très intéressé par l’occultisme. Alice écrit au procureur pour l’alerter mais elle n’obtiendra aucune réponse.

Au retour des vacances de printemps, Julien fait de nouvelles révélations : son père lui a fait mal aux fesses. De nouveau, Alice porte plainte, les enfants sont entendus par la BPDJ (brigade des mineurs) et elle change d’avocat.

Elle est cependant obligée par une décision du JAF de remettre les enfants à leur père durant un mois pour les vacances d’été, et les services sociaux l’accusent de mener des “démarches délétères” pour ses enfants, de refuser de coopérer et font un signalement. De son côté, le père réclame la garde des enfants.

A chaque retour de week-end, les enfants ont des irritations, brûlures, bleus… Alice les emmène voir le médecin et fait des photos. Julien et Jérôme se confient à des personnes de l’entourage et voient une psychologue, ils dénoncent clairement des attouchements sexuels.

Au retour des vacances d’été, Julien ne veut plus se montrer nu mais réclame d’aller vivre chez son père, avant de révéler que c’est Bertrand qui l’a contraint à le demander. Il se montre toujours plus agressif envers sa mère et son petit frère, qu’il dit vouloir voir mourir. Le médecin de famille fait un signalement. Alice est alors contactée par la gendarmerie mais le signalement sera ensuite “perdu”. Les services sociaux parlent de “conflit parental” dans leur rapport et le Juge des enfants (JdE) de déclenche une Mesure judiciaire d’investigation éducative (MIJE).

Fin 2015, Julien revient de chez son père avec une brûlure de cigarette sur la fesse puis son frère revient blessé au pénis quelques semaines plus tard. Il raconte à sa mère, au médecin puis à la BPDJ que son père lui a fait mal dans la cabine de la piscine.

L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) rapporte au JDE les propos des enfants.

Alice refuse alors de présenter les enfants à leur père, qui dépose plainte pour non-présentation d’enfants.

En juin 2016, la famille est entendue par un “expert psychiatre” qui produit un rapport à charge contre la mère et est particulièrement élogieux pour le père. Les plaintes sont alors classées sans suite et Alice est menacée : si elle continue à refuser que les enfants voient leur père, elle aura affaire à la justice.

Quelques jours plus tard, le JDE décide de laisser les enfants à Alice malgré le rapport de l’expert et de débouter le père de sa demande de placement d’urgence à son domicile ; elle est malheureusement mutée quelques semaines après. Une mesure d’Assistance Éducative en Milieu Ouvert est mise en place (AEMO).

Durant cette période, le comportement de Julien se dégrade: il dit entendre des voix,et mange ses matières fécales, ce qui conduit Alice à l’emmener aux urgences psychiatriques. Le médecin de famille le diagnostique “sociopathe et il entame un suivi avec un pédopsychiatre, qui identifie chez lui des “pulsions sadiques”. Il raconte aussi qu’il a vu et participé à des abus sur d’autres enfants.

La mort dans l’âme, Alice est contrainte de laisser partir les enfants une nouvelle fois chez leur père pour l’été. A leur retour, ils lui parlent à nouveau de menaces de mort ; elle le rapporte à l’éducatrice qui veut la dissuader de porter plainte et dit même aux enfants  que “Les experts ont vérifié. Papa est gentil. Il faut oublier tout cela et arrêter d’écouter maman“.  Au cours des semaines, l’éducatrice se fait plus agressive et menace Alice de lui retirer les enfants si elle continue de vouloir les défendre.

3. La suite des procédures

En février 2017, le JAF confie les enfants au père et accorde à Alice un week-end par mois et la moitié des vacances scolaires ; Alice fait appel.

Les enfants confient à leur mère que d’autres adultes les ont abusés et font des dessinspour lui expliquer ce qui s’est passé avec certains. Ils parlent de viols commis par des proches de leur père. Alice en est alors à sa 3e avocate et à plus de 10000€ de frais de justice sans que les choses progressent.

Au départ des enfants à plusieurs centaines de kilomètres, Alice est en état de choc et se voit arrêter de travailler plusieurs mois, ce qui permet aux services sociaux de lui reprocher des “fragilités”.

Lors de vacances chez elle mi 2017, Alice retrouve les enfants sales, fatigués. Ils poursuivent leurs révélations et Alice porte à nouveau plainte sur leur lieu de vacances. Julien et Jérôme dénoncent aux policiers de nouveaux abus sexuels, par différentes personnes qu’ils nomment. Cette plainte, comme toutes les autres, sera classée ; Alice ne recevra même aucune notification de la part du parquet.

En juin 2017, lorsqu’elle revoit les enfants, Alice constate que Jérôme est malade et pleure beaucoup, Julien est agressif envers elle son frère. Il explique ce qu’il se passe, que leur père les amène en divers endroits où ont lieu des viols dont la description faite par les enfants ressemble à des sortes de rituels.

Elle décide d’écrire une nouvelle fois au procureur, sachant qu’elle a découvert que son affaire en rejoignait d’autres, mêlant les mêmes personnes. De son côté, Bertrand demande au juge qu’elle n’ait pas les enfants pour les vacances de l’été 2017, et l’accuse de SAP (syndrome d’aliénation parentale). Suite à sa lettre au procureur, Alice est convoquée par l’ASE qui lui reproche ses démarches, et le JDE suspend son droit de visite et d’hébergement, sans lui laisser la possibilité d’appeler les enfants. 

Le JDE accorde à Alice des visites en lieu médiatisé à partir du mois de septembre, qui n’auront jamais lieu. Elle fait appel.

En septembre, sans qu’il y ait eu de nouvelle audience, Alice reçoit une ordonnance du JDE qui suspend son droit de visite en lieu médiatisé, et le lendemain une autre ordonnance annonçant le dessaisissement du dossier au profit du lieu de résidence du père. Alice fait appel des deux décisions.

Pour réclamer ses droits, Alice fait appel à un médecin et à un psychiatre, qui constatent sa bonne santé mentale. Sa 4e avocate lui conseille de retirer sa dernière plainte si elle veut un jour pouvoir revoir ses enfants et éviter une condamnation pour dénonciation calomnieuse.

4. Épilogue: où on est-on aujourd’hui ?

En février et mars 2018, Alice a été déboutée de toutes ses demandes en appel et on lui a retiré l’autorité parentale. Voyant que ses tentatives pour obtenir justice ont été vaines, elle se désiste mais Bertrand souhaite, lui, poursuivre car il entend aussi obtenir de l’argent. Le dossier a été finalement clôturé en avril 2019 : le divorce est enfin prononcé mais Alice doit verser 1300 euros d’amende, son droit de visite et son autorité parentale lui sont une nouvelle fois retirés.

En juin 2018, à l’issue de l’AEMO, le JDE a décidé de clore le dossier et écrit que “la rupture des liens avec la mère n’est pas en soi un élément de danger.

Alice n’a pas vu ses enfants depuis près de deux ans.

On ne peut que s’interroger : Quelle menace représente-t-elle, car on se souvient que, par exemple, même emprisonnée Myriam Badaoui, condamnée pour des viols sur ses enfants, a pu voir régulièrement ses fils. 

Il semble qu’Alice, comme beaucoup de parents qui, dans les mêmes circonstances, croient leurs enfants, a agi par état de nécessité en refusant de confier ses enfants à un père dont ils avaient à plusieurs reprises dénoncé les abus.

Que peut faire cette maman aujourd’hui? Quels moyens légaux a-t-elle pour tenter de rétablir des liens avec ses fils, et éventuellement de les protéger (même si cela relève trop souvent de l’illusoire) ?

Source : Mobilisation Anti-Pedocriminalité

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