Orléans | Un abbé et un évêque renvoyés en correctionnelle pour agressions sexuelles sur mineurs et complicité

Le premier aurait agressé sexuellement des mineurs de 15 ans, le second n’aurait pas dénoncé les faits.

La cathédrale d’Orléans, en mai 2013. Photo Alain Jocard. AFP

Ils se pensaient à l’abri de la machine judiciaire. Cette dernière vient de les rattraper. L’abbé Pierre de Castelet et André Fort, ancien évêque d’Orléans, ont été renvoyés devant un tribunal correctionnel, par ordonnance de la cour d’appel d’Orléans mardi.

Le premier pour avoir «commis des atteintes sexuelles par violence, contrainte, menace ou surprise […] sur des mineurs de 15 ans» et le second pour avoir été alerté de ces atteintes sexuelles sans en avoir informé «les autorités judiciaires ou administratives».

Autrement dit, pour son silence complice.

«Ce renvoi résonne, pour nous, comme une reconnaissance», explique à Libération Olivier Savignac, l’un des plaignants et membre de l’association «Notre parole aussi libérée» regroupant des victimes de violences pédophiles.

«Il s’agit d’actes extrêmement graves et il faut que les choses soient dites clairement pour qu’il y ait, au bout, réparation.»

Abuseur et conférencier sur la pédophilie

L’affaire remonte à l’été 1993.

Olivier Savignac a alors 13 ans et participe à un camp du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) regroupant des scouts d’Europe dans les Pyrénées.

C’est là que l’abbé Pierre de Castelet abuse d’Oliver et de plusieurs de ses camarades.

«J’avais un peu honte, je ne pensais pas qu’un prêtre pouvait être comme ça», réagit-il plusieurs années après les faits.

Pendant deux décennies, Olivier tait cette affaire.

En 2010, alors que les souvenirs ressurgissent bien malgré lui, Olivier Savignac prend rendez-vous avec André Fort, alors évêque d’Orléans.

Il lui fait part de ses craintes, mais rien ne se passe.

Jusqu’à ce qu’il découvre que l’abbé Pierre de Castelet est invité à une conférence sur la prévention de la pédophilie en sa qualité d’expert du droit canon.

Saisi, Jacques Blaquart, nouvel évêque du diocèse, transmet le dossier au parquet.

L’abbé est alors mis en examen et écarté de ses fonctions.

«Enormément de témoignages»

A cette affaire de pédophilie, viennent s’ajouter deux autres enquêtes sur ce même diocèse d’Orléans, dont l’une pour viol.

«A Orléans, il y a un lobby traditionnel engagé, plus prompt à protéger les prêtres qu’à dénoncer leurs crimes», regrette Olivier Savignac qui assure que, contrairement à son lien avec l’église, son lien avec Dieu «n’a pas été touché».

Si pour lui, la page est maintenant tournée, il lui faut retrouver les autres potentielles victimes.

«Je pense que les gens vont oser parler si nous les contactons et faisons part de nos expériences personnelles.»

Prochainement, Olivier devrait organiser un appel à témoins qu’il espère voir relayé médiatiquement.

«Après un passage télévisé, j’ai reçu énormément de témoignages de victimes y compris d’autres prêtres orléanais», rapporte le jeune père de famille devenu musicien et se qualifiant «croyant libre».

Un pas que franchiront peut-être d’autres victimes, même si l’image des prêtres incriminés flirte avec l’excellence.

«C’était mon prêtre favori, il chantait, il nous tirait vers le haut», rapporte une autre victime.

«J’espère qu’il ne faudra pas encore sept ou huit ans pour que les autres victimes voient leur statut reconnu.

Nous espérons que ce procès va leur faire comprendre que leurs plaintes peuvent aboutir, dit l’avocat d’Olivier Savignac.

Nous voulons aussi rappeler aux témoins et à tous les encadrants que la dénonciation de ces actes est une obligation légale.»

Contactés par Libération par l’intermédiaire du diocèse d’Orléans, ni le prêtre, ni l’évêque n’ont donné suite.

Source : Libération

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