Maubeuge | David Duée condamné à 16 années de réclusion pour agressions sexuelles en récidive

La cour d’assises du Nord a rendu son verdict, ce vendredi 5 mai, tard dans la soirée, en l’absence de l’accusé qui a refusé de venir s’expliquer.

L’accusé est arrivé en 2014 aux Provinces Françaises. Il se faisait passer pour un policier, un « indic » ou un éducateur spécialisé. Ph. Sami BELLOUMI

Qui est David Duée, désigné par cinq adolescents de Maubeuge et de Raismes comme celui qui les a agressés à l’été 2014 ? Deux jours et demi d’audience ont permis de le juger mais pas de comprendre…

Quatrième d’une fratrie de huit enfants, David Duée a grandi dans un coron, à Onnaing, entre l’alcoolisme et la violence aiguë de ses parents. Placé dès 8 ans, il se retrouve à la rue une fois majeur, contraint de vivre en marge et de petits riens jusqu’au moment où il réussit une formation de bûcheron, rentre aux espaces verts de Valenciennes et trouve un logement. Il a 31 ans quand il est une première fois condamné pour agression sexuelle avec arme sur mineur. En janvier 2014, il finit de purger sa deuxième grosse peine quand il emménage à Maubeuge.

« Au début, on ne l’aimait pas »

Son arrivée aux Provinces Françaises dérange mais l’accusé sait parfois se montrer « sympathique ». Il participe à la Fête des voisins ; il se montre persuasif en qualité d’éducateur spécialisé envoyé auprès des parents pour s’occuper des jeunes et organiser des sorties à la piscine de Valenciennes, au laser-game… Sans emploi, il aimait se faire passer pour une personne ayant autorité. Il portait le déguisement du « shérif » dans un club de country où il faisait de la figuration ; celui de policier, d’éducateur spécialisé ou d’indic à Maubeuge ; de garde champêtre à Raismes. «  Il nous avait montré ses menottes, ses armes  », raconte un gamin. Il avait aussi veillé à leur faire peur en les menaçant de représailles sur leurs familles, leurs mères s’ils se laissaient aller à faire des confidences.

«  C’est dur de se dire qu’on a rien vu, a chancelé à la barre une maman. Dur de savoir qu’ils n’ont pas osé nous en parler pour nous protéger alors que c’est à nous, de les protéger.  »

« Fracture existentielle »

Quatre avocats ont porté la voix des jeunes victimes, « des beaux gamins, fragiles, sensibles et réservés  » dont le comportement s’est profondément modifié après les attouchements. Sportif, joyeux, celui-ci ne veut plus sortir de chez lui et a voulu attenter à sa vie. Un autre a totalement désinvesti sa scolarité. «  Il dit se foutre de tout, témoigne sa mère. C’est la bagarre tous les jours pour qu’il se lave.  » Quant au jeune garçon, qui a dénoncé le viol après des mois de honte et de mal-être, il présente « une fracture existentielle  » selon l’experte, une douleur qui s’est épanouie au fil des dénégations de l’accusé.

« Petit animal »

«  L’accusé est un petit animal, un prédateur qui vit et survit dans les bois, rôde et écoute ses pulsions qu’il met à exécution. Depuis trois jours, voici qu’il se terre pour échapper au danger. Les enfants auraient eu besoin de le voir menotté, entouré par une escorte…  », a regretté Christel Hoffman, qui a opposé l’attitude de l’accusé à celle de son client qui s’est comporté comme «  un petit homme  ».

«  J’ai la conviction que cet enfant ne ment pas  » a-t-elle insisté, certaine que la défense allait tenter la mise en doute et la relaxe du chef d’inculpation de viol tandis que ses confrères (Christine Wibaut et Régis Debavelaere) ont mis en avant la manipulation exercée sur les enfants.

L’avocat de la défense, Loïc Bussy a fait… ce qu’il a pu pour porter la parole d’un absent, la «  voix d’un silence  ». Il a rappelé, sans s’y attarder, les jours passés par son client dans la cave, «  nu, enfermé et enchaîné par son père, ce qui pourrait expliquer bien des choses…  ». Il a évoqué ces «  histoires d’enfances cabossées et souillées  ». Celles des victimes, effectivement agressées («  je ne serais pas crédible si, comme mon client, je ne les reconnaissais pas »), celle de David Duée. Mais il a fait état de ses doutes quant au viol et à l’animalité de David Duée. «  Hier, dans un lit d’hôpital, non, je n’ai pas vu un animal mais un enfant, terrorisé. »

«  J’ai l’impression qu’il nous a volé ce procès, avait dénoncé l’avocat général Colomar. Il n’a jamais rien dit, a louvoyé pour ne pas avoir à affronter le fond de nos questions.  » «  Il ne peut simplement pas se regarder dans un miroir  », a conclu la défense.

David Duée risquait la prison à perpétuité puisqu’en récidive générale et perpétuelle. Aux seize ans de réclusion, s’ajoutent sept années de suivi socio-judiciaire et une période de sûreté dix ans et huit mois.

Chronologie

Octobre 2003.

David Duée est condamné à 5 ans de prison dont 6 mois avec sursis pour agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans avec une arme.

Septembre 2010.

Il est à nouveau condamné à 5 ans de prison pour agression sexuelle sur mineur.

Janvier 2014.

Sortie de détention, emménagement à Maubeuge.

Entre le 1er juin et le 31 aoüt 2014, trois jeunes garçons de 11 et 12 ans, domiciliés aux Provinces Françaises (Maubeuge) sont victimes d’attouchements.

Fin août 2014.

Deux adolescents de 13 et 12 ans pêchent à Raismes. Ils sont « interpellés » par un garde-pêche qui les menace d’une amende pour absence de permis. Il les force à se déshabiller, les touche et les menace de mort s’ils parlent. La police fait le lien avec l’affaire de Maubeuge.

Le 21 septembre.

Le père et l’oncle d’un des deux Raismois retrouvent celui qu’ils identifient comme le faux garde-pêche dans une cache, sous le pont d’Escautpont. Ils le passent à tabac et l’envoie deux semaines en soins intensifs.

Février 2015.

L’un des deux Raismois raconte avoir été violé une semaine après les attouchements alors qu’il pêchait à 100 m de chez lui.

Dans la nuit du lundi 1er et mardi 2 mai, veille de sa comparution devant la cour d’assises du Nord, David Duée tente de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments.

Mardi 2 mai, malgré les médecins qui jugent l’accusé capable de comparaître, celui-ci refuse catégoriquement de quitter sa chambre sécurisée. Il sera absent tout le procès et demande une hospitalisation libre en psychiatrie. Hier, vendredi, alors qu’il venait de l’obtenir, il l’a refuséee. Il a donc été interné d’office.

Source: La Voix du Nord

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