Liévin | La communauté de prêtres de Riaumont au cœur d’une enquête pour agressions sexuelles et violences sur mineurs

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L’ancien prieur de 61 ans a été jugé
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Deux ans de prison, dont un ferme, ont été requis ce mardi 11 mars contre un ancien responsable de la communauté catholique traditionaliste de Riaumont, à Liévin jugé pour consultation de pédopornographie, le premier procès autour de cet ancien “village d’enfants”, au coeur de plusieurs enquêtes.

Actu du 11/03/2025

L’ancien prieur de 61 ans a été jugé ce mardi pour consultation de contenus pédopornographiques. Un délibéré sera rendu le 6 mai.

Deux ans de prison, dont un ferme, ont été requis ce mardi 11 mars contre un ancien responsable de la communauté catholique traditionaliste de Riaumont, à Liévin (Pas-de-Calais) jugé pour consultation de pédopornographie, le premier procès autour de cet ancien “village d’enfants”, au coeur de plusieurs enquêtes. Le jugement a été mis en délibéré au 6 mai.

A l’audience devant le tribunal correctionnel de Béthune, Alain H., l’ancien prieur de 61 ans, vêtu d’une soutane beige recouverte d’un épais manteau bleu marine, a nié une grande partie des faits qui lui sont reprochés, s’étalant de 2012 à 2017.

A la barre, il a assuré que ses recherches sur des sites pornographiques s’inscrivaient dans le cadre d’une “étude anthropologique, sociétale, éducative”, pour mieux comprendre la jeunesse d’aujourd’hui.

 

Alain H. a contesté le fait que la majorité de ces images mettaient en scène des mineurs, jeunes garçons ou adolescents, comme le nombre de fichiers illicites retrouvés sur ses ordinateurs – environ 2.000 selon les enquêteurs.

La procureure a estimé que le prévenu avait la volonté de “manipuler” ses interlocuteurs en faisant croire qu’il y avait une quelconque “dimension scientifique à tout ça”.

Le parquet a requis un an ferme “aménageable”, c’est-à-dire sous bracelet électronique, et un an avec sursis, en plus d’une injonction de soins et une interdiction d’exercer une activité en contact habituel avec des mineurs.

Un premier procès attendu

Ce procès était très attendu car il est le premier à concerner un religieux de Riaumont. D’anciens pensionnaires de l’institution, qui affirment avoir été victimes de violences sexuelles ou physiques dans les années 1970 et 1990, ainsi qu’une enseignante qui avait fait un signalement au parquet de Béthune dès la fin des années 1970, ont assisté mardi au procès, tout comme l’actuel prieur de la communauté.

Alain H. est aussi mis en examen dans deux autres affaires: l’une concerne des faits de maltraitance d’enfants pensionnaires de Riaumont, et l’autre un viol au sein de l’institution, une affaire dans laquelle il est poursuivi pour “non dénonciation de crime”.

Concernant le volet des violences sur mineurs, le parquet de Béthune a récemment requis la tenue d’un procès contre l’ancien prieur et cinq autres religieux de Riaumont.

Ces cas de maltraitance, des “violences sans incapacité” selon une avocate de la défense, se sont étalés de 2007 à 2019, les périodes variant d’un mis en cause à l’autre. Il s’agit de “gifles, coups, punitions dégradantes” envers “plusieurs dizaines” d’enfants au total, a précisé à l’AFP le procureur de Béthune, Etienne Thieffry.

Deux autres encadrants de Riaumont sont mis en examen pour agressions sexuelles. Une information judiciaire sur ce volet est en cours, comme pour l’affaire de viol, dans laquelle l’auteur présumé était mineur.

Des sévices au sein de l’institution

Selon des témoins et anciens pensionnaires interrogés par l’AFP, d’autres faits graves se sont produits derrière les murs d’inspiration médiévale de Riaumont, qui se présente sur son site comme une “citadelle de l’espérance”. Mais ces faits sont désormais prescrits.

“En France, on est spécialiste du ‘Grâce à Dieu les faits sont prescrits’”, dénonce Arnaud Gallais, président de Mouv’Enfants, association de défense des droits de l’enfant.

M. Gallais réclame la dissolution de Riaumont et une loi pour allonger “à au moins 30 ans” le délai de prescription pour non dénonciation de crimes et agressions sexuelles sur mineurs.

Juchée sur une vaste colline boisée près de Lens, Riaumont a démarré dans les années 1960 comme foyer d’accueil pour enfants placés par les services sociaux, aux côtés d’enfants envoyés par des familles traditionalistes.

Les premiers étaient des “esclaves” tandis que les seconds étaient “bien vus” par l’encadrement, affirme Charline Delporte, présidente de l’association Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes), qui suit Riaumont depuis 30 ans.

Après de premières remontées de sévices, Riaumont a perdu en 1982 son agrément pour enfants placés. La communauté a ensuite lancé une école privée hors contrat, qui n’a fermé qu’en 2019 sur décision administrative, après la révélation des mises en examen.

La préfecture a aussi interdit à la communauté d’accueillir des séjours de scouts cette année.

Interrogé vendredi dernier par l’AFP, le père Christophe Gapais, 61 ans, le nouveau prieur de la communauté, assure qu’il n’y avait pas de “violence institutionnalisée” à Riaumont.

La communauté de prêtres de Riaumont, à Liévin, est au coeur d’une enquête ouverte il y a plusieurs années pour des faits d’agressions sexuelles et de violences sur mineurs. L’ancien prieur de Riaumont, Alain Hocquemiller, a été mis en examen l’an dernier et l’enquête se poursuit.

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Archives. / © MAXPPP

C’est un dossier épineux, une enquête sur laquelle la Police Judiciaire de Lille est saisie “depuis deux petites années”. Tout commence au sein de la communauté de prêtres de Riaumont, à Liévin, dans les années 90. Là-bas, se trouvent à la fois un monastère et un village d’enfants, collège avec internat pour les enfants en difficulté. Les scouts côtoient les encadrants religieux dans un environnement rigoriste. 

C’est cette période-là en particulier qui intéresse les enquêteurs.

D’anciens élèves témoignent en effet aujourd’hui des violences qu’ils disent avoir subies au milieu des années 90.

Julien* est entré au village des enfants à l’âge de 11 ans.

Il y est resté presque 4 ans et en garde un souvenir terrible.

“Les moines avaient des clés avec des gros nœuds de capucins.

Ils s’en servaient pour nous fouetter dans les jambes, ou bien avec une chaîne en fer”, explique l’ancien élève, qui dit avoir gardé des séquelles physiques de ces violences.

Lui raconte comment “les moines qui géraient ça n’avaient pas de scrupules à foutre une bonne baffe”.

“J’avais une règle carrée en fer.

Par moment, ils me l’empruntaient pour mettre un autre élève à genoux dessus”, poursuit Julien.

“Les plus virulents étaient privés de permissions.

Elle étaient déjà rares : on n’avait le droit de rentrer qu’un week-end sur trois, et parfois pas du tout.”

Comme tous les anciens élèves de cette période, il a été entendu en fin d’année dernière par les enquêteurs de la PJ.

A qui il a raconté, en détails, sa scolarité à Riaumont.

“J’ai fait un déni il y a 4 ou 5 ans.

Tous ceux qui étaient passés par là, je les ai supprimés de ma vie.

J’ai tout mis de côté.

Jusqu’à ce que cet officier de police judiciaire me contacte”, poursuit Julien*.

“Je voulais porter plainte il y a quelques années mais je n’ai pas pu à cause de la prescription.

Aujourd’hui je compte sur d’autres personnes.

Mais il faut qu’il y ait un procès.”

Lui n’a pas été témoin d’agressions sexuelles mais a entendu parler de rumeurs.

“La seule chose, une fois, j’ai vu des camarades nus sous une table.”

Un autre ancien élève, resté plusieurs années à Riaumont, parle lui d’une “omerta” sur ce qui s’est passé là-bas, dans les années 90.

 

Mise en examen pour “agression sexuelle”

Depuis deux ans, les enquêteurs ont entendu près de deux cents personnes, notamment les élèves qui se trouvaient à Riaumont à l’époque.

Des témoignages comme celui de Julien* et des perquisitions qui ont permis, en 2017, la mise en examen du père Alain Hocquemiller, alors prieur de la communauté.

“Ça date de 1995.

Les enfants qui étaient là à cette période sont entendus mais je n’en sais pas plus”, indique de son côté Jean-Paul Argouarc’h, directeur du village d’enfants de Riaumont et ancien prieur.

Le Parquet de Béthune, qui supervise l’enquête, ne communique pas mais confirme que le religieux a été mis en examen l’an dernier pour “agression sexuelle sur mineur”, dans un dossier “transmis à l’enquête le 21 février 2018”.

“Le Père Hocquemiller a été éloigné, après sa mise en examen, pour qu’il ne soit plus en contact avec les enfants”, précise le Père Hervé Tabourin, interrogé à ce sujet.

Nous n’avons pas réussi à joindre Alain Hocquemiller.

D’après nos confrères du Point, l’ancien prieur se serait retiré dans l’abbaye du Barroux, située près de Carpentras.

 

D’autres mis en cause ?

L’enquête ne s’est pas arrêtée après cette première mise en examen, bien que les faits, anciens, soient “difficiles et loin d’être prouvés”, indiquent les enquêteurs, prudents et “sceptiques”.

D’autres témoignages incriminants auraient été reçus.

D’après l’association “La parole libérée”, à l’origine des révélations d’actes pédophiles en France depuis 2015, “plusieurs témoignages”, impliquant “plusieurs prêtres”, ont été reçus.

Le réseau d’investigation Interpol serait d’ailleurs impliqué dans l’enquête, pour des faits ou des victimes se trouvant dans d’autres pays que la France.

En France, un ancien membre de la communauté de Riaumont, l’Abbé Régis Spinoza, a par ailleurs été placé en garde à vue l’an dernier pour “une dizaine de chefs de prévention, dont violence, agression sexuelle, travail dissimulé, escroquerie…”, indiquait alors le Procureur de Bourges à nos confrères du Berry.

En tout cas, aujourd’hui, la communauté de Riaumont se défend d’infliger à ses élèves de quelconques sévices.

Et quant à ce qui a pu se passer avant, tous prennent des pincettes.

“J’ai été convoqué par la police pour être entendu sur des histoires d’agressions sexuelles et de violences.

Il n’y a pas eu d’agressions à ma connaissance mais si c’est arrivé c’est très grave”, avance le Père Hervé Tabourin.

“Avec le nombre de chefs qui sont passés, on ne peut pas être au courant de tout.

S’il a eu des abus sexuels c’est beaucoup plus grave.

On fait très attention”, poursuit le religieux.

“Cette histoire atteint beaucoup la communauté.

Je dors très mal.

Mais ce n’est pas la communauté qui compte, c’est de protéger les enfants.”

Aujourd’hui, une petite trentaine d’enfants sont scolarisés au village des enfants.

“Si 30 ans après, des anciens ont besoin de s’exprimer c’est important qu’ils puissent le faire.”

En 2001, le suicide d’un élève

La communauté de Riaumont avait déjà été passée au crible de la justice en 2001, suite au suicide d’un élève de 14 ans.

L’enfant avait été retrouvé pendu dans l’enceinte du village d’enfants, à l’heure du déjeuner.

A l’époque, la justice est saisie de l’affaire et le Parquet de Béthune ouvre une information judiciaire pour rechercher les causes de la mort.

Quelques jours plus tôt, l’adolescent avait pourtant tiré la sonnette d’alarme sur le règlement strict de l’établissement.

Sa tante, qui l’avait écouté, avait accepté de l’accompagner dans une démarche juridique.

A sa mort, la grand-mère de l’adolescent expliquait que les prêtres avaient fait “pression” sur son petit-fils pour qu’il fasse annuler la procédure.

Une école hors-contrat

Le village d’enfants de Riaumont est hors-contrat et ne reçoit aucune subvention de l’État.

“On est une école hors-contrat, mais la seule chose particulière c’est le scoutisme, où on permet aux enfants d’avoir un accès direct à la nature, de les responsabiliser en petits groupes”, précise le père Hervé Tabourin.

Il décrit le fonctionnement d’une école assez classique, tant sur le programme que sur les méthodes d’enseignement.

“Nos punitions sont assez classiques : des colles, des copies…

Autrefois, s’il y en a un qui cassait le carreau, on le virait par le carreau.

Mais aujourd’hui ça ne se fait plus.

On cherche à ce que l’enfant comprenne”, poursuit-il évoquant les méthodes utilisées dans les années 60.

La communauté de Riaumont appartient au mouvement catholique traditionaliste qui se rattache à l’Ecclesia Dei, réponse du pape Jean-Paul II au schisme de la Fraternité Saint-Pie-X, traditionnaliste.

Une Fraternité elle aussi visée par de nombreux témoignages de victimes supposées d’agressions sexuelles sur mineurs, comme l’a déjà souligné l’AVREF (Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles), dans son livre noir.

Source : France 3 Régions

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