Inceste | Le combat de Valérie Corré contre la prescription

Victime d’inceste de son père et de son oncle durant son enfance, Valérie Corré se bat pour l’abrogation de la prescription en matière d’inceste. Elle a écrit un livre pour que la parole de la victime puisse être entendue.

“J’étais une enfant très sensible, très vulnérable, extrêmement timide. Mes références, c’étaient les adultes proches qu’il y avait autour de moi”,

raconte Valérie Corré.

Cette mère de trois enfants, récemment installée à Ajaccio, a été victime d’un double inceste à l’âge de 7 ans, pendant 3 ans.

Elle a mis plus de 10 ans pour écrire son livre témoignage “Sois gentille…!”, publié en 2013.

Difficulté supplémentaire, elle s’est mise une partie de la famille à dos qui ne voulait pas la croire.

Pourquoi avoir attendu si longtemps pour parler ? Même en tant que victime, le poids de la culpabilité existe :

 « À partir du moment où il m’était imposé ces gestes, […] on se pose la question en permanence en tant qu’enfant : “mais qu’est-ce que j’ai fait ? Si on m’a fait du mal, c’est que j’ai fait moi-même des choses qu’il ne fallait pas” ».

Son père et son oncle utilisent aussi le chantage affectif sur la petite fille.

« “Si tu dis cela, attention tu aimes bien ton papa, tu ne veux pas que papa aille en prison”, cela c’est de la manipulation affective. Et puis le chantage : “si tu parles, je te tue. Si tu parles, je te fais la tête au carré comme le compteur électrique” […] Et cela, on y croit ».

On se pose la question en permanence en tant qu’enfant :

“mais qu’est-ce que j’ai fait ?”


Viol : “Il faut beaucoup de temps à la victime pour pouvoir en parler”

Une mère qui ne veut pas voir

Valérie Corré est abandonnée par une mère qui ne voit pas, ou qui ne veut pas voir, et surtout, qui n’entend pas.

“Elle n’arrivait pas à comprendre qu’effectivement, elle m’avait donné la vie. Mais avoir la vie et être en vie, ce n’est pas la même chose. J’étais attirée par la mort en permanence parce que je me dégoutais”,

affirme-t-elle.

“J’avais l’impression d’être un déchet, une mauvaise personne, ayant du mal sans arrêt à me construire, à me faire confiance. J’ai pensé au suicide, j’ai même tenté, deux ou trois fois.”

La petite fille placée à l’assistance publique va tenter de survivre à l’étouffement de l’inceste et s’évertuer à vivre.

J’avais l’impression d’être un déchet, une mauvaise personne

Le temps a tourné, Valérie est devenue une femme et c’est une dernière attaque qui va définitivement libérer la parole.

“La goutte de trop, c’est le fait qu’on ait culpabilisé sur la mort de ma mère. Je pense que c’est cela qui m’a énormément meurtri. Quand j’ai commencé à révéler les traumatismes subis dans l’enfance, quand j’ai commencé enfin à vouloir le révéler à ma mère, j’avais 35 ans”,

explique Valérie Corré.

« Et je savais qu’avec maman le dialogue n’était pas possible et des amis m’avaient dit, “toi qui écrit bien, tu n’as qu’à lui envoyer une lettre”. Et cette lettre, c’était le début de mon livre actuel. »

On l’accuse d’avoir tué sa mère par ces propos. Valérie n’est plus la gentille, elle crie sa vérité à la face du monde. C’est son “lavement vaginal” comme elle le dit.

Changer la loi

Mais un livre ne fait pas tout. Plus de 20 ans sont passés après sa majorité. Pour la justice, les faits tombent sous le coup de la prescription.

En effet, toute victime d’agression sexuelle à 20 ans pour porter plainte si elle était mineure au moment des faits, 10 ans si elle était majeure.

“Il faut beaucoup de temps à la victime pour pouvoir en parler. Et ce que je voudrais faire comprendre à nos juges, à nos élus, c’est que dans ces cas de figure, il faut tellement de temps qu’il faut respecter la victime, respecter sa parole.”

C’est ainsi que son témoignage “a été présenté en novembre 2013 à la Commission des lois de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi relatif à l’inceste et à la famille”.

Depuis la parution de cet ouvrage, elle parcours la France à la rencontre de lycéens pour avertir et expliquer l’inceste.

À travers une pétition, elle continue son combat pour allonger les délais de prescription.

Source : France 3

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