Mulhouse | Une femme de 70 ans condamnée pour non dénonciation de violences sexuelles

non

Elle m’a dit une fois que tonton voulait lui toucher les seins et lui faire un bisou
Lundi 15 avril, le tribunal de Mulhouse jugeait l’attitude d’une ancienne assistante familiale face aux agressions sexuelles commises par son mari à l’encontre d’une mineure qu’ils accueillaient.

Lunettes cerclées de rouge, elle n’adressera pas un regard à la victime.

Pas plus de remords, ni excuses. Ce 15 avril, Françoise (*), demeure peu expansive devant le tribunal judiciaire de Mulhouse.

Comme figée par des faits qui la dépassent. Cette dame de presque 70 ans était poursuivie pour non-dénonciation de violences sexuelles exercées par son mari sur Lucie (*), une enfant qu’ils ont accueillie de 2006 à 18, dans la vallée de la Thur, en tant qu’assistants familiaux.

La procédure démarre en janvier 2020 grâce au signalement d’une des filles du couple (il a 3 enfants), à laquelle s’était confiée la victime, alors âgée de 20 ans.

«Je l’ai suppliée, au début, de ne pas en parler. Je n’étais pas prête. Mais il fallait que je protège ceux qui vivaient encore là-bas», retrace à la barre la victime, 24 ans aujourd’hui, toute vêtue de noir.

Le principal mis en cause est décédé en juin 2020, mais l’instruction se poursuit puisque la responsabilité de sa femme est pointée.

«Tatie, il faut que je te parle : il s’est passé quelque chose de grave hier soir», ose Lucie, un jour de 2014. La veille, «tonton» s’est couché sur l’adolescente de 14 ans et l’a pelotée.

Françoise la coupe :

«Il fallait bien que ça arrive un jour. Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ?»

Le soir, le mari est néanmoins sermonné. Il menace de se suicider et quitte la maison avec une corde.

Il est récupéré par des amis, prostré dans sa voiture.

«Il faut qu’il arrête ses conneries», leur explique son épouse.

La jeune fille aurait également subi des propos déplacés – «Tu as un bon petit cul» –, des mains sur la poitrine, entre les cuisses, des tentatives de baisers et de pénétration digitale.

Françoise a assisté à un de ces gestes, un soir, dans la cuisine.

«Sale cochon !», a-t-elle craché à son mari en alsacien.

À l’époque, la petite amie de Lucie est au courant de ces agressions. Sa mère aussi, laquelle rapportera des éléments à l’éducateur de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Alors, Françoise assène à Lucie : «Je vais perdre mon travail, toi, tu vas partir d’ici et ne plus avoir d’amis»

Prise dans un conflit de loyauté, l’adolescente va alors dédramatiser ses déclarations, affirmant qu’il ne s’agissait que de «guilis», assurant que sa propre mère est «malade».

«Pourquoi avoir libéré cette parole en décembre 2019 ?»,interroge avec douceur la présidente, Tiffany Gamain.

«Je ne me sentais pas bien dans ma peau. Je suis allée voir un psy et tout est sorti à ce moment-là», répond Lucie.

La vie intime de la Bas-Rhinoise reste compliquée :

«Je ne suis pas encore prête pour le couple», dit-t-elle avec émotion.

Convaincu de la véracité de ses dires, évoquant le «mécanisme de déni» mis en place par la prévenue «pour ne pas fracasser son couple», le procureur, Jean-François Assal, lui enjoint de parler.

Reprenant les mots d’Einstein : «Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire»

Les mains jointes, elle parle :

«Elle m’a dit une fois que tonton voulait lui toucher les seins et lui faire un bisou. J’étais persuadée que c’était arrangé parce que l’ASE était au courant».

Confiant avoir été sous antidépresseurs pendant 2 ans, elle indique :

«Ça a détruit ma vie. Des vies.» «Des vies ?», reprend la prés. «Oui, j’ai perdu mon mari, ma maman…», clôt-t’elle.

Maitre Charles-Henri Wolber, avocat de Lucie, oppose son caractère «fuyant» au «courage» de Lucie.

«On a beau ergoter, on sait tous ce qu’il s’est passé»

Pour la défense, Maitre Alban Pierre convoque l’image dressée par «tout le monde» d’une femme «généreuse, au rôle protecteur et maternel».

«On jette toujours Mme en pâture dans ce dossier. Mais l’ASE a péché en classant l’incident».

Le tribunal l’a condamnée à 2 ans de prison avec sursis, suivant les réquisitoire du procureur et doit verser 3 000 € à Lucie pour le préjudice moral.

(*) prénoms modifié

Source(s):