États-Unis | J’ai épousé un monstre : Erik et Lyle Menendez

 

Match poursuit l’enquête sur ces femmes qui offrent leur vie à des hommes qui incarnent le mal absolu.

Cette semaine, Anna et Tammi tombées amoureuses de Lyle et Erik en suivant leur procès à la télé.

Ils sont jugés pour le massacre de leur père, un riche producteur de cinéma, et de leur mère, une ancienne reine de beauté.

Faute d’avoir droit au costume de marié, il a impeccablement repassé sa tenue de prisonnier, chemise et pantalon bleus, et ciré ses chaussures.

Son sourire est rayonnant.

Et pour Tammi, c’est la seule chose qui compte.

Quand elle entend le benjamin des frères Menendez, Erik, prononcer le « oui » définitif, ce jour d’été 1999, dans le minuscule parloir transformé en salle de mariage, elle se sent défaillir.

Leur pièce montée, un assemblage ordinaire de Twinkie, ces gâteaux industriels pour écoliers américains, n’a peut-être pas la saveur qui convient aux grands jours, mais elle est heureuse comme elle ne l’a jamais été.

Tammi a rencontré son futur mari à la télévision.

Les noms d’Erik et Lyle Menendez font alors les gros titres des journaux.

Ils ont tué père et mère dans leur magnifique demeure de Beverly Hills, au 722 North Elm Drive, une des plus belles allées du quartier des stars.

Le crime a eu lieu durant l’été 1989.

Dans les premiers jours, on songe à un crime de la Mafia.

La faute au profil d’une des victimes, Jose Menendez.

Né à Cuba, arrivé sans un dollar en poche aux Etats-Unis, il est devenu un gros bonnet de Hollywood.

Mais, aux Etats-Unis, le trafic de cocaïne n’est pas l’unique manière de réussir…

Il était simplement « executive vice-president » de Carolco Pictures, après avoir été un des pontes des studios RCA Records…

Les parents ont été abattus à coups de fusil de gros calibre, alors qu’ils étaient assis devant la télé.

Une dizaine de balles pour le père.

Une seule pour la mère, mais qui lui a fait exploser la mâchoire.

Les garçons les auraient découverts en revenant du cinéma.

Ils ont alors composé le 911, numéro des urgences.

« Venez ! Venez ! Mes parents ont été tués », hurlait Lyle, l’aîné, la voix secouée par les sanglots.

Les flics n’ont jamais vu pareil massacre.

Ils en oublient de fouiller les deux frères, qui semblent traumatisés.

Quelques jours plus tard, pourtant, on dirait qu’ils ont fait leur deuil.

Ils ont hérité de 14 millions de dollars et c’est Noël en plein été : Rolex, Porsche, appartements, restaurant, la liste des achats n’en finit pas. Pour la procureure, il suffira de savoir à qui profite le crime pour résoudre l’énigme…

Lyle et Erik ignorent-ils que l’argent ne fait pas le bonheur ? Le second, le benjamin, se sent si mal qu’il éprouve le besoin de se confier à son psy qui ne trouve rien de mieux à faire que l’enregistrer et remettre les bandes à la police. A la suite de quoi les deux frères, confondant la pauvre chaise d’un commissariat avec un divan de thérapeute, sont passés aux aveux. Fin de l’enquête, début du procès. Chance ou malchance, les orphelins sont jolis garçons. Jeunes, grands, sportifs, cheveux courts et dents impeccablement alignées par le miracle de l’orthodontie. Des allures de champions de tennis. Autant d’éléments qui compliquent le travail de la justice.

Erik décrit une scène de sodomie.

Lyle, des attouchements sous la douche. Vérité ou mensonge ? On hésite

Impossible, à ce stade, de ne pas songer à la chanson de Barbara :

« Si la photo est bonne, qu’on m’amène ce jeune homme, ce fils de rien, ce tout et pire, cette crapule au doux sourire… »

Comment une femme sensible resterait-elle impassible devant les héros de ce nouveau feuilleton télé ?

Le procès est retransmis à la télévision.

Un nouveau genre à succès, qui fleurit à la même époque que le procès O.J. Simpson, la star du foot accusée d’être l’assassin de sa femme.

Les feuilletons préférés des « housewives » américaines sont écrits avec le sang de la réalité.

La tension monte d’un cran quand Erik et Lyle, dans leurs petits pulls BCBG, fondent en larmes.

Coup de théâtre.

Les voilà qui racontent les sévices sexuels que leur père leur aurait fait subir.

Erik décrit une scène de sodomie.

Lyle, des attouchements sous la douche.

 

Pour les spectateurs les plus durs à cuire, les bourreaux diaboliques sont des « monstruosités de la nature » qu’il est urgent d’effacer de la surface de la Terre.

Ils réclament la peine de mort, s’appuyant sur les recommandations bibliques.

Rappelons que le parricide était puni, dans la France de l’Ancien Régime, par le supplice de la roue…

Pour les douces au cœur tendre, c’est une autre histoire.

Ces jolis garçons ne peuvent, évidemment, qu’être les victimes d’un enfer appelé « famille ».

Père tyrannique et obsédé par l’argent, mère dépressive et alcoolique…

Pour les soutenir, une armée de psys monte en renfort.

Toute l’affaire n’a-t-elle pas commencé par la trahison d’un des leurs ?

Sous le patronage de saint Sigmund Freud, on explique que pour assassiner papa et maman, il faut avoir eu son lot de souffrances auprès desquelles les punitions humaines ne sont rien d’autre qu’un sparadrap sur une prothèse en titane.

 

A g., Anna Eriksson, mannequin suédois, épouse Lyle en 1996 et Tammi, le jour de son mariage avec Erik, en juin 1999. © Sam Mircovich/Reuters, Getty Images

Les jurés, ébranlés, n’arrivent plus à se mettre d’accord. A la surprise générale, ils considèrent les deux frères comme « injugeables ». Il faut organiser un second procès. O.J. Simpson est acquitté ; les deux frères, eux, seront condamnés à perpétuité sans liberté conditionnelle.

On ne peut pas donner partout le même programme…

Pas de chance pour le facteur : il doit leur livrer jusqu’à 1 000 lettres chacun par semaine !

Les beaux prisonniers pourraient s’en faire un sommier.

Le journaliste d’investigation Robert Rand, qui a suivi tout le procès, s’en servira pour le livre définitif qui clôturera – peut-être – l’affaire (« Strange Sins : the Inside Story that Shocked Beverly Hills », à paraître début 2018).

Aux lettres sont souvent jointes des photos.

C’est ce qu’a fait Tammi, bourgeoise du Minnesota, qui, avec l’accord de Chuck, son mari, riche promoteur immobilier, prend contact avec Erik dès le début du procès.

Pour lui apporter son soutien, rien de plus.

A sa grande surprise, il lui répond.

Et lui confie qu’il a déjà une « girlfriend »…

Qu’importe, elle n’y lit pas d’interdiction d’aller plus loin.

Toutes ses pensées sont pures :

« Oh ! le pauvre, comme ce doit être dur », se dit-elle.

C’est Lyle, l’aîné, le leader, qui a le plus de succès.

Depuis sa cellule, il reçoit les lettres enflammées d’une Suédoise, Anna Eriksson, top model coquine, qui pose alors dans une édition spéciale de « Playboy ».

On ignore si elle lui fait livrer le magazine.

« Je me souviens de la première fois où je l’ai vu à la télévision, a-t-elle raconté.

Il se retournait, le regard résigné, triste mais encore fort.

Je lui ai écrit : “Tiens bon.” Notre amour est né comme ça. »

Leur correspondance prend un tour intime.

Puis elle va le voir aux audiences, et ils échangent un regard…

Anna, qui est une fille droite, rompt aussitôt avec son boyfriend.

Elle quitte Denver (Colorado) pour s’installer en Californie et se rapprocher de la prison.

Trois ans plus tard, ils se marient.

Mais le divorce suit. Le poids de l’absence ?

Pas tout à fait. Souvenez-vous, Barbara :

« Cette crapule […] qu’on n’a pas su comprendre, […] surtout qu’il soit fidèle. »

L’injonction n’aurait pas été respectée.

Anna découvre que Lyle la trompe avec une autre.

Par voie épistolaire, s’entend.

Il séchera ses larmes et ne restera pas longtemps célibataire : en novembre 2003, il se remarie dans sa prison de Ione (Californie) avec Rebecca Sneed, aujourd’hui avocate à Sacramento.

La mariée s’installe dans une maison « confortable et paisible », à deux pas du pénitencier…

Rebecca aurait été abusée sexuellement dans son enfance, comme Lyle le fut par son père.

Tammi, elle, a découvert que son mari entretenait une relation secrète avec sa fille de 15 ans, née d’un précédent mariage.

Il a tout avoué avant de se suicider.

Elles ont toutes deux leurs raisons pour trouver des excuses aux condamnés.

Même si elles ne pourront jamais coucher avec eux.

Le règlement pénitentiaire le leur interdit.

Tout juste permet-il quelques baisers furtifs pendant les visites, sous le regard inquisiteur du surveillant.

« Rebecca est une femme formidable, très forte et adorable »,

me dit aujourd’hui Diane Vandermolen, la cousine des Menendez.

« Elle adore sauver les chats. Elle en a plusieurs. »

Mais elle n’a qu’un seul mari.

« Elle le protège, car elle voit en lui une victime, pas un assassin.

Ils se parlent tous les jours et elle va le voir en prison tous les week-ends.

Ils communiquent bien plus que la plupart des couples. »

Le 8 février dernier, Rebecca postait sur Facebook un message hermétique :

« Néanmoins, elle persista. »

Tammi a publié un livre sur son histoire d’amour, « Ils disaient qu’on n’y arriverait jamais ».

Pour conserver la maîtrise totale du contenu éditorial, elle a refusé toutes les propositions des éditeurs et a choisi d’écrire à compte d’auteur.

Elle assure : « Je ne serais jamais tombée amoureuse d’un serial killer. »

Comme Rebecca, elle se dit fière de porter le nom de Menendez.

Source: Paris Match

Source(s):